Cass. 3e civ., 23 juin 2016, n° 15-11.440
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Andrich
Avocat général :
Mme Salvat
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP de Chaisemartin et Courjon
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 511-1 et L. 512-17 du code de l'environnement, 34-1 du décret du 21 septembre 1977 alors en vigueur et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le réaménagement du site sur lequel a été exploitée une installation classée fait partie intégrante de l'activité exercée et de ce principe que l'indemnité d'occupation due pendant la remise en état d'un site, après cessation de l'activité, doit être fixée par référence au loyer prévu au bail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 novembre 2014), que la société Vidam, venant aux droits de la société Sedimec, locataire de terrains destinés à l'usage de décharge de déchets industriels, installation classée dont l'exploitation a été autorisée jusqu'au 30 juin 2004, a déposé, le 2 juin 2004, un dossier de fin d'exploitation et notifié, les 28 et 29 juin 2004, aux bailleurs, Mme Elisabeth X veuve Y, MM. Christophe, Stéphane, Guillaume et Florent Y et Mmes Judith et Sara Y (les consorts Y) un congé à effet du 31 décembre 2004 ; que, la société Vidam ayant continué à occuper les terrains au-delà de cette date pour procéder à un réaménagement conforme aux prescriptions préfectorales, les consorts Y ont sollicité sa condamnation au paiement d'un arriéré de loyers ou d'une indemnité d'occupation ;
Attendu que, pour fixer l'indemnité d'occupation à une certaine somme correspondant à la valeur locative d'une terre agricole, l'arrêt retient qu'au-delà du 31 décembre 2004, les propriétaires ne pouvaient plus donner leurs terrains à usage de décharge ni même à un autre usage commercial ou industriel, en considération des contraintes environnementales résultant de l'exploitation de cette ancienne carrière à usage d'enfouissement de déchets, que l'occupation des terrains par la société Vidam privant les propriétaires de jouissance pour la période concernée ne leur a causé qu'un préjudice très limité, qui ne peut être évalué sur la base du loyer convenu entre les parties pendant la période d'exploitation commerciale de la décharge et qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité correspondant à la fourchette basse de la valeur locative des terres agricoles de moyenne qualité, seul usage potentiel envisageable de ces terrains à l'issue du suivi post-exploitation de trente ans ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société Vidam s'était maintenue dans les lieux près de cinq années après avoir mis fin au bail pour exécuter son obligation légale de remise en état du site, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 5 137, 49 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, l'indemnité due par la société Vidam pour l'occupation, entre le 5 août 2006 et le 10 novembre 2009, des terrains situés à Lihons, objets du contrat de bail du 20 avril 1984 et condamne les consorts Y à payer à la société Vidam une indemnité de procédure de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.