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Décisions

Cass. com., 19 octobre 1999, n° 97-17.480

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Sept (SARL)

Défendeur :

La Poste

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Bouthors, SCP Defrenois et Levis

Amiens, 1re ch. civ., du 9 mai 1997

9 mai 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que La Poste, titulaire de la marque notoire caractérisée par un logotype en lettres suivi d'un oiseau stylisé bleu sur fond jaune, qui sera déposée le 7 décembre 1989 et enregistrée sous le n° 1.572.869, pour les classes de produits ou services 9, 12, 16, 18, 22, 25, 28, 35 à 42, (comprenant notamment les produits de l'imprimerie, journaux et périodiques, la distribution de prospectus et les abonnements de journaux,) a, après saisie-contrefaçon, assigné en nullité de marques et en contrefaçon, la société Sept, qui a déposé, d'une part le 8 novembre 1988 une marque figurative noire sur fond jaune représentant un oiseau stylisé, enregistrée sous le n° 1.663.395, pour la classe de services 35 comprenant notamment la distribution de prospectus, journaux, échantillons et articles publicitaires, d'autre part, le 9 août 1991, la même marque figurative mais de couleur bleue sur fond jaune, enregistrée sous le n° 1.693.012, pour les classes de services 35 et 41 ;

Sur le pourvoi principal :

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sept fait grief à l'arrêt d'avoir annulé l'enregistrement de la marque déposée le 8 novembre 1988, sous le n° 1.663.395, alors, selon le pourvoi, que, selon l'article L. 714-4 du Code de la propriété intellectuelle, l'action en nullité d'une marque se prescrit par cinq ans à moins que le déposant de la marque litigieuse ait procédé de mauvaise foi à son enregistrement ; que la mauvaise foi suppose une intention de nuire du déposant, indépendante de la similitude des marques et du risque de confusion ; que, pour écarter la prescription de l'action en nullité, la cour d'appel s'est bornée à déduire sa mauvaise foi, lors de l'enregistrement de la marque litigieuse, de la similitude des marques, de la notoriété de la marque complexe déposée par La Poste et du risque de confusion ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser son intention de nuire, intention qui était nécessaire pour retenir la mauvaise foi et faire échec à la prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le graphisme de la marque figurative déposée par la société Sept présente avec la marque notoire de La Poste des similitudes de nature à créer une confusion dans l'esprit du public ; que la cour d'appel, après avoir relevé que, compte tenu de l'ancienneté et de la diffusion sur l'ensemble du territoire national du signe distinctif utilisé par La Poste depuis 1960, la société Sept, qui avait enregistré la marque litigieuse dans une classe de services où elle était en concurrence directe avec les services postaux, avait agi de mauvaise foi et ne pouvait bénéficier de la prescription quinquennale, a fait une exacte application du texte susvisé ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Sept fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que l'usage de la dénomination Norporte suivie d'un oiseau stylisé, le tout de couleur bleue ou noire sur fond jaune, constituait une contrefaçon de la marque dont La Poste est propriétaire, de lui avoir fait défense de faire usage de la dénomination précitée, d'avoir ordonné la destruction de tous supports matériels portant ladite dénomination et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, l'action en contrefaçon se prescrit par trois ans à compter de la survenance du fait délictueux et non de la constatation du délit ; qu'ainsi, la prescription de l'action en contrefaçon a commencé à courir à compter de l'usage de la marque n° 1.663.395 prétendument contrefaite ; qu'en retenant que le point de départ de la prescription de l'action était la constatation, par procès-verbal, de l'usage de ladite marque prétendument contrefaite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, selon l'article 2 de la loi du 31 décembre 1964, le juge est tenu de délimiter le champ d'application de l'interdiction qu'il énonce ; qu'ainsi, il ne peut faire interdiction au contrefacteur de faire usage de la marque à quelque titre que ce soit ; qu'en édictant une interdiction générale de faire usage de la marque, sans la restreindre aux seuls services de classe 35 et 41 désignés lors du dépôt de la marque prétendument contrefaite, la cour d'appel a violé le texte précité ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la société Sept, aux termes du procès-verbal de saisie-contrefaçon, faisait usage, le 13 avril 1994, de la dénomination Norporte suivie de l'oiseau stylisé, le tout de couleur bleue sur fond jaune, la cour d'appel a pu en déduire que la prescription triennale n'était pas acquise à la date de l'assignation ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que la société Sept ait invoqué devant les juges du fond le moyen tiré de la violation de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1964 ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;

Sur le pourvoi incident :

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que La Poste reproche à l'arrêt d'avoir limité la contrefaçon de sa marque à l'usage par la société Sept de la dénomination Norporte suivie d'un oiseau stylisé, le tout de couleur bleue sur fond jaune, d'avoir seulement fait défense à ladite société de faire usage de la dénomination Norporte suivie d'un oiseau stylisé, le tout de couleur bleue sur fond jaune, ou du seul oiseau stylisé bleu ou noir sur fond jaune, ordonné la destruction des seuls supports matériels portant la dénomination Norporte suivie de l'oiseau stylisé, le tout de couleur bleue sur fond jaune, limité à 100 000 francs le montant des dommages-intérêts et de l'avoir débouté de ses autres demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ne recherchant pas, bien qu'y étant invitée, si la dénomination Norporte suivie d'un oiseau noir ne constituait pas la contrefaçon de la marque dont La Poste est propriétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 28 de la loi du 31 décembre 1964, actuellement article L. 713-3-b du Code de la propriété intellectuelle ; alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas, bien qu'y étant invitée, si l'usage de la dénomination Norporte suivie d'un oiseau noir ne constituait pas la contrefaçon de sa marque, la cour d'appel n' a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ; alors, enfin, qu'en la déboutant de ses demandes tendant à l'interdiction de l'usage de la dénomination Norporte suivie de l'oiseau noir, et à la destruction des supports matériels portant cette combinaison, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des conclusions de La Poste que celle-ci ait demandé que soit constatée la contrefaçon par reproduction ou imitation de sa marque du signe complexe comportant la dénomination Norporte suivie d'un oiseau stylisé de couleur noire ; d'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de droit et de fait, est irrecevable ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que La Poste fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en publication de la décision, alors, selon le pourvoi, qu'en se bornant à affirmer que la publication de l'arrêt ne s'imposait pas, sans motiver autrement sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les mesures et condamnations prononcées suffisaient à réparer le dommage de La Poste et à y mettre fin pour l'avenir, la cour d'appel, qui a rejeté la demande de publication de l'arrêt dans la presse, a satisfait aux exigences du texte susvisé ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 24 du décret du 27 juillet 1965, ensemble les articles L. 714-3 et L. 714-7 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que la décision d'annulation de l'enregistrement d'une marque doit, après être devenue irrévocable, être publiée au registre national des marques ; que la cour d'appel, en se bornant à dire n'y avoir lieu à radiation des marques, sans ordonner la publication de sa décision audit registre, a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a omis d'ordonner l'inscription de l'arrêt au registre national des marques, l'arrêt rendu le 9 juillet 1997, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE au greffier en chef de la Cour de Cassation de requérir l'inscription de l'arrêt au registre national des marques ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de La Poste ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.