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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 24 janvier 2012, n° 10/08534

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Vanves Auto Services (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Brylinski, Mme Beauvois

CA Versailles n° 10/08534

23 janvier 2012

FAITS ET PROCEDURE

La société Paris Sud Pièces et Services était titulaire d'un bail commercial initialement consenti en renouvellement à la société Garage Michelet le 21 janvier 1996 à effet au 1er avril 1995, par madame D., sur divers locaux commerciaux situés [...].

Madame D. a fait signifier le 27 novembre 2003 un congé avec offre de renouvellement à effet au 1er juin 2004 et par mémoire daté du 24 novembre 2005 a demandé la fixation du loyer en renouvellement à la somme de 40.000 €.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Paris Sud Pièces et Services, le fonds de commerce a été cédé le 25 mai 2005 à monsieur Philippe B., dont les engagements ont été repris par la société Vanves Auto Service.

La tentative de conciliation devant la Commission départementale de conciliation n'ayant pu aboutir, Madame D. a saisi le juge des baux et loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 40 000 €.

Cette juridiction, par jugement rendu le 26 juin 2007, a fixé la date du renouvellement du bail au 1er juillet 2004 et désigné un consultant, qui a déposé son rapport le 3 mars 2008.

Madame Chantal D. et monsieur Guy D. ont repris l'instance aux lieu et place de leur mère décédée ; le juge des baux et loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement rendu le 17 mai 2010, a :

- déclaré irrecevable le mémoire en ouverture de rapport déposé au greffe le 14 avril 2008 par les consorts D. ;

- dit que les locaux ne sont pas monovalents ;

- fixé le loyer du bail renouvelé, par application de la variation indicielle, à la somme annuelle en principal de 26.056 € HT/HC ;

- fait masse des dépens comprenant les frais de consultation et ordonné leur partage par moitié.

***

Madame Chantal D. et monsieur Guy D. ont interjeté appel et, aux termes de leurs dernières écritures en date du 17 mars 2011 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demandent à la cour, infirmant la décision entreprise, de :

- à titre liminaire, sous le visa des articles 960 et 961 alinéa 1 du Code de procédure civile, déclarer irrecevables toutes les conclusions susceptibles d'être régularisées par la Société Vanves Auto Service devant la cour, tant que son adresse effective et actuelle n'aura pas été justifiée par des éléments objectifs et incontestables ;

- a titre principal dire que le caractère monovalent des locaux objets du bail litigieux et les modifications affectant leur valeur locative justifient d'écarter la règle du plafonnement, et fixer le montant du loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 40.000 € HT et HC à compter du 1er juillet 2004 ;

Y ajoutant, - sous le visa des articles 1154 et 1155 du code civil, condamner la Société Vanves Auto Services au paiement des intérêts dus sur ledit loyer à compter de la date de délivrance de l'assignation et ordonner leur capitalisation ;

- à titre subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment informée ou souhaitait disposer de l'avis d'un autre homme de l'art concernant la fixation du loyer du bail renouvelé, ordonner une nouvelle mesure de consultation ou d'expertise, avec mission habituelle, aux frais avancés de la société Vanves Auto Services ;

En tout état de cause, - décharger monsieur Guy et madame Chantal D. de toutes les condamnations qui ont pu être prononcées par le tribunal leur encontre, en principal, frais, intérêts et accessoires, et débouter la société Vanves Auto Services en toutes ses prétentions ;

- condamner la société Vanves Auto Services au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais de consultation.

***

La société Vanves Auto Service, aux termes de ses dernières écritures en date du 23 mai 2011 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles L 145-33, L145-34, L145-36 et R145-10 du code de commerce , de confirmer le jugement entrepris, débouter les consorts D. de l'ensemble de leurs prétentions et les condamner au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

DISCUSSION

La société Vanves Auto Services précise dans ses dernières écritures, et en justifie par son extrait Kbis daté du 3 mai 2011, que son siège social se situe désormais [...] ; ses conclusions doivent en conséquence être déclarées recevables.

***

Par application combinée des articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'un des indices énumérés, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, mais peut être fixé à la valeur locative si au cours du bail expiré est survenue une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité.

L'article R.145-10 du même code dispose que le prix des du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Pour prétendre à la fixation du loyer à la valeur locative par exception à la règle du plafonnement, les consorts D. arguent en premier lieu du caractère monovalent des locaux, ainsi que d'une modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative en raison de travaux réalisés dans l'immeuble et d'une extension d'activité autorisée par le bailleur.

Les locaux objets du bail consistent en : un hangar couvert en tôle en façade sur le [...], jusqu'au bâtiment au fond en façade sur l'[...] qui comporte un premier étage se situant en rez-de-chaussée sur cette avenue en raison de la dénivellation entre les deux voies ; à gauche de ce hangar, un autre hangar couvert en tuiles sur le [...] ; à la suite de celui-ci un bâtiment en briques couvert en tuiles suivi d'un deuxième hangar allant au bâtiment du fond sans séparation avec le sous-sol du bâtiment sur l'[...] ; le sous-sol de l'immeuble et la cour situés [...] sauf la partie chaufferie et les caves des locataires de cet immeuble qui sont sans communication avec le sous-sol loué.

Ils ont pour destination, et ce à tout le moins depuis les années 1960, l'activité de mécanique générale, électricité automobile, garage de voitures automobiles, visite de carburants autos, et depuis 1978 également celle de carrosserie, peinture et réparations automobiles, à l'exclusion de tout autre commerce profession ou industrie.

Le consultant mandaté par le tribunal indique ne pas avoir constaté la présence d'une fosse ou d'installation de cuve à essence existante ou ancienne.

Il existe un pont élévateur d'un poids de 720 kg constitué d'une armature et de bras télescopiques actionnés par un moteur, dont le système d'ancrage est au sol avec socle en béton de 15 cm et vis tamponnées, dont le démontage ne semble pas difficile.

Il existe également une cabine de peinture d'un volume imposant, mais de structure légère constituée par un assemblage de plaques de tôles, l'installation la plus lourde provenant du matériel de chauffage (chaudière et ventilation) qui peuvent se démonter de même que l'installation d'aspiration ; la société Vanves Auto Service produit aux débats un devis établi le 5 mars 2007 pour le démontage des panneaux, portes, extracteurs, tuyauterie, ventilateurs et câblages et gaines de la cabine de peinture, pour un coût de 5 000 € et une durée prévisible des travaux de 48 heures.

L'expert a retenu une monovalence des locaux, en soulignant que la transformation du local nécessiterait des investissements importants pour rendre son usage compatible avec l'accueil du public et que la commercialité des lieux est faible.

Mais la commercialité de l'environnement, élément totalement extérieur aux locaux eux-mêmes, est un critère inopérant dans l'appréciation de leur caractère monovalent ; toute activité commerciale n'impose pas que les locaux soient accessibles au public en leur totalité ; les installations spécifiques qui distinguent les locaux loués de simples hangars, qui en eux-mêmes ne peuvent être considérés comme monovalents, ne nécessitent pas de travaux importants pour leur suppression.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tenant au prétendu caractère monovalent des locaux loués.

Les consorts D. ne produisent pas en cause d'appel les éléments se rapportant aux travaux effectués au cours du bail expiré, qui selon eux consistent notamment en la réfection de la toiture dépendant de la copropriété, refaite en 2003 ; ils n'établissent pas en quoi ces travaux, sur la toiture de l'immeuble organisé en copropriété, constitué de plusieurs étages à usage d'habitation, auraient pu avoir une incidence quelconque sur les caractéristiques des locaux loués tels que ci-dessus décrits, en leur consistance et/ou leur destination.

Ils versent aux débats un courrier de l'ancien conseil de madame D. daté du 8 juin 1999, avisant l'ancien exploitant du fonds que celle-ci ne serait pas opposée à ce qu'il ajoute à son activité la vente de voiture et de pièces détachées, à condition que cela n'occasionne pas de transformation des locaux ni de nuisance à l'ensemble du voisinage, et que cela soit fait en conformité à la réglementation en vigueur, précisant que cette adjonction pourra éventuellement entraîner une majoration du paiement du loyer au moment du futur renouvellement.

Mais il n'est pas démontré qu'il aurait été donné suite à ce courrier ; aucune activité de vente de voitures et pièces détachées n'a été exploitée ; dans l'acte de cession du fonds de commerce régularisé par le liquidateur à la liquidation judiciaire de l'ancien exploitant alors que le congé avec offre de renouvellement avait déjà été délivré, la destination contractuelle des lieux est reprise telle qu'elle était stipulée dans le bail de 1996.

Dans ces conditions les consorts D. ne peuvent prétendre à l'existence de l'une des causes de déplafonnement prévues par l'article L.145-34 du code de commerce.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé, en toutes ses dispositions, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une autre mesure d'instruction.

***

Les consorts D. supporteront les dépens d'appel et devront verser à la société Vanves Auto Service une indemnité de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Déclare recevables les dernières conclusions de la société Vanves Auto Service en date du 23 mai 2011;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne madame Chantal D. et monsieur Guy D. à payer à la société Vanves Auto Service la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame Chantal D. et monsieur Guy D. aux dépens, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.