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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 1 décembre 2020, n° 20/00601

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alpina Immobilière (SCI)

Défendeur :

Procureur général près la cour d'Appel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ficagna

Conseillers :

Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte

TGI Bonneville, du 16 avr. 2020

16 avril 2020

Par requête du 27 décembre 2019, la Sci Alpina a demandé au tribunal de grande instance de Bonneville l'ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Par jugement du 16 avril 2020, le tribunal de grande instance a rejeté la demande.

Le tribunal a jugé que les conditions posées par l'article L. 620-1 du code de commerce n'étaient pas remplies en ce que la Sci ne poursuivait pas une activité économique ayant visiblement été constituée dans un but patrimonial.

La Sci Alpina a relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour :

Vu les articles L. 621-1, L. 620-1, du code de commerce, 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les faits,

Vu les pièces produites,

En la forme,

- déclarer l'appel de la Sci Alpina Immobilier recevable,

Au fond,

- infirmer en toutes ses dispositions, le jugement déféré en date du 16 avril 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville,

Statuant à nouveau,

- constater que la Sci fait face à des difficultés financières insurmontables de par la dette à laquelle elle est tenue,

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire est justifiée,

- prononcer l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire à l'égard de la Sci Alpina Immobilier,

A titre subsidiaire,

- ordonner l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Elle soutient :

- que le tribunal n'est pas compétent pour statuer sur l'ouverture d'une conciliation, mais est cependant tenu à cette obligation d'informer le débiteur de cette possibilité et de l'y inviter comme le précise formellement la loi,

- que le jugement rendu le 16 avril 2020 devra par conséquent être annulé pour ce motif,

- que le jugement commet une erreur d'appréciation en affirmant que le seul passif déclaré n'est pas constitué par une dette de somme d'argent, alors que le Crédit Agricole Next Bank Suisse lui demande de rembourser la somme de 687.656 €,

- que la jurisprudence prend en compte une multitude de difficultés de toute nature : juridiques, économiques, financières, environnementales,

- que le gérant de la Sci, Monsieur Ruslan S., louait la maison d'habitation qui fait aujourd'hui l'objet d'une saisie à Monsieur Ihor M., par contrat en date du 1er septembre 2019,

- qu'il n'est donc pas justifié de dire que la Sci a été créée dans un seul but patrimonial et ne poursuivait d'activité économique puisque ce n'était pas le cas,

- que la menace de la perte du seul actif de la société et de la réalisation de la voie d'exécution s'analyse en une difficulté insurmontable et justifie l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

Le procureur général a requis la confirmation du jugement par adoption de ses motifs.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation du jugement

Cette demande n'est pas reprise au dispositif des conclusions de sorte que la cour n'en n'est pas saisie.

Sur la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde

Aux termes de l'article L. 620-2 du code de commerce : « la procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé. (...)»

Ces textes sont issus de la loi du 2005-845 du 26 juillet 2005 intitulée «de sauvegarde des entreprises».

L'exposé des motifs de la loi mentionne que l'objectif est «sauver l'entreprise».

Si la Sci Alpina est bien «une personne morale de droit privé», en revanche, les énonciations du jugement démontrent que cette société n'est pas une entreprise mais une simple interposition d'une personne morale dictée par des considérations autres qu'entreprenariales, à savoir patrimoniales ou fiscales.

En effet, la Sci a été constituée en 2004 en vue de l'acquisition d'une maison d'habitation à Megève.

Le 22 décembre 2009, M. S. a acquis les parts de cette Sci, au moyen d'un prêt bancaire de 960 000 CHF, garanti par la caution hypothécaire de la Sci Alpina.

En 2014, M. S. a cédé les parts de la Sci à M. Ruslan S., lequel a repris les engagements souscrits par la Sci Alpina au titre de la caution hypothécaire.

Le fait que le bien soit loué récemment est insuffisant à caractériser l'existence d'une entreprise.

La sauvegarde de cette Sci Alpina ne présente aucun «enjeu pour notre économie».

En conséquence, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Le jugement sera donc confirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la Sci Alpina aux dépens d'appel.