Cass. 3e civ., 8 avril 2015, n° 14-14.385
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2013), que M. Xa exploité de 1979 à 1991 une station-service sur un terrain dont il était propriétaire ; que par acte notarié du 27 septembre 1991, il a donné ce fonds en location-gérance à la société Esso Saf (Esso) pour une durée de dix-huit ans expirant le 30 septembre 2009 ; que le 10 octobre 2007 puis le 1er décembre 2008, la société Esso a fait savoir à M. X qu'elle n'avait pas l'intention de reconduire le contrat de location-gérance ; que la société Esso a effectué des investigations qui ont révélé la présence d'une pollution d'hydrocarbures située au droit d'une zone de distribution de carburants entre 0, 3 et 6 mètres de profondeur à proximité des eaux souterraines sans les affecter mais n'excluant pas une migration future des polluants vers ces eaux présentant un risque de pollution des captations d'eaux voisines ; que la société Esso a cessé son activité à la fin du contrat de location-gérance sans en demander le renouvellement ; que M. X l'a assignée pour qu'elle remette en état le site en application des dispositions du code de l'environnement et en paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la fin des travaux ; que M. X est décédé en cours de procédure laissant pour lui succéder sa veuve et ses héritiers (les consorts X) ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de condamnation de la société Esso à procéder à la dépollution du site et au paiement d'une indemnité d'occupation, alors, selon le moyen :
1°) que la dépollution d'un site sur lequel est exploitée une installation classée incombe au dernier exploitant ; qu'il en va ainsi même si le propriétaire bailleur du dernier exploitant, a dans un premier temps manifesté son « intention » de reprendre l'exploitation, dès lors qu'il est établi que cette intention n'a jamais été concrétisée et que le site n'est plus exploité ; qu'en refusant de condamner la société Esso à procéder à la remise en état du site, après avoir constaté, qu'il était établi qu'après la cessation de son activité par la société Esso, ni M. et Mme X ni les consorts X ne se sont déclarés comme exploitant, et que la déclaration d'exploitation est devenue caduque en raison du défaut d'exploitation de la station-service pendant deux ans, ce dont il résulte que la société Esso était bien le dernier exploitant du site et partant qu'elle était tenue de procéder à sa remise en état, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et partant a violé l'article L. 512-17 du code de l'environnement ;
2°) qu'il résulte des déclarations de M. Y mentionnée dans le procès-verbal de constat du 30 septembre 2009 selon lesquelles « il n'y aura pas de reprise d'activité par M. X» la manifestation claire et précise de l'intention de ce dernier de ne pas reprendre l'exploitation de la station-service ; qu'en énonçant que cette déclaration ne traduirait pas cette intention et que ni M. X ni les consorts X n'auraient jamais manifesté leur intention de ne pas reprendre l'exploitation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce procès-verbal et violé l'article 1134 du code civil ;
3°) qu'en fondant sa décision sur la circonstance que les consorts X n'auraient jamais manifesté leur intention claire de ne pas reprendre l'exploitation pour eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un repreneur, quand la société Esso admettait au contraire expressément que M. X « a pris la décision de ne pas reprendre l'exploitation à compter du 1er octobre 2009, de licencier le personnel de la station et de laisser une station désaffectée depuis deux années consécutives » et qu'il a ainsi « mis à l'arrêt définitif les installations considérées », la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) que la société Esso admettait expressément que M. X « a pris la décision de ne pas reprendre l'exploitation à compter du 1er octobre 2009, de licencier le personnel de la station et de laisser une station désaffectée depuis deux années consécutives » et qu'il a ainsi « mis à l'arrêt définitif les installations considérées », ce dont elle déduisait que la charge de la dépollution du site devait peser sur M. X, en énonçant que « M. X père est donc le seul débiteur de l'obligation de remise en état environnemental du site d'implantation de la station service ; » ; qu'en décidant au contraire, que c'est parce qu'ils n'auraient jamais manifesté leur intention claire de ne pas reprendre l'exploitation pour eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un repreneur, que les consorts X devraient supporter la dépollution du site, sans rouvrir les débats pour permettre aux consorts X de s'expliquer sur ce moyen nouveau puisque contraire à celui soutenu par la société Esso, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'en application de l'article L. 512-17 du code de l'environnement, la remise en état du site lorsque l'installation est mise à l'arrêt définitif incombe au dernier exploitant et souverainement relevé, sans dénaturer le procès-verbal de constat, que les consorts X, qui avaient manifesté leur intention de reprendre l'exploitation par eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un repreneur et sollicitaient la remise du site en état d'un usage conforme à la dernière exploitation de station-service, n'établissaient pas que la fin de la location-gérance par la société Esso impliquait une cessation définitive d'activité, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige ni méconnu le principe de la contradiction, a pu en déduire que la demande des consorts X de la condamnation de la société Esso à la dépollution du site devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de condamnation de la société Esso à des dommages-intérêts pour la perte de chance d'exploiter la station-service sous l'enseigne BP, alors, selon le moyen, qu'en excluant la preuve de la responsabilité de la société Esso à l'origine du refus de la société BP de reprendre l'exploitation de la station-service, tout en constatant que c'est en raison de la pollution du site laquelle est consécutive à l'exploitation de la station-service par la société Esso, que la société BP qui n'entendait pas prendre en charge les frais de dépollution, avait refusé de reprendre l'activité, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1728, 1731 et 1147 du code civil qu'elle a violés ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les consorts X ne rapportaient pas la preuve que la continuation de l'exploitation du fonds de station-service était devenue impossible en raison de la pollution du sol et qu'ils n'établissaient pas la responsabilité de la société Esso dans la renonciation de la société BP à toute installation de son enseigne, la cour d'appel a pu en déduire que leur demande de dommages-intérêts devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.