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Décisions

Cass. com., 1 avril 1997, n° 95-11.162

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Les Grands Chais de France (SA)

Défendeur :

Martini et Rossi (SA), Lidl (Sté), Cabinet Meyer et Partenaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Bertrand, Me Thomas-Raquin

Paris, 4e ch. A, du 24 oct. 1994

24 octobre 1994

Donne acte à la société Les Grands Chais de France du désistement de son pourvoi à l'encontre du cabinet Meyer et Partenaires;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 1994), que la société Martini et Rossi est titulaire de trois marques complexes représentant des étiquettes enregistrées sous les numéros 1.385 087, 1.349. 896 et 1.496. 911, déposées les 19 décembre 1986, 9 avril 1986 et 4 novembre 1988 les marques 1.349.896 et 1.496.911 revendiquant la couleur; que ces trois marques désignent des apéritifs qui sont commercialisés par la société Martini et Rossi; que la société Les Grands Chais de France est titulaire de la marque Marinelli dont le dépôt effectué le 19 janvier 1993 a été enregistré sous le numéro 93-451.792 pour désigner dans la classe 33 des vins, mousseux, spiritueux, liqueurs et vermouths; qu'elle importe d'Italie et elle revend à la société Lidl, qui les distribue en France, des vermouths revêtus de l'étiquette portant la marque; que la société Martini et Rossi a assigné les sociétés Les Grands Chais de France et Lidl pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deux branches, les moyens étant réunis :

Attendu que la société Les Grands Chais de France fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la marque Marinelli constituait la contrefaçon partielle par imitation des marques complexes et figuratives appartenant à la société Martini et Rossi alors, selon le pourvoi, d'une part, que si le caractère distinctif d'une marque doit s'apprécier à la date de son premier dépôt quand il s'agit de juger de la validité de cette marque, en revanche, lorsqu'il s'agit d'apprécier si le dépôt ultérieur d'une autre marque constitue une contrefaçon de la première, il convient de se situer au jour de l'acte de contrefaçon allégué, c'est-à-dire à la date du dépôt de cette autre marque, pour apprécier l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, compte tenu de la situation à cette époque; qu'en refusant de prendre en considération, comme l'avaient fait les premiers juges, la circonstance que "le vermouth n'étant commercialisé en France que sous des dénominations italiennes, une similitude sur ce point n'est pas susceptible de créer une confusion dans l'esprit du public", et en retenant au contraire le fait que les dénominations en cause évoquent "toutes deux l'Italie" comme facteur de contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle; alors, d'autre part, que si le caractère distinctif d'une marque doit s'apprécier à la date de son premier dépôt quand il s'agit de juger de la validité de cette marque, en revanche, lorsqu'il s'agit d'apprécier si l'utilisation postérieure par un tiers de certains éléments communs avec cette marque est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du public et de constituer un acte de contrefaçon, il convient de se situer au jour de l'acte de contrefaçon ainsi allégué pour apprécier l'existence du risque de confusion; que la cour d'appel ne pouvait donc refuser de prendre en considération la situation à l'époque de l'utilisation des étiquettes pour apprécier s'il pouvait en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, en se retranchant derrière le motif inopérant qu'il n'était pas établi que cette situation existait déjà en 1930; qu'elle a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle; et alors, enfin, qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit; que le fait du titulaire visé par la loi ne réside pas seulement dans son inactivité, mais peut également découler d'actes positifs de sa part; que des accords de coexistence sont susceptibles de constituer de tels actes, si, par leur importance et leur répétition, ils aboutissent à conférer à la marque, un caractère usuel; qu'en excluant la déchéance pour la seule raison que le caractère usuel ne serait pas dû à "une inactivité dont aurait fait preuve Martini", et en ajoutant ainsi à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel a violé l'article L. 714-6 du Code de la propriété intellectuelle;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu que la marque Marinelli présentait des ressemblances avec la marque Martini telles qu'elles entraînaient un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la marque Marinelli constituait une contrefaçon par imitation des marques de la société Martini et Rossi dès lors que le caractère distinctif d'une marque devant être apprécié à la date de son dépôt et non à celle des faits argués de contrefaçon, il importait peu qu'à la date du dépôt de la marque Marinelli de nombreux vermouths soient désignés sous des noms à consonance italienne dès lors que n'était pas rapportée la preuve qu'il en était ainsi lors du dépôt de la marque protégée appartenant à la société Martini et Rossi;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que si des marques concurrentes coexistent sur le marché c'est en raison d'accords conclus avec la société Martini et Rossi et non en raison d'une inactivité dont aurait fait preuve cette société; que la cour d'appel a donc pu rejeter l'exception de déchéance des marques litigieuses; 

D'où il suit que les moyens, le second pris en ses deux branches, ne sont pas fondés;

REJETTE le pourvoi.