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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 26 septembre 2018, n° 16/22974

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Distriboul (SARL), Foncia Rives de Seine (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thaunat

Conseillers :

Mme Fremont, Mme Gil

TGI Paris, du 20 oct. 2016, n° 12/03146

20 octobre 2016

FAITS ET PROCÉDURE :

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 29 juin 2001, M. Roland M., aux droits duquel se trouvent aujourd'hui Mme Gisèle M. et M. William M. (ci-après les consorts M.), représenté par la société FONCIA PARIS, a consenti un bail commercial à la société DISTRIBOUL portant des locaux à usage commercial situés 11e afin d'y exercer l'activité de supermarché, en l'espèce, sous l'enseigne FRANPRIX, pour une durée de 9 ans à effet au 01/07/2001 pour se terminer le 30/06/2010, moyennant un loyer annuel en principal de 125 000 francs.

Par acte d'huissier de justice du 31/03/2010, les consorts M. ont fait délivrer à la société DISTRIBOUL un congé pour le 30/09/2010 avec refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction.

La société DISTRIBOUL a fait assigner les consorts M. en nullité du congé et en paiement d'une indemnité d'éviction par acte d'huissier de justice en date du 31 janvier 2012.

La société DISTRIBOUL a quitté les lieux le 21/02/2012.

Les locaux sont actuellement loués à la société BIOCOP qui y exploite un supermarché sous l’enseigne «WELCOME» MAGASIN BIO.

Par jugement en date du 20 février 2014, le tribunal de grande instance de PARIS a :

Dit que le congé délivré par les consorts M. constituait un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à une indemnité d'éviction et a désigné M. Thierry B. en qualité d'expert avec la mission de déterminer le montant de cette indemnité d'éviction,

Condamné la société DISTRIBOUL à payer aux consorts M. les sommes de 636,11 euros et de 7130, 63 euros au titre des charges arriérées et frais de remise en état et ordonné la compensation à due concurrence entre ces sommes et le montant du dépôt de garantie.

L'expert a procédé à sa mission et déposé son rapport le 27/02/2015. Il conclut, sur la base d'une perte de fonds de commerce, à une indemnité principale de 375 000 euros égale à la valeur du droit au bail et à des indemnités accessoires pour un montant global de 42 500 euros soit une indemnité d'éviction d'un montant total de 417 500 euros.

Par jugement rendu le 20 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

Prononcé la mise hors de cause de la société FONCIA RIVES DE SEINE,

Dit que, par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 31/03/2010, le bail du 29/06/2001 liant la société DISTRIBOUL et les consorts M. et portant sur les lieux sis 11eme à pris fin le 30/09/2010, dit que l'éviction entraîne la perte du fonds exploité par la société DISTRIBOUL dans les locaux appartenant à Mme Gisèle M. et M. William M. situés 11ème.

Fixé à la somme de 369 097 euros le montant de l'indemnité d'éviction, toutes causes confondues, due par Mme Gisèle M. et M. William M. à la société DISTRIBOUL, condamné Mme Gisèle M. et M. William M. à payer à la société DISTRIBOUL cette sommes de 369 097 euros, outre les intérêts à taux légal à compter du présent jugement ;     

Condamné Mme Gisèle M. et M. William M. à payer à la société DISTRIBOUL la somme de 8000 euros en application dès l'action de l'article 700 du code de procédure civile ;

 Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamné Mme Gisèle M. et M. William M. aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 17 novembre 2016, M. William M. et Mme Gisèle D veuve de M. Roland M. ont interjeté appel de ce jugement et désigné comme intimées la SARL DISTRIBOUL et la SAS FONCIA RIVES DE SEINE, prise en sa qualité de mandataire de Mme D. veuve M. et de M. M..

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 5 mars 2018, Mme Gisèle D. veuve M. et M. William M. demandent à la cour de :

Vu les dispositions du Code de Commerce et ses articles L. 145-1 et suivants, et R. 145-6 et suivants,

Vu le rapport de Monsieur B.

Et tous autres moyens de fait et de droit à déduire ou à suppléer s'il y a lieu, déclarer Monsieur William M. et Madame Gisèle D. veuve M. recevables et bien fondés en leur appel, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter la société FONCIA RIVES DE SEINE de sa demande de mise hors de cause ;

Dire et déclarer que l'indemnité d'éviction à laquelle la Société DISTRIBOUL peut prétendre correspond à la valeur du droit au bail, compte tenu d'une rentabilité du fonds structurellement déficitaire écartant toute approche par le chiffre d'affaires ou les résultats ;

Dire et déclarer que l'indemnité d'éviction à laquelle la Société DISTRIBOUL peut prétendre ne peut excéder la somme de 87.360 € compte tenu de la fixation du loyer au 1er octobre 2010 à la valeur locative dans le cadre d'un renouvellement en présence de modification notable des facteurs locaux de commercialité;

En conséquence,

Débouter la SOCIETE DISTRIBOUL, de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 87.360 € ;

Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour considérait que le loyer de renouvellement devait être plafonné au 1er octobre 2010;

Dire et déclarer que l'indemnité d'éviction à laquelle la Société DISTRIBOUL peut prétendre ne peut excéder la somme de 271.870 € à laquelle elle sera fixée;

En tout état de cause ;

Dire et déclarer que la société DISTIBOUL ne peut prétendre à l'allocation de frais de remploi;

En conséquence,

Débouter la SOCIETE DISTRIBOUL, de toutes ses demandes, fins et prétentions à ce titre ;

Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour considérait que des frais de remploi sont dus ;

Dire que ces frais de remploi ne peuvent excéder 5% de l'indemnité principale, soit 4.368 € somme à laquelle ils seront fixés ;

Dire et déclarer que la société DISTIBOUL ne peut prétendre à l'allocation de frais de déménagement en l'absence de production de justificatifs probants ;

En conséquence,

Débouter la SOCIETE DISTRIBOUL, de toutes ses demandes, fins et prétentions au titre des frais de déménagement ;

Dire et déclarer que la société DISTIBOUL ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité pour trouble commercial compte tenu de sa cessation d'activité ;

En conséquence,

Débouter la SOCIETE DISTRIBOUL, de toutes ses demandes, fins et prétentions au titre d'une indemnité pour trouble commercial ;

Condamner la Société DISTRIBOUL, à payer à Monsieur William M. et Madame Gisèle D. veuve M. la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la Société DISTRIBOUL, aux entiers dépens de procédure, en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de la SELARL G. & Associés, avocat aux offres de droit conformément à l'article 699 du CPC.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 avril 2017, la société FONCIA RIVES DE SEINE a demandé à la cour de :

Dire que les consorts M. D. irrecevables subsidiairement mal fondés en leurs demandes tendant à voir débouter la société FONCIA RIVES DE SEINE de sa demande de mise hors de cause ;

Confirmer le jugement entrepris prononçant sa mise hors de cause ;

Condamner les consorts M. D. à payer à la société FONCIA RIVES DE SEINE une indemnité de 4000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamner les mêmes aux entiers dépens d'appel et accordant à Me Christophe P., avocat au barreau de Paris, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 mars 2018, la SARL DISTRIBOUL demande à la cour :

Vu le jugement du 20 février 2014, aujourd'hui définitif qui a dit que la société DISTRIBOUL a droit à une indemnité d'éviction ;

Vu le rapport déposé par Monsieur B.,

VOIR DECLARER l'appel des consorts M. irrecevable et totalement infondé,

VOIR FIXER l'indemnité d'éviction à laquelle a droit la société DISTRIBOUL aux sommes ci-après :

Indemnité principale : 830.000 €

Indemnité accessoires, frais de remploi : 83.000 €

Frais de déménagement : 46.763 €

Trouble commercial : 15.185 €

Frais administratif : 1.000 €

VOIR CONDAMNER Madame Gisèle D. Veuve M. et Monsieur William M. à payer lesdites sommes à la société DISTRIBOUL avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à la société DISTRIBOUL une indemnité de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais exposés en première instance,

VOIR ACCORDER une indemnité équivalente à la société DISTRIBOUL pour les frais exposés en cause d'appel,

VOIR CONDAMNER les consorts M. aux dépens comprenant les frais d'expertise dont distraction est requise au profit de Maître Gilles B. avocat aux offres de droit conformément à l'article 659 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mai 2018.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel dirigé à l'encontre de la société FONCIA :

M. M. et Mme D. veuve M. soutienne qu'ils ne sont ni irrecevables ni mal fondés en leur demande de maintien dans la cause de la société FONCIA RIVES DE SEINE car ayant engagé par ailleurs à son encontre une action en responsabilité afin de la voir condamnée à les garantir de l'indemnité d'éviction mise à leur charge, ils entendent voir déclarer que la décision à intervenir lui est opposable.

La société FONCIA RIVES DE SEINE, réplique qu'aucune demande n'ayant été formée à son encontre en premier ressort, il s'agit d'une prétention nouvelle en cause d'appel qui doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

La cour relève que les consorts M. ne formulait aucune demande à l'encontre de la société FONCIA RIVES DE SEINE dans le dispositif de leurs conclusions devant les premiers juges et ne s'opposaient pas à sa mise hors de cause. Ils soutiennent qu'ils auraient engagé par ailleurs une action en responsabilité à l'encontre de leur ancien mandataire, mais ils n'en apportent pas la preuve.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le premier jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société FONCIA RIVE DE SEINE.

Sur la fixation de l'indemnité d'éviction

Il n'est pas contesté par les parties, que l'éviction a entraîné la perte du fonds de commerce. Dans ce cas, l'indemnité d'éviction est égale à la valeur du fonds de commerce, sauf si la valeur du droit au bail est supérieure à cette valeur.

Sur l'indemnité principale :

Les consorts M. soutient que l'indemnité d'éviction à laquelle peut prétendre la société DISTRIBOUL doit correspondre à la valeur du droit au bail, compte tenu d'une rentabilité du fonds déficitaire écartant toute approche par le chiffre d'affaires ou par les résultats ; cette valeur du droit au bail ne pouvant excéder la somme de 87.360 euros, le loyer aurait été déplafonné compte tenu de la modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Les consorts M. critiquant les calculs de l'expert judiciaire, soutiennent en outre, s'agissant d'une évaluation par la rentabilité, qu'il conviendrait de retraiter les résultats obtenus, la société DISTRIBOUL ayant bénéficié d'un loyer minoré, puisqu'elle payait un loyer inférieur à la valeur locative.

La société DISTRIBOUL, pour sa part fait valoir que l'indemnité principale d'éviction s'élève à la somme de 830.000 euros correspondant à 50% du chiffres d'affaires moyen des années 2008 et 2009. Elle indique, en effet, qu'il convient de se placer non la date de l'éviction mais à celle de la notification du congé en 2010 pour évaluer la consistance du fonds. Elle prétend qu'il faut écarter l'approche par la rentabilité. Selon elle, la valeur du droit au bail ne peut être inférieure à la somme de 280.000 euros.

Sur ce :

Il est constant que l'indemnité d'éviction doit s'apprécier au plus près de la date de l'éviction et non pas comme le demande la société DISTRIBOUL à celle de la notification du congé, la date de l'évaluation de l'indemnité d'éviction étant distincte de celle d'appréciation de la consistance du fonds. En l'espèce, la société DISTRIBOUL a quitté en lieux loués en 2012.

La valeur du fonds de commerce s'effectue selon deux approches : l'une en fonction des résultats d'exploitation, l'autre en fonction du chiffre d'affaires.

Sur le calcul par l'E.B.E.

L'expert judiciaire rappelle qu'il convient de retenir l'excédent brut d'exploitation, moyen pondéré des trois dernières années. Il écarte à juste titre le retraitement de ces résultats. En effet, la société locataire n'a bénéficié d'aucune réduction de loyer, contrairement à ce que soutiennent les bailleurs.

En conséquence, l'E.B.E. moyen, pondéré calculé pour les exercices clos les 31 décembre 2009, 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011 est de 33.852 euros.

C'est à juste titre que compte tenu de la branche d'activité considérée et de la rentabilité inhérente à cette boutique, l'expert a retenu un coefficient multiplicateur de 6.

En conséquence, la valeur du fonds de commerce par cette approche est de 203.112 euros.

Sur l'approche par le chiffre d'affaires,

Les bailleurs soutiennent que compte tenu du déclin de son activité et de son manque de rentabilité, la société DISTRIBOUL ne peut prétendre à une valorisation par cette approche du fonds de commerce que sur la base d'un coefficient de 20%, appliqué aux chiffres d'affaires des années 2009 à 2011 soit 277.750 euros.

La société locataire soulignant que les grandes enseignes cherchant à s'implanter dans tous les quartiers de la capitale, soutient qu'il convient de retenir un coefficient de 50 % appliqué aux chiffres d'affaires des années 2008 et 2009.

La cour retient que la baisse du chiffre d'affaires a été constante au cours des derniers exercices, sans que la notification du congé soit à l'origine de cette diminution. Dans ces conditions, il convient de retenir, afin de se placer au plus près de la date de l'éviction, les chiffres d'affaires réalisés en 2009, 2010 et 2011.

S'il est exact que les grandes enseignes de commerce d'alimentation cherchent à s'implanter dans la capitale, ce qui entraîne une augmentation des prix de cession, pour autant, il convient de prendre en considération la qualité de l'emplacement, de la population du quartier, la typologie de la clientèle, le chiffre d'affaires global, et l'exercice de l'activité sous l'enseigne FRANPRIX. Dans ces conditions, le pourcentage de 30% retenu par l'expert judiciaire qui prend en considération ces données, doit être retenu. Il en résulte que la valeur du fonds de commerce par cette approche est de (1.388.53 euros x 30 % =) 416.626 euros arrondis à 417.000 euros.

Selon une moyenne entre ces deux approches, la valeur du fonds de commerce est de 310.056 euros, arrondie à 310.000 euros.

Sur la valeur du droit au bail

Elle correspond à la différence entre la valeur locative de marché et le loyer de renouvellement, auquel est appliqué un coefficient.

L'expert après avoir relevé que les lieux ont été reloués pour un prix unitaire de 384 euros, propose des références pour des nouvelles locations entre 452 euros pour un commerce de décoration, (Paris 11e) et 1003 euros pour un commerce de prêt à porter, (Paris 4e).

La cour retient que la seule référence de supermarché donnée étant celle du commerce qui a remplacé dans les lieux la société DISTRIBOUL. Dans ces conditions, seule cette référence est vraiment pertinente, les autres références étant relatives à des commerces dégageant des marges non comparables. Il convient, en conséquence, de fixer à la somme de 384 euros le m², la valeur locative de marché des lieux loués, soit une valeur annuelle hors taxe et hors charge de (384 euros x 208m²P =) 79.872 euros.

Les bailleurs prétendent que le montant du loyer aurait été déplafonné en cas de renouvellement compte tenu de la modification des facteurs locaux de commercialité. Ce à quoi s'oppose la société locataire.

L'expert a relevé qu'au cours de bail expiré, la population du 11e arrondissement a connu une légère hausse de 2,92 %, de même que les arrondissements limitrophes à l'exception du 4e arrondissement dont la population a baissé de 8,5 %.

Il a noté entre 2001 et 2005, la construction de 157 logements nouveaux dans un rayon de 400mètres, ainsi que la construction de 15.669 m² de locaux hors habitation, dont 2974 m² à usage de commerce et 623m² à usage de bureaux.

Il a rappelé qu'entre 2000 et 2009, la fréquentation de la station de métro Breguet S., située à 200 mètres à augmentée de 13,6% et celle de la station Bastille, située à environ 400 mètres, de 8,8 %.

La cour retient que si les hausses de la population de l'arrondissement et celle de la fréquentation du métro sont peu significatives, il n'en va pas de même de l'augmentation des constructions dans un rayon de 400 mètres, qui est susceptible d'avoir une incidence favorable sur l'activité de supermarché du commerce considéré, compte tenu de l'augmentation consécutive du nombre de chalands pour ce type de commerce.

Dans ces conditions, il convient de dire que le loyer du bail renouvelé aurait été déplafonné.

Compte tenu des références proposées par l'expert judiciaire soit des loyers nouveaux de 452 euros à 1003 euros, des loyers de renouvellement amiable de 296 euros à 514 euros, des fixation judiciaires de 320 euros à 380 euros et des caractéristiques des lieux loués, il convient de retenir un prix au mètre carré de 300 euros, soit (300 euros x 208m²P=) 62.400 euros.

Les bailleurs contestent le coefficient de situation de 6 retenu par l'expert judiciaire et demandent l'application d'un coefficient de 5. La société locataire lui préfère un coefficient de 6.

La cour rappelle que le coefficient de situation varie de 2,5 à 9. En l'espèce, les lieux dont s'agit sont situés à proximité de la Bastille, dans un quartier résidentiel, ils disposent d'un emplacement en angle de rue, qui leur assure une bonne visibilité, la distribution et le volume de l'aire de vente, avec un nombre restreint de piliers, sont assez fonctionnels, les locaux commerciaux sont sur un seul niveau ; cependant, ils sont situés sur une courte voie secondaire disposant d'une commercialité limitée, ne disposent ni de parking pour la clientèle, ni de réserve. Dans ces conditions, un coefficient de 5 correspondant à une situation moyenne doit être retenu.

(79.872 euros-62.400 euros) x 5= 87.360 euros.

La valeur du fonds de commerce étant supérieure à celle de la valeur du droit au bail , il convient de retenir la valeur du fonds de commerce soit 310.000 euros.

Sur les indemnités accessoires

Frais de remploi :

Ces frais sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais qu'il devra débourser à l'occasion de l'achat d'un fonds d'une valeur équivalente à celui dont il est évincé et comprennent notamment les droits de mutation et les frais d'agence et de rédaction d'acte.

C'est au bailleur d'apporte pas la preuve de ce que la locataire n'a pas l'intention de se réinstaller.

La cour relève que le simple fait que la société locataire ait transféré son siège dans les locaux d'une autre société ayant le même gérant, puis que cette seconde société ait depuis cessé toute activité, ne peut suffire à établir que la société DISTRIBOUL ne se réinstallera pas.

La proposition de l'expert de voir chiffrer à hauteur de 10 % du montant de l'indemnité principale le montant de ces frais de remploi est conforme aux usages, il convient de la retenir.

Il en résulte une indemnité de frais de remploi de 31.000 euros.

Frais de déménagement

Cette indemnité doit permettre dans l'hypothèse d'un transfert du fonds de couvrir les frais de déménagement du mobilier et du matériel en sus des effets personnels et du stock. En cas de perte du fonds de commerce, une indemnité peut être due pour le transfert du matériel et du stock restant la propriété du preneur.

La société locataire sollicite une indemnité de 46.763,60 euros TTC, correspondant à une facture qu'elle produit aux débats. Les bailleurs s'opposent à toute indemnité de ce chef. Ils relèvent de surcroît qu'il est pour le moins curieux que la société locataire ait en cours d'expertise produit une autre facture émanant de la même société pour un montant total de 33.394,69 euros TTC.

La cour relève que la facture n°2012-2606 de la société DISTRISERVICES du 22 février 2012, d'un montant HT de 39.100 euros et d'un montant TTC de 46.763,60 euros, dont la société DISTRIBOUL se prévaut, correspond aux chargement des marchandises, démontage des gondoles, dépose des meubles de caisse, dépose des guidages, démontage des groupes froids, désaccouplement des vitrines frais positif et négatif, démontage des chambres froides, démontage du matériel informatique, mise sur palette du coffre fort pour transport, transport du matériel pour stockage en entrepôt, réacheminement des marchandises, nettoyage du local et mise en décharge des gondoles et des guidages. A l'exception du dernier poste, ce facture ne contient aucun détail des prestations facturées.

Les bailleurs versent aux débats, une autre facture produite par la société DISTRIBOUL en cour d'expertise. La cour constate que cette facture n°2012-1755 de la société DISTRISERVICES , également datée du 22 février 2012, qui correspond aux mêmes prestations, est détaillée poste par poste. Elle s'élève à la somme totale de 28.381,01 euros HT et 33.943,69 euros TTC.

Il convient de retenir cette dernière facture, dans la mesure où son caractère détaillé permet de constater les opérations facturées. Celles-ci correspondent pour partie à un transfert du matériel et du stock dont la société DISTRIBOUL est bien fondée à demander le paiement.

En revanche, la société locataire ne pouvant solliciter le remboursement des frais de mise en décharge, qui y figurent, cette facture ne sera acceptée qu'à hauteur de la somme HT de 26.081,01euros soit TTC 31.192,88 euros.

Trouble commercial ; 

L'expert propose d'indemniser ce chef de préjudice sur la base de trois mois du dernier E.B.E. soit 4000 euros. Les bailleurs soutiennent que cette indemnité n'est pas due en cas de cessation d'activité. Les preneurs soutiennent que cette indemnité devrait être calculée sur l'EBE de l'exercice clos le 31 décembre 2010.

La cour retient que sont indemnisables à ce titre, les pertes d'exploitation pendant la période précédant l'arrêt de l'exploitation quand bien même la société locataire n'aurait pas transféré son activité.

Dans ces conditions, l'indemnité telle que calculée par l'expert sur le dernier E.B.E. doit être retenue, étant précisé que cette indemnité doit être fixée au plus près de la date de l'éviction.

Frais administratifs, ainsi que le rappelle l'expert, les frais de radiation au registre du commerce qu'il évalue à la somme de 1000 euros, sont indemnisables.

Il convient de retenir cette somme sollicitée à ce titre par la société locataire.

L'indemnité d'éviction est donc constituée, outre l'indemnité principale, de la somme des différentes indemnités précitées soit 36.192,88 euros arrondie à 36.193 euros (31.192,88 euros + 4000 euros +1000 euros) l'indemnité d'éviction totale due à la société DISTRIBOULE s'élève par conséquent à la somme de 310.000 euros+36.193 euros soit 346.193 euros .

Sur la condamnation au paiement et le point de départ des intérêts de retard la société DISTRIBOULE ayant quitté les lieux, les bailleurs ne peuvent exercer leur droit de repentir et il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les bailleurs à payer à la société DISTRIBOULE le montant de l'indemnité d'éviction.

La société DISTRIBOULE demande que le point de départ des intérêts au taux légal soit fixé au jour de l'assignation. La cour retient qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, s'agissant d'une indemnité, les intérêts au taux légal seront dus à compter du jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'éviction , l'infirmant de ce chef, statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 346.193 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par Mme Gisèle D. veuve M. et M. William M., ensemble, à la société DISTRIBOUL,

Condamné in solidum Mme Gisèle M. et M. William M. à payer à la société DISTRIBOUL cette sommes de 346.193 euros, outre les intérêts à taux légal à compter du jugement entrepris;

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme Gisèle D. veuve M. et M. William M. aux entiers dépens de l'appel, et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Maître Gilles B. avocat.