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Décisions

Cass. com., 7 mars 2018, n° 15-29.537

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocat :

SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 27 oct. 2015

27 octobre 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2015), que la société Zylangia, licenciée exclusive de la marque semi-figurative « Marina de Bourbon Paris» n° 3 768 016, déposée le 20 septembre 2010 à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), pour désigner les produits de « parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux », a fait opposition à la demande d'enregistrement de la marque verbale « Bourbon Nature », déposée le 5 mai 2014 à l'INPI par Mme X, agissant pour le compte de la société Bourbon Nature en cours de formation, pour désigner les mêmes produits ; que, par décision du 10 décembre 2014, le directeur général de l'INPI a rejeté la demande d'enregistrement ; que Mme X a formé un recours contre cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Zylangia fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par le directeur général de l'INPI et elle-même alors, selon le moyen :

1°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause; qu'en application de l'article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle, la déclaration de recours formée devant la cour d'appel contre une décision du directeur de l'INPI doit « à peine d'irrecevabilité soulevée d'office » mentionner, « si le requérant est une personne physique : ses nom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance et si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement » ; qu'en l'espèce la déclaration de recours formé contre la décision du directeur de l'INPI du 10 décembre 2014 mentionne : « Le requérant : Hélène X, Nationalité française, Artisan/commerçant, Née le [] à Erevan (ARMENIE), La réunion » sans indiquer que Mme X, dont la profession, la nationalité, les date et lieu de naissance sont ainsi précisés comme il est exigé quand le requérant est une personne physique, agirait « ès-qualité » ; qu'en retenant néanmoins que la déclaration de recours indiquant que le requérant est Mme Hélène X «artisan/commerçant » « il en résulte que ce n'est pas en son nom propre que Mme X agit dans le cadre du présent recours mais «ès-qualité»», quand la mention « artisan/commerçant » indiquait seulement la profession de Mme X, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la déclaration de recours en violation du principe susvisé ;

2°) que le recours formé contre une décision du directeur de l'INPI doit, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office », mentionner lorsque le requérant est une personne morale : « sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement » ; qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité de Mme X à former en son nom propre un recours contre la décision du directeur de l'INPI ayant rejeté la demande d'enregistrement de la marque « Bourbon Nature » déposée par Mme X agissant pour le compte de la société Bourbon Nature en cours de formation, la cour d'appel a retenu que Mme X avait agi dans le cadre de ce recours non pas en son nom propre mais « ès-qualité » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser la qualité en laquelle Mme X agissait ni constater que Mme X avait mentionné dans son recours la forme, la dénomination, le siège social et l'organe représentant légalement la personne morale pour le compte de laquelle elle agissait « ès-qualité », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) que le recours formé contre une décision du directeur de l'INPI doit, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office », mentionner lorsque le requérant est une personne morale, « sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement » ; qu'en retenant en l'espèce que Mme X agissait dans le cadre de son recours non pas en son nom propre mais «ès-qualité » et en ne prononçant pas dès lors l'irrecevabilité de ce recours bien que celui-ci ne comporte aucune des mentions exigées « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office » quand le requérant est une personne morale, la cour d'appel a violé l'article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que, la marque ayant été déposée par Mme X, agissant pour le compte de la société Bourbon Nature en cours de formation, et dès lors qu'il n'était pas allégué que ladite société aurait été immatriculée ni qu'elle aurait repris les engagements souscrits par Mme X, cette dernière avait qualité pour exercer un recours contre la décision de l'INPI ayant rejeté sa demande d'enregistrement ; que le moyen qui, en sa première branche, critique les motifs par lesquels la cour d'appel a retenu que Mme X avait agi ès qualités est inopérant ;

Et attendu, en second lieu, que l'auteur du recours contre la décision de l'INPI étant Mme X, et non une personne morale, le moyen, en ses deuxième et troisième branches, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Zylangia fait grief à l'arrêt d'annuler la décision rendue le 10 décembre 2014 par le directeur général de l'INPI alors, selon le moyen :

1°) que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ; que dans l'appréciation de cette impression d'ensemble doivent être prises en compte les ressemblances existant entre les marques et non les seules différences ; qu'en écartant en l'espèce tout risque de confusion entre les marques en cause au regard essentiellement des différences qu'elles présentent sans rechercher, comme elle y était invitée et que l'avait retenu le directeur général de l'INPI, si le terme « Bourbon » commun aux deux marques ne constituait pas, au sein de chacune d'elle, un élément distinctif et dominant dans l'impression d'ensemble suscitée par elles pour le consommateur d'attention moyenne, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci chez un consommateur d'attention moyenne des produits désignés par l'enregistrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'intellectuellement, les termes « Marina de Bourbon » de la marque première «évoquent un prénom et un nom patronymique permettant d'identifier une personne physique, le nom « Bourbon » précédé de la particule « de » étant associé à la dynastie qui a régné sur plusieurs pays d'Europe, et notamment la France, ce qui est corroboré par la couronne et le mot « Paris », alors que l'association des mots « Bourbon » et « Nature » évoque des éléments naturels,- notamment végétaux - issus de l'île de La Réunion, « Bourbon » étant l'ancien nom de cette île », sans rechercher ni constater s'il en allait ainsi pour l'ensemble du public français et non pas seulement pour le public implanté sur l'île de La Réunion comme le soutenait la société Zylangia et l'avait jugé le directeur général de l'INPI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que, si les signes ont en commun le mot « Bourbon », ils diffèrent, visuellement, par la présence, dans le signe contesté, du mot « Nature » et, dans le signe antérieur, des éléments verbaux « Marina », « de » et « Paris », ainsi que d'un élément figuratif représentant une couronne et de la couleur bleue ; qu'il retient, ensuite, que, phonétiquement, les signes diffèrent par leur rythme, cinq syllabes contre quatre, ainsi que leurs sonorités d'attaque et que la syllabe « na », qui leur est commune, n'est pas placée au même endroit dans chacun des signes ; qu'il retient, encore, qu'intellectuellement, les termes «Marina de Bourbon » évoquent un prénom et un nom patronymique permettant d'identifier une personne physique, le nom « Bourbon », précédé d'une particule, étant associé à la dynastie qui a régné sur plusieurs pays d'Europe, et notamment la France, ce qui est corroboré par la couronne et le mot « Paris », tandis que l'association des mots « Bourbon » et « Nature » évoque des éléments naturels, notamment végétaux, issus de l'île de La Réunion, anciennement dénommée « Bourbon » ; qu'en l'état de ces constatations, c'est au terme d'une appréciation de l'impression d'ensemble produite par les signes en présence que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur leurs seules différences et qui s'est référée au public moyennement attentif et raisonnablement avisé des produits désignés, a souverainement considéré que le consommateur ne sera pas incité à voir dans le signe verbal « Bourbon Nature » une déclinaison de la marque complexe « Marina de Bourbon Paris                    » ni à penser que les produits pourraient avoir une origine commune ou provenir d'entreprises liées économiquement, ce qui exclut tout risque de confusion ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.