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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 30 juin 2020, n° 18/02122

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

CR holding (SARL)

Défendeur :

Jules (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Van Gampelaere

Conseillers :

Mme Robveille, M. Binauld

TGI Angers, du 18 sept. 2018, n° 16/0001…

18 septembre 2018

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous-seings privés en date du 30 juillet 1998, la société Joreva, aux droits de laquelle vient la société CR Holding, a donné à bail à la société Camaieu Homme, devenue société Jules, des locaux dépendant d'un immeuble situé [...], à compter du 1er août 1998, moyennant un loyer annuel de 750 000 Fr, soit 114 336,76 euros, hors taxes et hors charges, payable mensuellement à terme d'avance.

Le bail a été renouvelé le 25 octobre 2007 pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 2007, moyennant un loyer annuel de 150'000 € hors taxes et hors charges.

Le 2 février 2016, la société Jules a fait signifier à la société CR Holding une demande de renouvellement du bail commercial.

Le 25 février 2016, la société Jules a fait signifier à la société CR Holding, en complément de l'acte signifié le 2 février 2016, une demande de renouvellement du bail commercial moyennant un loyer fixé à la somme annuelle de 59 500 € hors taxes et hors charges.

Par acte en date du 22 mars 2016, la société CR Holding a notifié à la société Jules son acceptation du principe du renouvellement du bail commercial pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 2016, précisant qu'elle entendait que le prix du loyer annuel soit porté à la somme de 179 000 € hors taxes et hors charge, à parfaire lors de la parution de l'INSEE à ladite date.

Aucun accord n'étant intervenu entre les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé, la société Jules a, par acte en date du 17 novembre 2016, fait assigner la société CR Holding devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d'Angers, au visa des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, aux fins de :

A titre principal,

- voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 54 354 € hors taxes et hors charges par an à compter du 1er août 2016,

- voir juger que la propriétaire devra intérêts au taux légal sur le trop payé de loyer à compter de la date de renouvellement du bail, avec capitalisation,

A titre subsidiaire,

- en cas d'expertise, réserver les dépens et fixer le montant du loyer provisionnel à la somme de      54 354 € par an hors taxes et hors charges à compter du 1er août 2016,

en toute hypothèse,

- voir condamner la société CR Holding aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 mars 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d'Angers a :

- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise confiée à M. L.,

- fixé le loyer provisionnel à la somme de 70 000 € hors taxes et hors charges par an à compter du 1er août 2016,

- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes des parties.

L'expert a déposé son rapport le 23 octobre 2017.

Par jugement en date du 18 septembre 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d'Angers a :

- fixé à la somme de 54 780 € hors taxes et hors charges à compter du 1er août 2016 le loyer annuel du bail renouvelé entre la société CR Holding et la société Jules, preneur, portant sur les locaux à usage commercial situé [...],

- condamné la société CR Holding à rembourser à la société Jules le différentiel entre le loyer arrêté par le jugement et le loyer perçu par la bailleresse depuis le 1er août 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2017, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil,

- débouté la société CR Holding et la société Jules de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens comprenant les frais d'expertise, seront partagés par moitié entre les parties.

Pour fixer la valeur locative annuelle du bail renouvelé aux mêmes clauses et conditions du bail précédent, à compter du 1er août 2016, à 440 € par m² pondéré, soit à la somme annuelle de 54 780 € hors taxes et hors charges, le premier juge a notamment retenu :

- que les parties s'entendaient sur les caractéristiques du local commercial,

- que la surface pondérée des locaux évaluée par l'expert judiciaire à 124,50 m² devait être retenue pour avoir fait l'objet d'un mesurage de l'immeuble pièce par pièce opéré par un sapiteur géomètre, plus précis que celui effectué sans plans par l'expert amiable et pour reposer sur des coefficients de pondération classiques, conformes aux préconisations de la charte de l'expertise en évaluation immobilière, alors que la surface pondérée proposée par la bailleresse reposait sur des coefficients de pondération supérieurs, éloignés des préconisations de la charte de l'expertise et a été calculée sur la base d'une surface de 244 m² alors qu'elle est de 229,59 m²,

- que la destination des lieux loués à l'activité de prêt à porter masculin et accessoires et à titre accessoire chaussures, cosmétiques et cadeaux n'était pas discutée par les parties,

- que l'impôt foncier incombant en principe au bailleur, le transfert de son paiement au locataire aux termes du bail, s'analysait en une décharge, sans contrepartie, d'une obligation légale pesant sur le bailleur, de sorte que c'était à juste titre que l'expert judiciaire avait corrigé les références comparatives retenues en les minorant de 10 % lorsque les locataires des locaux concernés ne payaient pas l'impôt foncier,

- que si le bail contient une clause d'accession prévoyant que tous travaux d'embellissement et d'améliorations quelconques qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, resteront en fin de bail la propriété de ce dernier, sans indemnité, les éventuels travaux réalisés par le preneur avaient en tout état de cause été pris en compte par l'expert pour fixer la valeur locative et ne pouvaient donc donner lieu à une majoration,

- que si, selon l'expert judiciaire, l'arrivée au cours du bail expiré d'un nouveau moyen de transport comme le tramway à moins de 200 mètres du commerce, pouvait être considéré comme une modification notable des facteurs de commercialité, à défaut d'élément chiffré permettant d'établir une augmentation du flux de clients correspondant à cette augmentation de desserte de la zone, celle-ci ne pouvait être retenue pour justifier d'une majoration de 10 % de la valeur locative, tel que sollicitée par la bailleresse,

- que l'expert judiciaire avait analysé correctement et retraité des références pertinentes recensées, pour l'essentiel de la rue Saint Aubin, en y apportant les correctifs nécessaires afin de tenir compte des différences.

Par déclaration reçue au greffe le 22 octobre 2018, la société CR Holding a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance d'Angers en date du 18 septembre 2018, intimant la société CR Holding.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance du 13 mai 2019 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 22 mars 2019 pour la société CR Holding

- le 5 avril 2019 pour la société Jules,

qui peuvent se résumer comme suit :

La société CR Holding demande à la cour, au visa des articles L. 145-33 du code de commerce,          R. 145-2 et suivants du code de commerce, 555 du Code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel, ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d'Angers en date du 18 septembre 2018,

- statuant à nouveau, fixer à la somme annuelle de 98 568,80 euros hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er août 2016 entre la société CR Holding et la société Jules, portant sur les locaux à usage commercial situé [...],

- en tout état de cause, rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Jules,

- condamner la société Jules à lui verser une somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Jules aux dépens de première instance y compris les frais d'expertise et d'appel.

Au soutien de sa demande de fixation à la somme annuelle de 98 568,80 euros hors taxes et hors charges le montant loyer du bail renouvelé au 1er août 2016 , la société CR Holding se livre à une analyse des différents critères énumérés par la loi aux fins de déterminer la valeur locative des locaux à usage commercial situé [...], loués à la société Jules.

Concernant les caractéristiques du local, elle fait valoir :

- que l'emplacement du local commercial, en plein coeur du centre-ville de la ville d'Angers dont l'accès a été amélioré par l'arrivée du tramway, par un réseau de bus et par une offre de stationnement importante, dans la rue commerçante la plus longue avec la rue de la Roë, voie piétonne, est favorable pour le type d'activité exercée,

- que l'état général de l'immeuble est correct, étant précisé qu'il n'est pas prévu de travaux importants dans les années à venir par la copropriété,

- que le local est composé de trois étages et dispose d'une vitrine façade de 10 m linéaires sur deux niveaux, ce qui lui donne une bonne visibilité exposition.

Elle conteste la superficie totale pondérée 124,50 m² retenue par l'expert judiciaire, sur la base de laquelle le tribunal de première instance a calculé le prix du loyer du bail renouvelé, en soutenant au terme d'une analyse détaillée des surfaces et destinations de l'espace au sous-sol, de l'espace vente au rez-de-chaussée et de l'espace au premier étage, que la superficie totale pondérée est de 155,84 m².

Elle fait observer que les locaux sont parfaitement adaptés à leur destination et que le contrat de bail est conclu selon les charges et conditions d'occupation usuelle, tel que cela été constaté par l'expert judiciaire.

Concernant les prix couramment pratiqués dans le voisinage, elle conteste les références retenues par l'expert judiciaire, relevant que toutes n'ont pas une activité similaire de vente de prêt-à-porter et soulignant l'absence de présentation des caractéristiques particulières de chaque local étudié.

Elle prétend au final qu'il convient de retenir une valeur locative avant correctifs de 550 € / m² / an et non de 440 € / m² / an tel que fixé par le jugement critiqué.

Concernant les facteurs locaux de commercialité, elle fait valoir qu'ils se sont considérablement améliorés en raison notamment des programmes de transport et de rénovation urbaine depuis 2011.

Elle indique que le local se trouve dans le centre-ville d'Angers, dans une des cinq rues piétonnes empruntée chaque jour par près de 70 000 personnes, où se trouvent de grandes enseignes de prêt-à-porter et qu'il bénéficie du plus grand linéaire de façade commerciale, ce qui garantit un très faible risque de vacance et classe le local en zone de commercialité numéro un prime.

Elle conclut que la majoration de 10 % du montant du loyer du bail renouvelé, du fait d'une évolution très favorable des facteurs locaux de commercialité, telle que sollicitée, est justifiée.

Concernant les autres correctifs à apporter à la valeur locative, elle soutient qu'il convient de majorer le montant du loyer annuel du bail renouvelé de 5 % supplémentaires, en raison des travaux effectués dans le local .

Elle souligne que le local a fait l'objet de nombreux travaux depuis l'entrée du locataire dans les lieux, dont la valeur est à prendre en compte pour la fixation du prix du loyer du bail renouvelé, rappelant qu'aux termes de l'article IV) 6° du bail, il est prévu une clause d'accession au profit de la propriétaire bailleresse en contrepartie de laquelle le preneur n'a pas l'obligation de remise en état initial des locaux.

Elle considère par ailleurs qu'il n'y a pas lieu de minorer le montant du loyer du bail renouvelé de 10 % en raison du transfert de la charge du paiement de l'impôt foncier, tel que sollicité par la société Jules.

Au terme de son analyse des critères énumérés par la loi pour déterminer la valeur locative, elle conclut qu'il convient de retenir un loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er août 2016 à la valeur de 98 568,80 euros = (155,86 m² x 550 €) + (155,86 m² x 550 € x 15 %).

La société Jules demande à la cour de :

- confirmer le jugement du juge des loyers du tribunal de grande instance d'Angers en date du 18 septembre 2018 en toutes ses dispositions,

- par conséquent et en toute hypothèse :

* fixer à la somme de 54 780 € hors taxes et hors charges à compter du 1er août 2016 le loyer annuel du bail renouvelé entre la société CR Holding et la société Jules portant sur les locaux à usage commercial situé [...],

* condamner la société CR Holding à rembourser à la société Jules le différentiel entre le loyer fixé et le loyer perçu par la bailleresse depuis le 1er août 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2017, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil,

* dire que les dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, seront partagés par moitié entre les parties,

- au surplus,

* condamner la société CR Holding à verser à la société Jules la somme de 8 000 € sur le fondement des dispositions l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la société CR Holding aux dépens d'appel.

La société Jules soutient que la valeur locative étant inférieure au montant du loyer plafonné, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à ladite valeur locative, déterminée conformément aux dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-2 et suivants du code de commerce.

Elle fait valoir qu'au terme d'une analyse méticuleuse des caractéristiques des locaux, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, des facteurs locaux de commercialité et des obligations des parties, l'expert judiciaire a retenu une valeur locative de 440 €/m² à laquelle il a appliqué une surface pondérée de 124 50 m², pour obtenir une valeur locative au bail renouvelé de 54 780 €, qu'il convient selon elle de retenir, ainsi que l'a fait le tribunal.

Concernant les caractéristiques des lieux loués, elle fait observer que l'emplacement du local n'est pas une qualité nouvelle et que seul le rez-de-chaussée et le premier étage sont accessibles au public et exploitables en tant que surfaces de vente.

Elle fait également observer que la destination des lieux loués est réduite.

Elle approuve l'expert d'avoir retenu une surface pondérée de 124 50 m², en soulignant qu'il a parfaitement répondu aux observations de la société CR Holding pour exclure la proposition de pondération de cette dernière.

Elle souligne également que l'expert judiciaire, analysant avec précision les prix couramment pratiqués dans le voisinage à partir de huit références comparables et corrigés en fonction des différences avec le local étudié, a reconnu le caractère exorbitant du loyer initial et a retenu une valeur locative unitaire de 440 € par mètre carré.

Elle conclut qu'aucune référence ne permet de justifier le prix proposé par le bailleur et qu'aucune critique du bailleur ne permet de remettre en cause le résultat du rapport d'expertise.

Elle soutient encore que la majoration sollicitée par le bailleur est injustifiée.

Elle prétend ainsi qu'il n'y a pas lieu à majoration à raison de la présence d'une clause d'accession dans le bail, en faisant valoir que ladite clause ne confère pas un avantage au preneur, dès lors qu'elle ne fait que rappeler le droit commun de l'article 555 du Code civil, sauf à faire observer que les travaux font accession au bailleur sans indemnité à verser au preneur, ce qui constitue au contraire un avantage notable pour le bailleur.

Elle ajoute que les locaux ont été valorisés en considération des aménagements actuels du bail.

Elle prétend par ailleurs qu'il convient de tenir compte de ce que le bail met la charge de l'impôt foncier sur le locataire, en considérant que ce transfert de charge doit constituer pour les locaux un facteur de minoration de la valeur locative et approuve l'expert judiciaire d'avoir tenu compte dans chaque bail comparé de l'impact de la présence d'une clause de remboursement par le preneur de la taxe foncière , en minorant le loyer du commerce concerné de 10 % lorsqu'une telle clause n'existait pas dans le bail, pour le rendre comparable au local expertisé.

MOTIFS

- Sur la fixation de la valeur locative selon l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

En vertu de l'article L. 145-34 du code de commerce à moins d'une modification notable des éléments mentionnés au 1° et 4° de l'article 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à 9 ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier publiés par l'institut national de la statistique et des études économiques.

Il en résulte que la fixation du loyer du bail renouvelé n'est limité qu'à la hausse, lorsque la valeur locative excède le loyer plafond fixé dans les conditions de l'article L. 145-34 du code de commerce et que le preneur peut demander la fixation du loyer à la valeur locative, à un prix inférieur à celui du bail expiré, sans qu'il ait à démontrer une modification notable des quatre premiers éléments de l'article L. 145-33 du code de commerce.

En l'espèce, à l'expiration du bail à renouveler, le prix du loyer avait atteint le montant annuel de 177 881,52 euros.

Selon l'expert judiciaire , qui n'est pas contredit sur ce point par les parties, notamment par la bailleresse qui propose elle même un prix largement inférieur, le prix du bail expiré se situe hors marché comme étant exorbitant.

Et, si les parties ne se sont pas accordées sur le prix du bail renouvelé à effet au 1er août 2016, elles s'accordent sur le fait qu'il doit être fixé à la valeur locative conformément aux dispositions de l'article L. 145-33, puisque celle-ci est en toute hypothèse, selon leurs demandes respectives, inférieure au loyer plafonné.

A défaut d'accord entre les parties, la valeur locative se calcule selon l'article L. 145-33 alinéa 2, en prenant compte les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En outre, le prix du bail s'apprécie à la date du renouvellement.

La valeur locative des locaux loués par la société Jules sera donc déterminée en fonction d'un état de fait à la date premier août 2016.

- Sur les caractéristiques du local considéré les caractéristiques du local considéré s'apprécient au regard des critères de l'article R. 145-3 du code de commerce à savoir :

1°) sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2°) l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation où à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3°) ses dimensions, la conformation de chaque partie et son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4°) l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5°) la nature et l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire et du rapport d'expertise amiable de M. T. en date du 4 janvier 2017, produit par la bailleresse, les éléments suivants :

- les locaux font partie d'un immeuble qui se trouve en plein coeur du centre ville, au 63 et [...], rue commerçante composée de boutiques en pied d'immeubles, la plus longue avec la [...], une des cinq rues piétonnes du centre empruntée quotidiennement par près de 70 000 personnes, perpendiculaire au boulevard Foch considéré comme la principale artère de communication du centre ville,

- les locaux disposent de 10 mètres linéaires de façade commerciale sur la rue Saint Aubin,

- la surface louée se compose de trois parties :

* un rez-de-chaussée comprenant une surface de vente, avec un escalier intérieur pour accéder à l'étage,

* un étage comprenant une surface de vente, avec un effet bandeau sur la rue Saint Aubin,

* un sous-sol utilisé en réserve, locaux sociaux et un bureau, avec un escalier pour accéder au rez-de-chaussée.

Il s'en déduit que l'emplacement est favorable pour le type d'activité exercée et que les locaux sont adaptés à celle-ci.

La fixation à 229,59 m² de la surface utile des locaux objet du bail, telle que mentionnée dans le rapport d'expertise judiciaire, n'est pas discutée par les parties.

Concernant la pondération de la surface, la société Jules entend voir retenir une surface pondérée de 124,50 m², telle que résultant des conclusions du rapport d'expertise judiciaire , tandis que la société CR Holding soutient que la surface du local doit être pondérée pour retenir 155,84 m².

Au vu du tableau de calcul des valeurs pondérées établi par l'expert judiciaire, ce dernier, retient :

- pour le sous-sol une surface pondérée de 16,36 m² en appliquant à la surface de bureau un coefficient de pondération de 0,3 et à la surface de réserves un coefficient de pondération de 0,2, par référence à la charte de l'expertise en évaluation immobilière qui recommande pour un sous sol aménagé un coefficient de pondération de 0,2 à 0,4.

- Pour le rez-de-chaussée, une surface pondérée de 76,58 m² en appliquant à la vitrine un coefficient de 1,05, à la première zone commerciale un coefficient de 1, à la deuxième zone commerciale un coefficient de 0,7, à la troisième zone commerciale un coefficient de 0,4 et pour les surfaces des locaux techniques un coefficient de 0,3.

- Pour le premier étage, une surface pondérée de 31,56 m² en appliquant à la surface commerciale bénéficiant de l'effet bandeau en vitrine un coefficient de 0,5, à la deuxième zone commerciale et à la troisième zone comprenant les cabines d'essayage un coefficient de 0,4 et aux surfaces des locaux techniques un coefficient de 0,3.

La société CR Holding conteste les coefficients de pondération appliqués par l'expert et propose de retenir :

- pour le sous-sol une surface pondérée de 23,86 m² en appliquant à la surface de bureau un coefficient de pondération de 0,4 et à la surface de réserves un coefficient de pondération de 0,3 en faisant valoir que le sous-sol , directement relié au rez-de-chaussée, peut être utilisé comme un espace de vente,

- pour le rez-de-chaussée, une surface pondérée de 79,89 m² en appliquant à la vitrine un coefficient de 1,05, aux première et deuxième zones commerciales qui constituent un espace de vente homogène bénéficiant d'un éclairage naturel sur l'ensemble et d'un bon visuel depuis l'extérieur, un coefficient de 1 et pour les surfaces des locaux techniques, le palier et la zone commerciale sous mezzanine un coefficient de 0,4.

- Pour le premier étage, une surface pondérée de 52,09 m² en appliquant à la surface commerciale bénéficiant de l'effet bandeau en vitrine un coefficient de 1 comme celle du rez-de-chaussée, au reste des zones commerciales un coefficient unique 0,5, sans distinguer les caisses et les cabines d'essayage.

La pondération des surfaces utiles d'un commerce permet de ramener la valeur locative des locaux commerciaux concernés à une unité de base, le mètre carré pondéré, pour permettre une comparaison objective avec d'autres surfaces commerciales.

Un coefficient de pondération est appliqué en fonction des destinations des surfaces concernées, telles que définies dans le bail.

Il convient de différencier les zones des locaux concernés pour appliquer à chacune d'elles un coefficient de pondération selon leur intérêt commercial.

La charte de l'expertise en évaluation immobilière constitue pour la fixation de la valeur locative de locaux objets de baux renouvelés une référence communément adoptée, même si elle n'a pas valeur impérative.

Cette charte à laquelle l'expert judiciaire s'est expressément référé, recommande, tel que commémoré dans le rapport d'expertise judiciaire, les coefficients de pondérations suivants :

- 1re zone commerciale de 5 m depuis la façade : 

- 2e zone commerciale sur les 5 m suivants : 0,7 à 0,8

- 3e zone commerciale sur les 10 m suivants : 0,4 à 0,6

- sous-sol et cave, réserve : 0,1 à 0,2

- sous-sol aménagé : 0,2 à 0,4

- premier étage espace de vente : 0,4

- premier étage réserve : 0,2 à 0,4.

En l'espèce, concernant le sous-sol des locaux loués par la société Jules, il ressort de l'expertise judiciaire que cette surface de 74,95 m² est utilisée en réserve, locaux sociaux et bureau et que la clientèle n'y a pas accès. L'expert judiciaire a évalué la surface pondérée sur cette base.

Cependant, le renouvellement du bail a été sollicité par la société Jules le 2 février 2016 et accepté par la bailleresse, aux mêmes clauses et conditions du bail précédent, à l'exception du prix du loyer.

Et dans la désignation des locaux figurant au bail renouvelé signé le 25 octobre 2007, applicable du 1er août 2007 au 31 juillet 2016, le sous-sol est décrit comme comprenant 'un local commercial, réserves, escalier permettant d'accéder au rez-de-chaussée.

Dés lors que la destination à prendre en considération est celle qui est définie au bail à la date du renouvellement, il y a lieu, compte tenu des termes du bail conclu entre les parties, de considérer que le sous-sol de 74,95 m² est un local aménagé relié à l'espace commercial du rez-de-chaussée par un escalier intérieur, pouvant être utilisé en partie comme un espace de vente accessible à la clientèle.

L'expert amiable a d'ailleurs décrit le sous-sol comme étant composé d'un espace de vente pour 35 m² et de réserves et cabinet de toilette pour le reste de la surface.

Au vu de ces éléments, il convient de retenir en surface pondérée 18,49 m² = 35 m² x 0,3 + 39,95 x 0,2.

Concernant le rez-de-chaussée, par comparaison entre les conclusions du rapport de l'expert judiciaire reprises par la société Jules et celles de la société CR Holding, il apparaît que là où l'expert propose un coefficient de pondération de 1 pour les 62,40 m² formant la première zone du magasin, un coefficient de 0,7 pour les 10,36 m² constituant la seconde zone du magasin, un coefficient de 0,4 pour les 2,74 m² composés de locaux techniques et du palier et un coefficient de 0,4 pour les 5,13 m² constituant la zone du magasin sous mezzanine, la société CR Holding soutient qu'il faudrait retenir un coefficient de pondération de 1 pour l'ensemble des deux surfaces et le même coefficient de 0,4 pour les autres zones.

La société CR Holding prétend justifier de ses coefficients d'une part par la présence d'une vitrine sur deux niveaux et la forme homogène de l'ensemble du plateau formant l'espace que l'expert judiciaire a découpé en deux zones, qui bénéficie d'un éclairage naturel et d'un bon visuel depuis l'extérieur ; d'autre part par la nécessité de mettre sur le même plan l'espace dédié aux cabines et aux caisses qui se situe au sein même de l'espace de vente, avec l'espace de vente sous mezzanine.

Le magasin ayant une profondeur largement supérieure à 5 m, il y a lieu, tel que préconisé par l'expert judiciaire, de distinguer deux zones de surfaces de vente, en affectant à la seconde zone, plus éloignée du bandeau vitrine et donc nécessairement moins visible depuis l'extérieur et dont la largeur est réduite par rapport à la zone précédente puisque qu'elle est jouxtée par un espace sous mezzanine et par un espace dédié à des locaux techniques, un coefficient de pondération réducteur qui sera fixé à 0,7.

En outre, il y a lieu de différencier la valorisation de l'espace affecté à une zone de vente, même située sous mezzanine, de celle des zones affectées à des locaux techniques et à un palier.

L'application des coefficients de pondération réducteurs respectifs de 0,4 et de 0,3 proposés par l'expert sera en conséquence retenue.

La surface pondérée du rez de chaussée sera ainsi fixée à 76,58 m².

Enfin concernant le premier étage, par comparaison entre les conclusions du rapport de l'expert judiciaire reprises par la société Jules et celles de la société CR Holding, il apparaît que là où l'expert propose un coefficient de pondération de 0,5 pour les 33,5 m² formant la zone bandeau, un coefficient de 0,4 pour les 22,76 m² constituant la seconde zone de vente de l'étage, un coefficient de 0,4 pour les 11,09 m² composés des cabines d'essayage et un coefficient de 0,3 pour les 4,22 m² la zone composés de locaux techniques, la société CR Holding soutient qu'il faudrait retenir un coefficient de pondération de 1 pour la zone bandeau et de 0,5 pour le reste de la zone.

La société CR Holding prétend justifier de ses coefficients d'une part par la présence d'une vitrine sur deux niveaux et la disposition du local ; d'autre part par la nécessité de mettre sur le même plan l'espace dédié aux cabines et aux caisses.

Il convient de tenir compte de l'effet bandeau lié à la présence au premier étage d'une vitrine en façade rue, s'étendant sur une surface non contestée de l'espace commercial de 33,5 m².

Néanmoins, cet effet bandeau ne justifie pas le coefficient de pondération de 1 proposé par la société CR Holding, dés lors que s'il permet de bénéficier d'un éclairage naturel sur cette zone, la vitrine reste moins étendue que celle du rez de chaussée et surtout ne permet pas une visibilité étendue depuis l'extérieur de la zone de vente du premier étage.

L'application du coefficient de pondération réducteur pour cette zone, tel que préconisé par l'expert, à savoir 0,5, sera donc validée.

La configuration et l'affectation du reste de la zone du premier étage ne justifient pas l'application du coefficient unique de pondération proposé par la société CR Holding, à savoir 0,5, très éloigné de ceux prévus par la charte de l'expertise en évaluation immobilière, référence communément adoptée même si elle n'a pas valeur impérative, pour des espaces situés au premier étage de magasin distinguant l'espace vente (0,4) et les réserves (0,2 à 0,4) .

L'application des coefficients de pondération réducteurs tels que préconisés par l'expert, à savoir 0,4 pour la seconde zone et les cabines d'essayage et 0,3 pour la zone composés de locaux techniques, sera donc validée.

La surface pondérée de l'étage sera ainsi fixée à 31,56 m².

Il ressort de ce qui précède que la surface pondérée des locaux peut donc être fixée à 126,63 m² = 18,49 m² + 76,58 m² + 31,56 m².

- Sur la destination des lieux le contrat de bail renouvelé prévoit que les locaux sont destinés à l'activité de prêt à porter masculin et accessoires et à titre accessoire chaussures, cosmétiques et cadeaux et c'est effectivement l'activité exercée dans les lieux par la société Jules à la date du renouvellement.

L'expert a retenu dans son analyse des facteurs de détermination de la valeur locative des locaux expertisés, sans être contredit, par les parties que les locaux sont adaptés à la destination du bail.

- Sur les facteurs locaux de commercialité aux termes de l'article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présentent, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent de manière durable ou provisoire.

Sur ce point, la valeur locative vise à refléter le potentiel de l'exploitation, peu important que l'exploitant soit performant ou non.

La société CR Holding prétend qu'elle est fondée à voir prendre en considération dans la fixation du prix du bail renouvelé l'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité tenant aux programmes de transport et de rénovation urbaine qui ont commencé à voir le jour en centre ville d'Angers depuis 2011.

Elle soutient ainsi que la prise en compte des facteurs locaux de commercialité devrait conduire à appliquer une majoration de 10 % du montant de la valeur locative qu'elle évalue avant correctifs à 550 euros par mètre carré pondéré, par an.

A ce titre, elle rappelle que le local loué par la société Jules se trouve dans le quartier de la cité, en plein centre ville d'Angers, dans la rue commerçante la plus longue avec la rue de la Roë, l'une des cinq grandes rues piétonnes où l'on trouve de nombreuses grandes enseignes de prêt à porter.

Elle fait surtout valoir que les locaux litigieux se situent à proximité de deux arrêts du tramway dont la mise en service fin juin 2011 a indéniablement facilité le déplacement des chalands vers cette zone du centre ville.

Elle ajoute que la rénovation du boulevard Foch à l'occasion des travaux pour la ligne de tramway a également contribué à un réel dynamisme du quartier du centre ville.

L'expert judiciaire confirme que les locaux loués par la société Jules se situent à 200 mètres de deux arrêts de la ligne de tramway ouverte le 25 juin 2011, précisant que dans les six premiers mois, cette ligne a enregistré plus de 25 % du trafic global des transports urbains.

Les clients potentiels peuvent ainsi se rendre plus facilement dans le commerce expertisé, ce dont il conviendra de tenir compte dans la fixation de la valeur locative à la date du renouvellement .

Il convient néanmoins de relever que la bailleresse qui justifie notamment sa demande de fixation du prix du bail renouvelé à 98 568,80 euros hors taxes et hors charges, représentant un écart de plus de 40 % par rapport à la valeur proposée par le locataire et 15 % de plus que la valeur locative qu'elle retient, dont 10 % attribués aux facteurs locaux de commercialité, ne produit aucun élément, en dehors du constat objectif de l'ouverture de la ligne de tramway facilitant l'afflux de chaland vers une zone à proximité des locaux litigieux, permettant de vérifier l'ampleur de l'augmentation de la fréquentation du commerce Jules correspondant aux conditions récentes de desserte du quartier ou à établir que la société Jules profite particulièrement de cette situation, dans une proportion supérieure aux commerces exerçant une activité similaire dans le voisinage.

- Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L'article R.145-7 du code de commerce définit les prix couramment pratiqués dans le voisinage, comme ceux concernant des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6 ; précisant qu'à défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les critères de comparabilité prévus par l'article R. 145-7 sus rappelé doivent conduire à ne retenir en principe que les références de loyers présentant une certaine homogénéité entre elles, par référence aux critères prévus aux R. 145-3 à R. 145-6, et notamment aux facteurs locaux de commercialité.

Ainsi, pour les prix pratiqués dans le voisinage utilisés comme références servant à la détermination du prix du loyer du bail renouvelé, il convient de retenir des loyers fixés en tenant notamment compte de ce que les commerces concernés bénéficient de facteurs de commercialité similaires ou, à défaut, d'appliquer des corrections aux prix des loyers des locaux pris pour référence, afin de comparer des éléments comparables entre eux.

La prise en compte de locaux destinés à la même activité commerciale et situés dans la même zone de chalandise doit donc être privilégiée.

En l'espèce, la bailleresse conteste les valeurs des loyers retenues comme références par l'expert judiciaire, en lui reprochant notamment :

- d'avoir pris en compte parmi les prix référencés des commerces qui n'ont pas une activité similaire de vente de prêt à porter,

- d'avoir pris en compte un commerce qui ne se trouve pas dans une rue dont la commercialité est comparable à celle où se trouvent les locaux expertisés,

- d'avoir considéré que la comparaison avec le commerce Burton dont le loyer renouvelé à compter de 2012 a été fixé judiciairement était pertinente, alors que les locaux concernés présentent des caractéristiques différentes,

- de ne pas avoir indiqué comment sont aménagés les commerces pris comme références afin de pouvoir vérifier la pertinence de celles-ci,

- d'avoir retenu une valeur locative inférieure à la valeur locative retenue pour le commerce de la société Clarisse/Jefferson figurant dans les 8 références de l'expert,

- d'avoir retenu une valeur locative inférieure à celle des commerces Celio et Burton figurant parmi les références retenue par l'expert.

Elle considère que la valeur locative avant correctif à retenir est celle qui a été proposée par l'expert amiable, soit 550 euros.

Aux termes de ses investigations, pour déterminer la valeur locative moyenne par m² des commerces du voisinage, l'expert judiciaire a recensé 8 références, dont 7 correspondent à des baux consentis à des commerces situés dans la même rue, 6 d'entre elles concernant une activité dans le domaine du prêt à porter.

Le prix du loyer pratiqué pour le bail consenti à la société BNP, qui constitue l'une des références analysées par l'expert judiciaire, mais ne correspond pas à une activité commerciale similaire à celle de la société Jules exercée dans la même rue que cette dernière, sera écarté.

Le prix du loyer pratiqué pour la société La mie câline, dont l'activité n'a aucun rapport avec celle exercée par Jules et dont la date de renouvellement n'est pas précisée, sera également écarté.

Les prix des loyers examinés par l'expert judiciaire des six références de commerces de prêt à porter situés dans la même rue correspondent à des baux renouvelés à partir de 2011, donc après l'évolution favorable des facteurs de commercialité liée à l'ouverture d'une ligne de tramway desservant deux arrêts proches de la rue où se trouvent les locaux expertisés et les 6 termes de comparaison.

L'expert judiciaire a présenté la synthèse de l'analyse de toutes ses références effectuée à partir des renseignements obtenus sur les commerces concernés, de ses visites des locaux et d'une étude de la commercialité de chaque bien, dans des tableaux comparatifs permettant de vérifier la présence des critères pour chaque bien et d'expliquer l'application de coefficients correctifs pour certains biens.

Selon ces tableaux, l'expert a retenu trois types de coefficients de correction concernant les éléments de commercialité (flux des passants, caractéristiques de la rue, visibilité du commerce, boutiques environnantes), la qualité du local et de l'immeuble (état général du magasin, de son agencement, état général des façades de l'immeuble) et la prise en charge ou non de l'impôt foncier par le preneur.

La critique de sa référence au loyer pour Burton a fait l'objet d'un dire de la bailleresse auquel l'expert a répondu.

Il ressort du rapport d'expertise, que les locaux de la société Jules et de Burton sont mitoyens et que l'activité exercée par chacun de ces commerces est similaire.

Le prix du loyer pour le commerce de Burton, renouvelé à compter du 15 mars 2012, fixé par décision judiciaire, actualisé à la date de la fixation de la valeur locative pour les locaux Jules, est de 75 870 euros par an pour une surface pondérée de 179 m².

L'expert relève que la largeur et la hauteur des façades commerciales sont similaires.

Il a pondéré le prix du loyer Burton en fonction de la surface afin de pouvoir le retenir comme une référence comparable aux autres, obtenant au final une valeur au m² pondéré de 445 euros.

Il a expliqué que la valeur locative des locaux loués à Jules qu'il a estimée en deçà de ce montant, malgré la grande similitude entre les commerces, se justifiait par le fait que Burton exerce son activité sur un seul niveau présentant une surface commerciale d'un volume plus agréable, augmentant légèrement la commercialité des locaux.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que ce terme de référence n'est pas sérieusement critiqué par la bailleresse et devra être retenu.

Les locaux de la société Celio sont également très proches de ceux de la société Jules et l'activité exercé par ces deux commerces est similaire.

Le prix du loyer pour le commerce de Celio, renouvelé en 2011, actualisé à la date de la fixation de la valeur locative pour les locaux Jules, est de 95 298 euros par an pour une surface pondérée de 196 m².

L'expert relève que l'état général de l'immeuble, la commercialité et la visibilité des deux commerces sont similaires.

Il a pondéré le prix du loyer uniquement en fonction de sa surface pour pouvoir la retenir comme une référence comparable aux autres, obtenant au final une valeur au m² pondéré de 511 euros.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que ce terme de référence n'est pas sérieusement critiqué par la bailleresse et devra être retenu.

Concernant la référence au prix du loyer du commerce Clarisse / Jefferson qui constitue la plus élevée des références analysées par l'expert judiciaire et que la bailleresse entend voir retenir, l'expert judiciaire qui a mentionné dans un premier temps un prix de 19 051 euros par an, a expliqué, en réponse à un dire de la bailleresse, qu'il devait subir une correction de - 5 % pour tenir compte de ce que la surface est près de deux fois moins élevée que celles des locaux de la société Jules et qu'une petite surface se loue toujours plus cher qu'une grande surface.

En outre, effectuant de nouvelles vérifications le 4 octobre 2017, il a constaté que le commerce était en liquidation et s'étant vu indiquer que le bail n'était pas repris à ce jour, il a conclu que cela laissait supposer que cette enseigne supportait trop de charges par rapport à son chiffre d'affaire.

Compte tenu de ces éléments, s'il y a lieu d'inclure le prix du loyer de ce commerce à la date du premier août 2016, telle que fixée par l'expert judiciaire, dans les références des prix couramment pratiqués dans le voisinage pour déterminer la valeur locative des locaux loués par la société Jules, cette référence ne sera pas considérée, tel que soutenu par la bailleresse, comme le terme de comparaison le plus pertinent.

Au soutien de sa proposition de prix du bail renouvelé supérieure à l'évaluation de la valeur locative par l'expert judiciaire, la bailleresse se prévaut du rapport d'expertise amiable qui a retenu 12 références dont seulement 4 sont communes à l'expert judiciaire.

L'examen des références autres que celles retenues par l'expert judiciaire révèle néanmoins que l'activité concernée et la localisation précise de deux d'entre elles ne sont pas connues, que deux sont situées dans une autre rue que les locaux de la société Jules, que deux autres correspondent à des activités sans aucun rapport avec le prêt à porter et qu'enfin deux ne concernent ni une activité similaire, ni la même rue.

Elles ne seront donc pas considérées comme des termes de comparaison des prix pratiqués dans le voisinage pertinents.

Devant la cour d'appel, la société bailleresse a invoqué une nouvelle référence, consécutive à l'installation dans la rue de la société Tiger dont le loyer annuel est de 120 000 euros HT, HC, HF, soit 631 euros par m² pondéré.

Cependant, outre que les caractéristiques des locaux commerciaux récemment loués par la société Tiger ne sont nullement décrites et démontrées, les seules données mentionnées dans les écritures de la bailleresse permettent d'exclure cette référence comme n'étant pas pertinente pour déterminer la valeur locative des locaux loués à la société Jules par rapport aux prix pratiqués dans le voisinage, dés lors qu'il apparaît que la date d'entrée dans les lieux de la société Tiger ne correspond pas à celle du renouvellement du bail de la société Jules, que la surface pondérée est plus élevée et surtout que les activités exercées dans les lieux sont très différentes .

Au vu de l'ensemble de ces éléments, six références de loyers proposées par l'expert judiciaire portant sur des commerces situés dans la même rue que les locaux donnés à bail à la société Jules, dans lesquels s'exerçait au premier août 2016 une activité similaire et qui ne présentait pas avec ceux-ci de différences substantielles ou dont les différences ont été prises en compte par l'application de taux de correction, seront donc retenues comme termes de comparaison pertinents : Mât de misaine (450 euros/m²p), Burton (445 euros/m²p), Celio (511 euros/m²p), Clarisse/Jefferson (525 euros/m²p), Gant (380 euros/m²p) et Catimini (332 euros/m²p).

Ainsi en définitive, compte tenu de l'emplacement favorable pour le type d'activité exercée par la société Jules dans les locaux et de leur adaptation à celle-ci, des facteurs locaux de commercialité et eu égard aux prix des loyers du voisinage retenus comme termes de comparaison, la valeur locative des locaux pris à bail par la société Jules peut s'établir à 440 euros le m², soit compte tenu de la surface pondérée des locaux retenue de 126,63 m², une valeur de 55 717 euros par an.

Il convient néanmoins encore de rechercher si des causes de majoration ou de minoration telles que prévues par la loi et invoquées par les parties, peuvent venir affecter cette valeur.

- Sur les causes de minoration et de majoration de la valeur locative

* Sur le prétendu droit à majoration à raison de l'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité il résulte des développements qui précèdent que le montant de la valeur locative retenue avant correctifs éventuels, soit 440 euros / m²p, qui sert à déterminer le prix du loyer pour le bail renouvelé, a été fixé en prenant en compte les critères énoncés à l'article L. 145-33 alinéa 2 du code de commerce, dont les facteurs locaux de commercialité actualisés, dans toutes leurs composantes, à la date du renouvellement et les prix pratiqués dans le voisinage pour six commerces dont le loyer avait été arrêté en tenant compte des facteurs locaux de commercialité similaires à ceux applicables au commerce Jules pour le renouvellement du bail.

La bailleresse sollicite qu'il soit procédé à 'une majoration de 10 %' de la valeur locative des locaux en se fondant sur une amélioration des facteurs locaux de commercialité.

Cependant, étant rappelé que le présent litige ne concerne pas la fixation d'un loyer déplafonné, les facteurs locaux de commercialité objectifs tels qu'ils existent au jour du renouvellement du bail ont déjà été pris en compte dans la fixation de la valeur locative à la date du dit renouvellement et leur amélioration.

Dès lors l'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité entre les deux périodes concernées ne saurait, sauf à faire irrégulièrement supporter deux fois au preneur les effets de cette amélioration, ouvrir droit au profit du bailleur, à une majoration de la valeur locative telle qu'elle a plus haut été fixée.

Il n'y a donc pas lieu d'appliquer à la valeur locative avant correctifs des locaux loués par la société Jules, la majoration de 10 % sollicitée.

* Sur la prise en compte du paiement par le preneur de la taxe foncière selon l'article R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie, constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

En l'espèce, le bail met à la charge du preneur le règlement de la totalité de la taxe foncière afférent aux locaux loués.

Cette obligation mise à la charge du preneur constitue une charge exorbitante pour celui-ci, la taxe foncière sur les immeubles bâtis, impôt résultant de la loi, ayant vocation à être naturellement supportée par le propriétaire de l'immeuble, qu'il soit à usage d'habitation ou commercial, à la différence de la taxe professionnelle, qui vise au contraire l'exploitant de l'immeuble.

En outre, le bailleur ne démontre ni même n'allègue que cette obligation particulière trouve sa contrepartie dans une autre disposition contractuelle.

En application des dispositions sus citées, la valeur locative des locaux loués par la société Jules doit être fixée en tenant compte de la charge exorbitante pour cette dernière représentée par le règlement de la taxe foncière.

La société Jules n'a pas sollicité d'abattement à hauteur du montant de la taxe foncière mais a validé la méthode utilisée par l'expert judiciaire, consistant à déterminer la valeur locative à partir de la comparaison des prix de loyers du voisinage tenant compte de l'impact de la présence ou non d'une clause dans les baux de référence du paiement à la charge du preneur de la taxe foncière.

Les six références sus retenues comme termes de comparaison des prix des loyers du voisinage qui ont permis d'établir la valeur locative sur la base du prix de 440 euros/m²p sont toutes des références qui ont été sélectionnées et analysées par l'expert judiciaire.

Pour comparer les prix des loyers des six commerces du voisinage concernés, l'expert a pris soin de vérifier la présence d'une clause mettant la taxe foncière à la charge du preneur et, pour la seule référence dont le bail ne le prévoyait pas (Catimini), a appliqué un correctif de - 10 %.

Au vu de ces éléments, il convient de maintenir la valeur locative des locaux loués par la société Jules à 55 717 euros par an, comme ayant été déterminée en tenant compte de l'impact du règlement par le preneur de la taxe foncière.

* Sur la prise en compte de la clause d'accession

Le bail prévoit que tous travaux, embellissements, améliorations quelconques qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, resteront en fin de bail, la propriété de ce dernier, sans indemnité.

La société CR Holding prétend que les locaux loués à la société Jules ont fait l'objet de nombreux travaux depuis l'entrée du locataire dans les lieux, dont la valeur est à prendre en compte pour déterminer la valeur locative des locaux à la date du renouvellement du bail, dés lors qu'ils sont devenus, à la fin du bail expiré, la propriété de la bailleresse.

Elle soutient que compte tenu des travaux dont s'agit, ils ont augmenté la valeur locative des locaux dans la proportion de 5 % qu'il convient d'appliquer à la valeur locative avant correctifs.

Néanmoins, les éventuels travaux réalisés par le preneur pendant la durée du bail expiré, à propos desquels il n'est produit aucun élément et qui n'ont pas été décrits par l'expert judiciaire, ont nécessairement été pris en compte pour fixer la valeur locative dans la mesure où elle a été déterminée en fonction d'un état de fait à cette date et en considération des caractéristiques des locaux concernés telles que définies à l'article R. 145-3 du code de commerce qui prend notamment en compte la nature et l'état des équipements, la configuration des lieux et leur adaptation à l'activité qui y est exercée, l'état d'entretien, la commodité d'accès pour les clients.

Il convient dès lors d'approuver le juge de première instance qui a jugé que ces travaux ne pouvaient donner lieu à une majoration de la valeur locative.

Ainsi en définitive, il convient de fixer à la somme de 55 717 euros par an hors taxes et hors charges à compter du loyer annuel du bail renouvelé entre et la société CR Holding et la société Jules à compter du premier août 2016.

- Sur la demande au titre du différentiel de loyer et les intérêts

Le loyer ainsi fixé étant inférieur au loyer provisionnel, il convient, par confirmation du jugement, de faire droit à la demande de remboursement des loyers trop payés depuis le premier août 2016, date du renouvellement du bail.

Les intérêts sont dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courant à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense du bailleur lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

En l'espèce, par confirmation du jugement, le différentiel entre le loyer fixé et le loyer perçu par la bailleresse depuis le premier août 2016 portera intérêts au taux légal à compter de la notification du premier mémoire en défense du bailleur, soit à compter du 13 janvier 2017, qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Compte tenu de la nature de l'affaire et au sort qui a été réservé aux prétentions de l'appelante, la société CR Holding sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel et sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la société Jules la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à compter du premier août 2016 entre la société CR Holding, bailleur, et la société Jules, preneur, portant sur des locaux à usage commercial situés [...] à 54 780 € hors taxes et charges ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

FIXE à la somme de 55 717 € hors taxes et hors charges le loyer annuel du bail renouvelé à compter du premier août 2016 entre la société CR Holding, bailleur, et la société Jules, preneur, portant sur des locaux à usage commercial situés [...] ;

CONDAMNE la société CR Holding aux dépens d'appel ;

DÉBOUTE les parties au titre de leur frais irrépétibles d'appel.