CA Bourges, ch. civ., 15 février 2018, n° 17/01022
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
RSI Centre Val de Loire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Foulquier
Conseillers :
M. Perinetti , Mme Merlet
Au cours du mois de mars 2017, Monsieur X a cessé son activité d'artisan plaquiste, peintre, électricien, plombier et procédé le 31 mars suivant à la radiation de son entreprise du répertoire des métiers.
Par acte extra judiciaire délivré le 29 mars 2017, le R.S.I. CENTRE VAL DE LOIRE l'a assigné devant le Tribunal de commerce de BOURGES afin de voir ouvrir à son encontre une procédure de redressement ou subsidiairement de liquidation judiciaire.
Il exposait que ce travailleur indépendant avait été affilié à son régime du 7 mai 2010 au 03 mars 2017, qu'il était redevable de la somme de 32 536,98 euros correspondant à hauteur de 6 117,13 euros à des cotisations et contributions sociales obligatoires jamais acquittées nonobstant plusieurs contraintes devenues exécutoires décernées les 23 décembre 2013, 14 mai, 18 juillet, et 14 octobre 2014, 24 février et 12 août 2015, 16 février et 14 octobre 2016, que le surplus correspondait aux cotisations et majorations "non titrées" des troisième et quatrième trimestres 2016 et du premier trimestre 2017, qu'aucun recouvrement amiable ou forcé n'avait été possible, que le débiteur se trouvait bien en état de cessation des paiements.
Par jugement contradictoire du 30 mai 2017, le Tribunal de commerce de BOURGES a :
. constaté l'état de cessation des paiements,
. prononcé la liquidation judiciaire,
. fixé la date de cessation des paiements au 30 mai 2017,
. désigné la SCP Y. comme liquidateur judiciaire,
. porté les dépens en frais de liquidation.
Monsieur X a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue le 6 juillet 2017 et enregistrée le lendemain.
Suivant écritures transmises le 6 octobre 2017 visant les articles L. 661-1 alinéa 2 (en fait 631-1 alinéa 2) et L. 640-1 du Code du commerce et la jurisprudence, il demande à la Cour d'infirmer cette décision et d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire et de renvoyer le dossier devant le Tribunal de commerce de BOURGES, de statuer ce que de droit quant aux dépens.
Il conclut à la recevabilité de l'appel formé dans le délai de dix jours imparti par l'article R. 661-3 du Code du commerce. Il soutient, en substance, que comme l'a décidé le 04 mai dernier la chambre commerciale de la Cour de cassation, la cessation d'activité n'interdit pas de prononcer un redressement judiciaire, qu'il lui est possible de présenter un plan contrairement à ce qu'a pu décider le Tribunal de commerce, que la Cour doit donc réformer la décision et ainsi que le permet l'article R. 640-2 du Code du commerce, ouvrir la procédure de redressement judiciaire et renvoyer le dossier devant le Tribunal qui désignera les organes de la procédure et statuera sur la proposition de plan qu'il lui présentera.
Le 09 octobre 2017, le R.S.I. CENTRE VAL DE LOIRE conclut à l'irrecevabilité de l'appel certainement trop tardif ainsi qu'à la confirmation de la décision vu l'importance de la dette et l'absence de toutes propositions sérieuses d'apurement.
Il rappelle que Monsieur X n'a jamais acquitté la moindre cotisation et qu'il lui a été décerné de nombreuses contraintes sans qu'il ne réagisse, que plusieurs procédures d'exécution forcée ont été diligentées sans résultat, que l'état de cessation des paiements est flagrant et qu'il n'existe aucune possibilité de redressement.
Il précise n'avoir reçu les justificatifs de revenus 2015 à 2017 que le 09 mai 2017 et pu régulariser sur cette base le dossier ce dont il résulte que Monsieur X lui doit, hors frais de recouvrement, 11 883 euros. Il rappelle avoir tenté, en pure perte, de recouvrer sa créance et insiste sur l'impossibilité d'établir un plan en raison de la totale insolvabilité du débiteur qui doit également au Trésor public.
Vu le caractère dilatoire de l'appel, il réclame la condamnation de Monsieur X à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2017.
A l'audience du 18 octobre 2017, le Ministère public s'est prononcé en faveur de la recevabilité de l'appel et s'en est rapporté à droit quant au fond.
La SCP Y n'a pas constitué avocat.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'article R. 661-3 du Code du commerce impartit un délai de dix jours pour relever appel des décisions prononçant l'ouverture d'une procédure collective ;
Qu'en l'espèce, Monsieur X a produit l'acte de signification délivré le 5 juillet 2017 par Auxilia conseils 18, huissier de justice à BOURGES qui vise expressément le jugement du Tribunal de commerce de Bourges en date du 30 mai 2017 prononçant la liquidation judiciaire ; que comme le démontrent la déclaration d'appel figurant au dossier de la Cour et sa signification au RSI Centre Val de Loire, l'appel a été régularisé le lendemain donc en temps utile ;
Qu'il s'en suit que l'appel formé dans le délai et les formes requises est recevable ;
Sur le fond
Attendu que Monsieur X se trouve, ce qu'il ne conteste pas, en état de cessation des paiements ; qu'il ne justifie disposer d'aucun actif ; qu'au vu des pièces produites par le RSI Val de Loire, il est redevable après nouveau calcul non pas de 32 536,98 euros comme initialement visé mais de 11 883 euros dont 4 425 euros repris de contraintes régulièrement signifiées ; que ce passif qui provient de l'activité professionnelle, est exigible ;
Qu'il n'exerce plus son activité de plaquiste, peintre électricien, plombier depuis mars 2017 et a procédé à sa radiation du registre des métiers ;
Attendu que conformément aux dispositions de l'article L. 631-1 alinéa 2 du Code du commerce pris dans sa rédaction applicable en l'espèce soit celle de la Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, la cessation d'activité d'une personne physique ne fait pas obstacle à l'adoption d'un plan de redressement ayant pour objet l'apurement de son passif ; qu'il s'en suit que la procédure de redressement judiciaire peut être ouverte uniquement dans ce but, les objectifs énumérés par l'article L. 631-1, alinéa 2 précité (poursuite de l'activité de l'entreprise, maintien de l'emploi, apurement du passif) n'étant pas cumulatifs ; qu'en revanche, l'apurement étalé des dettes doit être plausible ce qui impose au débiteur de justifier dès ce stade du sérieux de sa demande ;
Qu'en l'espèce, Monsieur X se borne à annoncer des propositions de règlement sans pour autant fournir de précisions sur leurs modalités concrètes ni d'information sur sa situation professionnelle voire patrimoniale ; que les voies d'exécution forcées (notamment saisie vente) tentées par le créancier ont, toutes, échoué, en raison de l'insolvabilité du débiteur qui ne justifie pas d'une amélioration de cet état ; que dès lors, son redressement est manifestement impossible ce qui justifie l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire conformément à l'article L. 640-1 du Code du commerce dont les conditions se trouvent réunies ;
Que le jugement doit donc être confirmé ;
Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens
Attendu que même si Monsieur X succombe et pour ce motif doit supporter les dépens d'appel , il n'apparaît pas inéquitable d'abandonner au RSI Centre Val de Loire ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déclare recevable l'appel formé par Monsieur X ;
Confirme le jugement rendu le 30 mai 2017 par le Tribunal de commerce de BOURGES ;
Déboute le RSI de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X aux dépens d'appel.