CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 21 janvier 2014, n° 12/04976
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chaudronnerie Mécanique Ariégeoise (SA)
Défendeur :
Selarl Brenac et Associés (ès qual.), Sofal Nemoneh Pars (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Legras
Avocats :
Me Cerri, Me Castex, Me de Lamy, Me Hutin
Par jugement du tribunal de commerce de FOIX du 27 juin 2010 la SA CHAUDRONNERIE MECANIQUE ARIEGEOISE, à LAVELANET (09), a été placée sous procédure de sauvegarde, la SELARL BRENAC étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
La société de droit iranien ADJOR SOFAL NEMONEH PARS, ayant son siège à TEHERAN (IRAN), a les 12 août et 3 septembre 2010 déclaré sa créance pour un montant de 2.274.147,67€ à titre chirographaire.
La créance faisant l'objet de contestation le juge commissaire était saisi qui, par une ordonnance du 4 octobre 2012, a admis la créance pour la somme de 1.930.626,75€ à titre chirographaire.
La SA CHAUDRONNERIE MECANIQUE ARIEGEOISE (CMA) a interjeté appel de cette ordonnance le 8 octobre 2012. Elle a conclu au fond en dernier lieu le 23 octobre 2013 à titre principal à la nullité de l'ordonnance, subsidiairement au débouté de la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS de sa demande d'admission de créance, plus subsidiairement au rejet de la créance du fait de son imprécision et, en cas d'admission de la créance, à ce que les sommes versées au titre des saisies conservatoires converties en saisies attribution payées après l'ouverture de la sauvegarde y soient intégrées comme entrant dans le cadre de l'exécution du plan comme paiement par anticipation. Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS qui ne relève pas de la compétence du juge commissaire et demande sa condamnation à lui payer 10.000€ de dommages-intérêts pour atteinte à son honorabilité et demande abusive en cause d'appel et 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir en substance:
que l'ordonnance est nulle du fait de l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'ordonnance du juge commissaire du 15 décembre 2011 qui a déclaré irrecevable la requête en admission de la créance n°60 et qui n'a pas fait l'objet de recours;
que cette société ne justifie pas de son existence juridique par un extrait du registre du commerce et des sociétés de l'état iranien, de ses statuts et du nom et de la qualité de son représentant pour mandater M°HUTIN pour agir en justice, le mandat ad litem de l'avocat ne couvrant pas les irrégularités sur l'existence de la société ni le défaut de pouvoir d'agir en justice;
que les noms des membres du conseil d'administration ne correspondent pas aux personnes ayant conféré mandat ad litem à M°HUTIN;
que les documents produits en justification n'ont pas fait l'objet de traduction par un traducteur assermenté;
que la société n'a pu être identifiée après recherche par la chambre de commerce de FOIX en collaboration avec la chambre franco-iranienne;
que sur les statuts tels que produits un alinéa a été surchargé et les lignes se superposent, faisant douter de leur véracité;
que la régularité des statuts, des pouvoirs du conseil d'administration et de ceux donnés à M°HUTIN doit être établie au regard de la loi du siège social, en l'occurrence la loi iranienne.
que les dirigeants tels qu'indiqués dans les pièces adverses 31 et 36 ne sont pas les mêmes que ceux ayant donné pouvoir à M°HUTIN pour agir en justice, la déclaration de créance étant irrecevable et la régularisation étant impossible dès lors que les délais de déclaration sont expirés
que la déclaration de créance ne comporte pas de justificatifs et la créance est indéterminée alors que le taux de change fixant son montant en dollars n'est pas fixé et que le taux de change permettant la conversion n'est pas indiqué
La société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS (ASNP), intimée et appelante incidente, a conclu récapitulativement le 18 novembre 2013 à l'irrecevabilité comme nouvelle de la demande de nullité de l'ordonnance fondée sur l'incompétence du juge commissaire et sur l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du 15 décembre 2011 et à la confirmation de l'ordonnance. Reconventionnellement elle demande d'ordonner l'extension de la procédure de sauvegarde de la SA CMA à la SCI CMA, à la société CONSTRUCTION MONTAGE ASSEMBLIERS et à la société holding CMA ou à défaut la nomination de tel expert aux fins de rechercher la réalité d'une confusion de patrimoine. Elle demande la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 289.594€ de dommages-intérêts et celle de 25.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle répond pour l'essentiel:
que sa créance est fondée sur une sentence arbitrale rendue le 14 août 2009 par la Cour Internationale d'Arbitrage qui a condamné la SA CMA à lui payer les sommes de 2.111.925,74€, 96.541,33€ et 57.000 US $, rendue exécutoire, revêtue de l'exequatur et validée par un arrêt de la cour d'appel de PARIS du 3 juin 2010 ayant donné lieu à saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la SA CMA et sur ses matériels, machines et outillages;
que par une première ordonnance du 15 septembre 2011 le juge commissaire a rejeté non la créance mais la requête aux fins d'admission dès lors que le débat sur l'admission était ouvert par la déclaration de créance, et par une seconde ordonnance du même jour il a rouvert les débats sur l'admission de la créance dans l'attente des décisions sur les recours contre la sentence arbitrale et les saisies conservatoires, la décision d'admission ayant fait l'objet de l'ordonnance dont appel; il ne peut donc être opposé une autorité de chose jugée;
qu'elle a démontré son existence en produisant tous documents officiels traduits en français par le traducteur assermenté de l'ambassade de France en Iran et elle observe que la requérante ne s'était jamais souciée jusque là de cette question, tant au moment de l'exécution du contrat que des procédures arbitrale et judiciaires précédentes;
que sa créance est indiscutable dans son fondement et dans son quantum, elle a été régulièrement déclarée avec toutes justifications par son avocat au cabinet duquel elle a élu domicile; il n'y a pas lieu de tenir compte de son intégration au plan de sauvegarde;
que la SA CMA a organisé son insolvabilité en suscitant la création d'autres sociétés destinées à recevoir ses actifs, ce qui justifie la demande d'extension de la procédure de sauvegarde et elle a manifesté une résistance abusive à l'exécution d'une décision de justice définitive en multipliant les procédures, les conséquences préjudiciables du défaut de paiement étant considérables, ce qui justifie la demande en dommages-intérêts.
Par ordonnance du 13 juin 2013 la SA CHAUDRONNERIE MECANIQUE ARIEGEOISE, ayant saisi le magistrat chargé de la mise en état d'une requête aux fins de voir déclarer nulle la déclaration de créance pour défaut de qualité à agir, en a été déboutée cette demande relevant de l'appréciation de la cour au fond.
La clôture est intervenue le 18 novembre 2013.
La SELARL BRENAC a fait l'objet d'une assignation le 21 janvier 2013. Elle a fait savoir qu'elle s'en remettait à justice faute de fonds.
Le ministère public a eu communication de la procédure le 26 octobre 2012.
MOTIFS ET DECISION
Sur la nullité prétendue de l'ordonnance :
La SA CMA soulève en cause d'appel le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance sur le fondement de la chose jugée, s'agissant d'une fin de non recevoir qui peut être opposée en tout état de cause.
La société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS ayant déclaré sa créance les 12 août et 3 septembre 2010 et M°BRENAC ès qualités ayant fait connaître sa contestation par courrier du 4 octobre 2010 auquel ADJOR SOFAL NEMONEH PARS devait répondre le 25 octobre 2010 le juge commissaire était saisi par cette dernière par une requête du 24 mai 2011 aux fins de lui « dire le sort réservé à sa créance déclarée et statuer, si tel n'était pas encore le cas, sur son admission (...) ».
Par une première ordonnance du 29 septembre 2011 le juge commissaire rejetait cette requête, considérant en fait que, le greffe ayant déjà convoqué la requérante, le débiteur et le mandataire judiciaire à l'audience de ce jour aux fins de statuer sur le sort de la créance de la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS, cette requête était « hors droit ».
Par une autre ordonnance du même jour, statuant toujours sur la même créance (n°60), il ordonnait la réouverture des débats et enjoignait aux parties d'apporter tous justificatifs sur le caractère définitif de la décision arbitrale et des saisies conservatoires.
Il n'y avait ainsi aucune autorité de chose jugée sur l'admission de la créance n°60 lorsque le juge commissaire a statué par son ordonnance dont appel et il était par ailleurs parfaitement compétent pour se prononcer sur l'admission ou le rejet de la créance.
Sur la déclaration de créance :
La créance n°60 a été déclarée par M°HUTIN, avocat de la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS disposant d'un pouvoir ad litem conféré le 1er septembre 2009 par Mme Fatemeh (ou Fanny) ADIBI, présidente du conseil d'administration de ASNP, et par M.Hamdollah (ou Henri) ADIBI, président directeur général.
Les qualités respectives de ceux-ci ressortent en effet de la déclaration des décisions de la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS en date du 22 mai 1390 (juillet 2011) qui précise en outre que tous les documents engageant la société sont valables avec la seule signature du directeur général ou celle du président du conseil d'administration timbrés du sceau de la société.
Par ailleurs la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS a justifié de son existence légale (numéro d'immatriculation au RCS et numéro national d'identité) par la production de documents traduits par un traducteur assermenté auprès du pouvoir judiciaire iranien. Ses statuts traduits ont également été produits qui disposent que la société est administrée par le conseil d'administration lequel représente la société devant les juridictions et désigne les personnes ayant qualité pour signer.
Sur le caractère indéterminé de la créance :
La créance de la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS résulte de la sentence arbitrale rendue le 14 août 2009 par la Cour Internationale d'Arbitrage qui a condamné la SA CMA à payer à celle-ci les sommes de 2.111.925;74€, 96.541,33€ et 57.000 US $, décision rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS du 29 septembre 2009, revêtue de l'exequatur et validée par un arrêt de la cour d'appel de PARIS du 3 juin 2010 devenu définitif.
Cette créance a été déclarée à la SELARL BRENAC le 12 août 2010, distinguant les créances en euros et celle fixée en dollars US, puis le 3 septembre 2010 en précisant la contre-valeur en euros de la somme de 57.000 US $, le taux de change appliqué étant celui en vigueur lors de la déclaration.
Il en a été suffisamment justifié, son montant est définitivement arrêté et la conversion en euros n'est pas utilement contestée.
D'autre part le premier juge a, constatant qu'il était justifié des saisies conservatoires pratiquées par la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS pour les sommes de 281.853,54€, 56.118,38€ et 5.549€, déduit ces sommes du montant de la créance déclarée et l'intimée conclut à la confirmation de l'ordonnance.
Sur les demandes reconventionnelles :
La procédure de vérification et d'admission des créances ne tend qu'à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance déclarée.
En dehors du cas d'un appel abusif, qui n'est pas démontré, la demande en condamnation du débiteur en dommages-intérêts pour des agissements postérieurs à l'ouverture de la procédure collective ne relève pas de la compétence du juge commissaire, la demande concernant des agissements antérieurs relevant du régime de la déclaration.
Le juge commissaire, et par suite la cour, n'est pas non plus compétent en matière d'extension d'une procédure collective sur le fondement de l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce.
En conséquence l'ordonnance déférée sera confirmée, l'intimée étant déboutée de ses demandes reconventionnelles.
Il sera fait droit à hauteur de 3.500€ à la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de l'intimée.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME l'ordonnance ;
DEBOUTE la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS de ses demandes reconventionnelle s;
CONDAMNE la SA CHAUDRONNERIE MECANIQUE ARIEGEOISE à payer à la société ADJOR SOFAL NEMONEH PARS la somme de 3.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SA CHAUDRONNERIE MECANIQUE ARIEGEOISE aux dépens.