CA Rouen, ch. civ. et com., 3 décembre 2020, n° 20/01064
ROUEN
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brylinski
Conseillers :
Mme Mantion, M. Chazalette
FAITS ET PROCEDURE
M. X exerce l'activité d'infirmer libéral depuis le 1er avril 2005 à Vernon ; il a rencontré des difficultés financières qu'il attribue notamment au fait qu'il négligeait de procéder aux télétransmissions nécessaires pour obtenir règlement de ses soins par la CPAM.
Le tribunal de grande instance d'Evreux par jugement rendu le 12 avril 2018, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard ; par jugement successifs la prolongation de son activité a été ordonnée afin de lui permettre de procéder à l'apurement du passif ou de présenter un plan de redressement.
Maître Z., par acte signifié le 19 décembre 2019, a fait assigner M. X aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'activité et prononcer la liquidation judiciaire de M. X avec une autorisation de poursuite d'activité de 3 mois afin de lui permettre de solder le passif.
Le tribunal judiciaire d'Evreux, par jugement rendu le 18 février 2020, a notamment :
- mis fin à la période d'observation ;
- prononcé la liquidation judiciaire à l'encontre de M. X ;
- autorisé la continuité de l'activité jusqu'au 18 mai 2020 ;
- nommé Me Maud Z. en qualité de liquidateur ;
- fixé à 24 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée.
M. X a interjeté appel et aux termes de ses dernières écritures en date du 23 juin 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles L. 631-15, L. 641-10 et R. 641-18 du code de commerce, des ordonnances n° 2020-304 et n° 2020-306 du 25 mars 2020, de :
- le recevoir et le déclarer bien fondé en son appel et, y faisant droit,
- annuler le jugement entrepris ;
- renvoyer les parties à mieux de pourvoir,
Subsidiairement,
- constater que M. X est en mesure de régler une partie de son passif et de faire un plan de continuation pour le solde ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Maître Z. ès qualités, qui a reçu signification de la déclaration d'appel, du calendrier de procédure à bref délai et des conclusions d'appel par acte signifié à domicile n'a pas comparu, mais a communiqué et produit un rapport de la situation de M. X.
L'ordre national des infirmiers, qui a reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions par acte délivré autrement qu'à personne n'a pas comparu.
Le ministère public a requis la confirmation du jugement entrepris.
DISCUSSION
M. X, pour solliciter l'annulation du jugement, sous le visa de l'article 54 du code de procédure civile modifiée par le décret du 11 décembre 2019 fait valoir que l'assignation est nulle car elle l'invite à comparaître devant le tribunal de grande instance, juridiction qui n'existe plus, ce qui lui a nécessairement causé un grief.
Par l'assignation délivrée le 19 décembre 2019, M. X été appelé à comparaître devant le tribunal de grande instance d'Evreux, à l'audience du 13 janvier 2020 à 9 h 30.
A compter du 1er janvier 2020 le tribunal de grande instance a certes cessé d'exister.
Mais le tribunal judiciaire a pris sa suite à la même adresse, avec la même compétence d'attribution pour connaître des procédures de sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire lorsque le débiteur n'exerce ni une activité commerciale ni une activité artisanale.
Les modalités de comparution devant le tribunal judiciaire, en matière de procédures collectives, sont les mêmes que devant l'ancien tribunal de grande instance, puisque la rédaction de l'article R.662-2 du code de commerce n'a pas été modifiée, qui pour le procédures collectives renvoie à l'article 853 du code de procédure civile, lequel prévoyait, pour les procédures antérieures au 1er janvier 2020, que devant le tribunal de commerce les parties se défendent elles-mêmes et peuvent se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.
A l'audience du 13 janvier 2020 M. X était représentée par son conseil qui a sollicité le renvoi en raison d'un mouvement de grève des avocats ; à l'audience de renvoi du 10 février 2020 M. X était comparant en personne et assisté de son conseil qui a été en mesure de présenter sa défense.
Dès lors M. X ne justifie d'aucun grief qui pourrait résulter de l'irrégularité qu'il invoque, laquelle ne pourrait être sanctionnée que par une nullité de forme.
M. X, sous le visa de l'article L. 621-1 alinéa 2 du code de commerce, fait valoir que lors de l'audience, il n'a pas été vérifié que l'ordre national des infirmiers a été convoqué pour l'audience du 13 janvier 2020 ou même, était présent, pour en déduire que l'assignation et par conséquent le jugement rendu le 18 février 2020 sont nuls et de nul effet.
L'article L. 621-1 alinéa 2 dispose en son alinéa 2 que lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé, dans les mêmes conditions, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève.
Mais il doit être observé que les dispositions de l'article L. 621-1 du code de commerce relatives à la convocation et à l'audition de l'ordre professionnel dont relève le débiteur qui exerce une profession libérale ne s'appliquent qu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire, et non à son prononcé au cours de la période d'observation ; par ailleurs l'absence d'audition ou de convocation de l'ordre professionnel, si elle peut entraîner la nullité du jugement, n'affecte en rien la saisine du tribunal, de sorte qu'en tout état de cause la cour étant saisie par l'effet dévolutif de l'appel doit statuer au fond sur la liquidation judiciaire.
M. X sera en conséquence débouté de sa demande de nullité du jugement.
Pour s'opposer au prononcé de la liquidation judiciaire, M. X indique que le passif antérieur est de 161.431,99 € et le passif postérieur à l'ouverture est de 30.337€.
Il fait valoir que devant le tribunal lors de l'audience et par l'intermédiaire de son conseil, il avait indiqué qu'il allait percevoir un capital conséquent de l'ordre de 120.000 € lui permettant de combler son passif au printemps 2020 ; que cet apport lui permettrait de régler les dettes postérieures à l'ouverture pour environ 30.000 € et le passif antérieur à hauteur de 89.663 € ; que le solde de 71.000€, pourrait faire l'objet d'un plan sur 5 ans soit 14.353,60 € soit 1.196 €/mois.
Il indique que la CPAM lui verse des sommes importantes au titre de la régularisation des actes déposés, qu'il est plus assidu dans la transmission des demandes auprès de la CPAM et n'a donc pas généré de nouvelles dettes, et qu'il vient conformément à ses indications, de régler le montant de son passif entre les mains de Maître Z.
Mais la seule pièce produite aux débats par M. X est une attestation d'un généalogiste, datée du 6 férier 2020, indiquant qu'il est habile à se porter héritier de son père pour 1/4 du patrimoine composé principalement d'un bien immobilier à Bourg la Reine dont la vente est en cours en suite d'un compromis signé pour un prix de 1 050 000 € net vendeur, la réalisation par acte authentique étant prévue courant avril 2020 à la suite duquel la somme d'environ 120 000 € net reviendra à M. X.
Il ne produit aucun justificatif de sa situation actuelle, de l'état des remboursements qu'il aurait pu recevoir au titre d'une régularisation d'arriéré de la part de la CPAM, aucun justificatif des revenus courants actuellement perçus de son activité, aucune proposition concrète de modalités d'apurement du passif, serait-ce même de celui qui resterait après versement annoncé de la somme de 120 000 €, ni à plus forte raison de leur faisabilité.
En parallèle, Maître Z. a déposé un rapport de l'état de la mission dont elle a la charge, régulièrement communiqué le 13 juillet 2020 et qui ne fait l'objet d'aucune critique.
Elle y rappelle que postérieurement au jugement dont appel et par l'effet des ordonnances n°2020-341 du 27 mars 2020 et n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l'épidémie de Covid 19, la poursuite d'activité s'est prolongée automatiquement pour une durée de 3 mois expirant le 18 août 2020.
Elle souligne que la période d'observation a déjà été prolongée exceptionnellement jusqu'à 18 mois ce qui ne permet plus de présenter un plan de redressement par voie de continuation à circulariser entre les créanciers, que M. X a présenté seulement le 4 octobre 2019 un projet de plan non conforme dont les échéances ne correspondaient pas au montant du passif admis, et sans être accompagné d'aucun élément comptable.
Elle confirme que le passif admis s'élève à la somme de 161 431,69 €, indique justificatif à l'appui que le nouveau passif créé auprès de l'URSSAF s'élevait au 16 mars 2020 à la somme de 34 211 €.
Elle produit les lettres adressées par la CPAM postérieurement au jugement d'ouverture, faisant suite à des opérations de contrôle de facturations, qui notifient à M. X des demandes de remboursement d'indus en raison de facturations irrégulières sur diverses périodes pour un montant total de 60 875,99 €, et de paiement d'une pénalité financière de 9 000 € par application des dispositions des articles L.114-17-1 et R.147-2 du code de la sécurité sociale.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement doit être confirmé, en toutes ses dispositions.
M. X supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut
Déboute M. X de sa demande de nullité du jugement le 18 février 2020 par le tribunal judiciaire d'Evreux ;
Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne M. X aux dépens d'appel.