Cass. com., 8 avril 2015, n° 14-10.676
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Blondel, SCP Gaschignard, SCP de Nervo et Poupet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 décembre 2013), que M. X, désigné en qualité d'administrateur provisoire de la société d'expertise comptable KFG audit et conseils (la société KFG), a déclaré la cessation des paiements de celle-ci ; que, le 27 avril 2012, le tribunal a ouvert la procédure de liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société KFG fait grief à l'arrêt, après annulation du jugement du 27 avril 2012, d'ouvrir à nouveau une procédure de liquidation judiciaire à son égard alors, selon le moyen, que nonobstant l'article R. 640-2 du code de commerce, qui prévoit que la cour d'appel qui annule un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire peut d'office ouvrir à son tour une telle procédure, le droit à un tribunal impartial, en ce qu'il commande une stricte séparation des autorités de poursuite et de jugement, s'oppose à ce que ce soient les mêmes juges qui, au cours d'une même instance, se saisissent d'office aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et prononcent la liquidation judiciaire (rappr. Conseil constitutionnel, décision n° 2013-368 du 7 mars 2014) ; qu'en l'espèce, aucune des parties à l'instance d'appel ne sollicitait, en cas d'annulation du jugement, l'ouverture d'une nouvelle procédure de liquidation judiciaire, étant du reste observé que ni l'ancien administrateur provisoire de la société KFG, ni le mandataire liquidateur désigné par le jugement annulé n'eurent d'ailleurs eu qualité pour conclure en ce sens ; qu'il s'ensuit que la procédure de liquidation judiciaire ouverte par l'arrêt attaqué n'a pu l'être que sur saisine d'office de la cour d'appel, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a méconnu son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que s'il ne résulte ni du jugement du 27 avril 2012, ni des pièces produites que le tribunal ait entendu ou appelé le représentant de l'Ordre des experts-comptables conformément à l'article L. 621-1 du code de commerce, avant de prononcer la liquidation judiciaire de la société KFG, cette irrégularité affecte non l'acte de saisine de la juridiction mais la régularité de la procédure de première instance tandis qu'aucun texte ne fait obligation à la cour d'appel de se décider au vu de l'avis du représentant de cet Ordre, l'arrêt en déduit que l'absence de cette formalité doit entraîner la nullité du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui était saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, a pu, sans méconnaître le principe d'impartialité garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ouvrir elle-même la liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l'article R. 640-2, alinéa 1er, du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société KFG fait grief à l'arrêt d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son égard alors, selon le moyen, que c'est au jour où elle statue qu'une cour d'appel, saisie de l'appel d'un jugement ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire, doit apprécier si le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se borne, d'une part, à faire ressortir l'état de cessation des paiements à la date du jugement entrepris et, d'autre part, à constater qu'au jour où elle statue, le passif déclaré s'élève à 861 039,04 euros cependant la valeur de réalisation des actifs serait dérisoire, ce qui ne constitue nullement une comparaison du seul passif exigible avec l'actif disponible ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements au moment où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'au jour où elle statuait, le passif déclaré de la société KFG s'élevait à la somme de 861 039,04 euros, tandis qu'elle avait perdu une grande partie de sa clientèle et que la valeur de réalisation de ses actifs était dérisoire, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'état de cessation des paiements de cette société, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.