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Décisions

Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-12.996

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

Me Balat, SCP Rousseau et Tapie

Aix-en-Provence, du 21 juin 2018

21 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018 rectifié le 12 juillet 2018), la société Mar Ca, dont les parts sont détenues à égalité par les membres des familles C et I et dont M C était le gérant, a, le 16 mars 2010, fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, qui a été convertie en redressement judiciaire le 17 mai 2011.

2. Le 11 octobre 2011, le tribunal a arrêté un plan de cession au profit de M. G I, qui s'est substitué une société. Le jugement a été confirmé le 1er mars 2012 et l'acte de cession a été signé le 5 avril 2012. La société Mar Ca a été mise en liquidation judiciaire le 10 juillet suivant, M. N étant désigné en qualité de liquidateur.

3. Le 21 août 2012, W C, ès qualités, a demandé l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV, du code de commerce, d'une créance résultant d'une inscription en compte courant d'associé après le jugement arrêtant le plan, dont le montant correspondait au paiement, sur son compte bancaire personnel, de factures d'honoraires de professionnels qu'il avait sollicités dans le cadre de l'activité de la société. Le liquidateur a refusé d'inscrire la créance.

4. Après le décès de M C, le 21 mai 2013, Mmes S et S C et Mme R X, ses héritières (les consorts C) ont contesté la liste des créances devant le juge-commissaire, qui a rejeté la contestation. Devant le tribunal saisi du recours des consorts C, MM. Y et G et Mme S I, co-associés (les consorts I), sont intervenus volontairement à l'instance. Leur intervention volontaire a été déclarée recevable.

Examen des moyens uniques du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par Mme S C, rédigés en des termes identiques, réunis

Sur les moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par les consorts I

Enoncé du moyen

4. Les consorts I font grief à l'arrêt d'ordonner l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV, du code de commerce des créances réglées par M C au titre des honoraires d'avocat à hauteur de 41 720,80 euros, alors :

« 1°) que seules sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ; que la créance née en méconnaissance des pouvoirs de l'administrateur judiciaire n'est pas née régulièrement ; qu'en se bornant à énoncer que les créances d'honoraires d'avocat engagées pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel, la procédure en référé suspension devant le premier président pour éviter l'exécution du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I devant le tribunal de commerce de Cannes pour qu'il soit ordonné au gérant de la société Mar Ca de signer le procès-verbal de prise de possession et de l'autoriser à défaut à prendre possession du fonds, étaient des "créances utiles nées pour le besoin de la procédure" et non disproportionnées, circonstance inopérante pour caractériser en quoi ces créances étaient nées régulièrement, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée par les consorts I, si l'engagement de ces dépenses par M. C sans l'accord explicite ou implicite de M. P, administrateur judiciaire, et même contre son avis et celui du juge-commissaire, ne s'opposait pas à leur inscription sur la liste des créances de l'article L. 641-13 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article L. 622-17 du même code ;

2°) que ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure les dépenses en honoraires d'avocat ayant pour objet de s'opposer à la cession de la société au profit de l'auteur de l'offre la mieux-disante, engagées par l'auteur de la seule autre offre rejetée par le tribunal, de contester la mise en oeuvre du plan de cession et l'entrée en possession du cessionnaire ; qu'en retenant que les honoraires d'avocat engagés par M C pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel du jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession au profit des consorts I, la procédure en référé suspension devant le premier président du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I devant le tribunal de commerce de Cannes pour être autorisé à prendre possession du fonds et les honoraires de l'avoué devant la cour d'appel, étaient utiles et que ces créances étaient nées pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce ;

3°/ qu'en retenant que les créances d'un montant de 41 262 euros n'étaient pas "disproportionnées" du seul fait que la société Mar Ca n'avait pas obtenu satisfaction, sans s'interroger sur l'importance de ces dépenses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, l'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement.

6. L'arrêt relève que c'est en vertu du droit propre de la société débitrice que son gérant a interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession, a agi en référé pour arrêter l'exécution provisoire et a défendu à l'action en référé engagée par le cessionnaire de l'entreprise pour entrer en possession de celle-ci. La cour d'appel a ainsi fait ressortir que les honoraires réclamés par l'avocat, dans le cadre de ces actions, étaient des créances nées régulièrement.

7. D'autre part, l'arrêt relève que les procédures conduites par l'avocat étaient en lien avec l'adoption du plan de cession, que les recours et le suivi des procédures ont permis de consolider et de sécuriser, eu égard aux craintes qui pouvaient naître sur la pérennité de l'entreprise et la préservation de l'emploi, du fait de la personnalité du repreneur, ex-salarié licencié et ex-concubin d'une fille du gérant. La cour d'appel a pu en déduire que la créance d'honoraires était née pour les besoins du déroulement de la procédure.

8. Enfin, la cour d'appel, qui a indiqué précisément le montant des honoraires correspondant à chacune des procédures menées par la société débitrice dans l'exercice de ses droits propres, a souverainement apprécié le caractère proportionné de la créance et sa conformité aux besoins de la procédure.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.