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Décisions

Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-14.388

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Gadiou et Chevallier, SCP Spinosi et Sureau

Aix-en-Provence, 2e ch., du 15 nov. 2018…

15 novembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, RG : n° 18/06787) et les productions, la société [] est propriétaire de droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble sis à []. En 2008, dans le cadre de son activité de gestion, d'administration et d'exploitation de cet immeuble, elle a acquis de son associé unique, M. O un appartement qu'elle a loué, sous le régime des locations de logement meublé, à l'épouse de cet associé, Mme O, à compter 1er décembre 2014, pour une durée d'un an, moyennant un loyer mensuel de 1 100 euros, charges incluses. Ce bail a été reconduit tacitement depuis lors.

2. Un jugement du tribunal de commerce de Grasse, rendu le 22 février 2017, a étendu à la société [] la liquidation judiciaire ouverte le 9 novembre 2015 contre de la société Nouvelle vignette haute, la société JSA étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Estimant qu'il était nécessaire de procéder à la réalisation d'actifs de la société [] non grevés de baux manifestement anormaux selon lui, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à obtenir la résiliation du bail conclu avec Mme O, sur le fondement de l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce. Le juge-commissaire ayant accueilli cette demande, Mme O a formé un recours contre son ordonnance et demandé le rejet de la demande de résiliation du liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme O fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail d'habitation la liant à la société [], alors que « les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prévoient un certain nombre de garanties relatives à la résiliation du bail d'habitation, permettant de garantir les droits du locataire, notamment un délai de préavis de trois mois à compter de la notification du congé, lequel doit être motivé ; qu'en écartant cette loi au motif que les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, relatives à la procédure de liquidation judiciaire, sont dérogatoires du droit commun, pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé la résiliation du bail d'habitation conclu entre la société [] et Mme O, la cour d'appel a violé l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 25-3 de cette loi, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 et l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le bailleur entend résilier un bail portant sur un logement meublé relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de trois mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement. Le second de ces textes n'excluant pas l'application du premier en cas de liquidation judiciaire, il s'ensuit que, lorsque le bailleur est mis en liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions du premier texte.

7. Pour prononcer la résiliation du bail consenti à Mme O par la société débitrice, l'arrêt retient que, les dispositions de l'article L. 641-11-1, IV du code du commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exception expressément mentionnées, céder devant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la juridiction compétente était le tribunal de commerce de Grasse, l'arrêt n° RG : 18/06787 rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.