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Décisions

Cass. com., 23 septembre 2020, n° 18-23.221

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Banque populaire Alsace Lorraine Champagne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Graff-Daudret

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Nancy, du 25 juill. 2018

25 juillet 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 25 juillet 2018), par des actes du 30 mars 2011, M. et Mme U se sont rendus cautions d'un prêt consenti à la société Chery Buro (la société) par la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque).

2. La société ayant été mise en redressement puis, après résolution d'un plan, en liquidation judiciaire, respectivement les 18 juillet 2013 et 2 juillet 2015, la banque a assigné en paiement les cautions qui, reconventionnellement, ont recherché sa responsabilité pour rupture abusive de crédit.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme U font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes reconventionnelles et de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 94 436,29 euros au titre de leur engagement de caution, outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2014 alors « que la responsabilité de la banque à l'égard de la caution pour l'octroi abusif de concours à un débiteur qui fait l'objet d'une procédure collective est régie par l'article L. 650-1 du code de commerce qui n'ouvre droit à réparation qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis étaient eux-mêmes fautifs ; que ce texte est inapplicable aux actions en responsabilité fondée sur une réduction ou retrait abusif de ses concours par l'établissement de crédit ; qu'en affirmant, pour débouter les cautions de leur demande de dommages-intérêts formée contre la BPALC pour rupture abusive de son autorisation de découvert à hauteur de 50 000 euros au profit de la SARL Chery Buro, ramenée brutalement et sans préavis à 30 000 euros, qu'aucune des conditions alternatives de l'article L. 650-1 du code de commerce n'étaient pas remplies en l'espèce, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 650-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :

4. Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

5. Pour rejeter la demande reconventionnelle de M. et Mme U, l'arrêt retient que si ces derniers déplorent le fait qu'après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque l'a brutalement révoqué, en décidant de ramener l'autorisation de découvert qu'elle avait accordée à sa cliente, de 50 000 à 30 000 euros, force est de constater qu'ils n'établissent pas l'existence de l'une des trois causes de mise en jeu éventuelle de la responsabilité de la banque, énoncées par l'article L. 650-1 du code de commerce.

6. En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy.