Cass. com., 17 mars 1998, n° 95-10.931
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Caisse de Crédit mutuel de Baugé (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Peignot et Garreau
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la caisse de Crédit mutuel de Baugé que sur le pourvoi incident relevé par Mme X..., épouse Z... :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Angers, 10 novembre 1994), qu'après avoir prononcé, le 15 mai 1992, la liquidation judiciaire de M. Z..., le Tribunal, statuant sur la demande de Mme X..., épouse de M. Z..., a, par un jugement du 19 février 1993, ouvert la liquidation judiciaire de celle-ci; que la cour d'appel a confirmé le jugement qui a déclaré recevable mais non fondée la tierce opposition formée contre cette décision par un créancier, la caisse de Crédit mutuel de Baugé (la Caisse) ;
Sur la régularité de la procédure de cassation contestée par Mme Z... :
Attendu que Mme Z... soutient que la procédure devant la Cour de Cassation est irrégulière au motif que le Tribunal ayant prononcé le 24 juin 1994 la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif, le mémoire en demande devait lui être signifié personnellement dès lors qu'elle n'était plus représentée par le liquidateur judiciaire dont la mission avait cessé ;
Mais attendu que la Caisse a fait procéder dans le délai légal à une tentative de signification du mémoire en demande à Mme Z... qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de recherches infructueuses; d'où il suit que le grief manque en fait ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que Mme Z... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par la Caisse alors, selon le pourvoi, que la tierce opposition dont une décision peut faire l'objet doit, conformément à l'article 156 du décret du 27 décembre 1985, être formée dans le délai de dix jours à compter de la publication au BODACC de la décision prononçant le redressement ou la liquidation judiciaires;
qu'en l'espèce, l'erreur matérielle concernant l'orthographe du prénom de Mme Z..., tel qu'il figurait dans la publication au BODACC du jugement du 19 février 1993, n'était pas en elle-même de nature à empêcher le cours du délai fixé par le texte ci-dessus visé;
que dès lors, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de ce texte ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs tant propres qu'adoptés, que la débitrice a été désignée lors de la publication du jugement de liquidation judiciaire au BODACC sous l'appellation de " PERSON (Christe) " tandis qu'elle n'était connue qu'avec son prénom usuel de Gerda; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le délai pour former tierce opposition n'avait pas couru à l'égard de la Caisse; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que la Caisse reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa tierce opposition alors, selon le pourvoi, que l'existence d'une société de fait suppose que ses membres soient convenus non seulement d'y apporter leurs biens ou leur industrie mais, en outre, de s'associer sur un pied d'égalité en vue de partager les bénéfices et les pertes; qu'en se bornant à énoncer, pour en déduire la preuve qu'une société de fait aurait existé entre les époux, que l'épouse avait participé à la direction ainsi qu'aux travaux de l'entreprise d'élevage canin et avait été associée financièrement à son fonctionnement, sans constater qu'elle y aurait effectué un apport en société de quelque nature que ce fût, ni caractériser sa volonté non équivoque tant de partager les bénéfices que de contribuer aux pertes de l'exploitation agricole de son mari, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 du Code civil et 2 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas retenu l'existence d'une société de fait entre les époux Z...; que le moyen manque en fait ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 2, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que les activités définies à l'article 2, alinéa 1er, de la loi du 30 décembre 1988, devenu l'article L. 311-1, alinéa 1er, du Code rural, ne confèrent la qualité d'agriculteur au sens du texte susvisé qu'à ceux qui les exercent à titre de profession habituelle ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt, qui constate que Mme Z... ne s'est pas limitée à apporter une aide à son mari mais qu'elle a participé activement à la direction et aux travaux de l'entreprise et qu'elle a été financièrement associée à son fonctionnement, en déduit qu'il s'agit là d'une activité personnelle de nature à justifier l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, sans constater que Mme Z... avait exercé ces activités à titre de profession habituelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.