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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 6 juin 2012, n° 10/09268

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Boulangerie Hallier (SARL)

Défendeur :

Ville De Dinard (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lauren

Conseillers :

Mme Lafay, Mme Le Francois

Avocats :

Me Chauvin, SCP Bazille Jean-Jacques, Me Dohollou

CA Rennes n° 10/09268

6 juin 2012

Par acte au rapport de Maître DAUGUET, Notaire Associé à DINARD, en date des 2 et 30 mai 2005, la Ville de DINARD a renouvelé à la Société ANGOT, pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2004, moyennant un loyer annuel de 1.986,64 €, la location d'un emplacement commercial situé sous les Halles de DINARD, dont la désignation est la suivante :

« Un local commercial brut de béton ayant une surface de 9 m2 et un linéaire de 9 m ».

Ce bail était renouvelé aux mêmes clauses et conditions que le précédent bail en date du 25 avril 1995, qui précisait notamment que la destination de l'emplacement était celle de :

« Dépôt-vente de pain, confiserie, pâtisseries, glaces ».

Par lettre en date du 7 novembre 2007, le Conseil de la Ville de DINARD a signifié à la Société ANGOT une demande de révision triennale.

Par acte au rapport de Maître RENAUD, Notaire à PLANCOËT, en date du 20 juin 2008, la SARL ANGOT a cédé son fonds de commerce à la BOULANGERIE HALLIER.

Par jugement en date du 22 octobre 2008 et rectifié par jugement en date du 17 septembre 2008, le Juge des Loyers Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de SAINT-MALO a ordonné une expertise confiée à Monsieur DE MONCLIN.

Par jugement du 12 novembre 2010, le juge des loyers du Tribunal de Grande Instance de SAINT MALO, estimant que les locaux loués étaient monovalents et comme tels exclus du système et du plafonnement comprenant l'article L145-38 du Code de Commerce a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 2 538,00 € HT à compter du 7 novembre 2007.

La SARL BOULANGERIE HALLIER a relevé appel de cette décision.

La Cour se réfère aux conclusions déposées le 4 octobre 2011 par la SARL BOULANGERIE HALLIER et le 12 mars 2012 par la ville de DINARD pour plus ample exposé des prétentions moyens et arguments des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que sont monovalents les locaux construits en vue d'une seule utilisation et s'il n'est pas possible de les affecter à une autre destination sans des travaux importants ou des transformations coûteuses ;

Considérant que les locaux loués se situent sous les nouvelles halles de DINARD, construites par la ville pour remplacer les anciennes halles et pour abriter exclusivement des commerces de bouche ;

Qu'elles comprenaient divers emplacements matérialisés par des étals bruts de béton lors de la location et qui ont été aménagés par les commerçants preneurs ;

Que c'est pertinemment que le premier juge a relevé que les halles en elle même constituait un local monovalent sans que l'on puisse concevoir même temporairement une autre affectation, contrairement à celle des halles de la place des Lices de Rennes qui n'a pas d'étal permanent en béton ;

Que chaque cellule louée a le caractère monovalent puisqu'il ne peut être envisagé de modifier les lieux d'une seule pour prévoir une autre utilisation qu'un commerce de bouche et que les halles ne pourraient être utilisées pour une autre destination que si l'ensemble des cellules était modifié ce qui entraînerait la mise en oeuvre de travaux importants et coûteux ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les locaux loués avaient un caractère monovalent ;

Considérant que si l'article R. 154-10 du Code de Commerce prévoyant que le prix du bail c'est à dire la valeur locative peut être déterminée, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, selon les usages observés dans la branche d'activité s'applique aux locaux monovalents que ce soit en matière de révision triennale ou de renouvellement du bail, il n'en demeure pas moins que l'article L. 145-8 du Code de Commerce, qui prévoit que la majoration ou la diminution du loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel de la construction sauf en cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, s'applique aux dits locaux monovalents ;

Que la jurisprudence de la cour de cassation ( Cour de cassation, chambre civile 3, 1er juillet 1987) vantée par la ville de DINARD et qui est effectivement constante, se contente de dire que la fixation de la valeur locative en cas de révision triennale se fait pour les locaux monovalents conformément aux dispositions de l'article 23-8(codifié à l'article R. 145-10 ) ;

Considérant qu'il appartient à la ville de DINARD de démontrer d'une part la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité et d'autre le fait que cette modification entraîne une augmentation de plus de 10 % de la valeur locative ;

Que l'intimée échoue dans cette démonstration, le rapport d'expertise précisant que s'agissant de la période considérée, soit du 1er mars 2004 au 7 novembre 2007, la seule modification serait la faible évolution du nombre de résidences à DINARD sans que rien ne permette de dire qu'il y a eu sur cette période une augmentation de plus de 10% de la valeur locative liée à cette seule modification ;

Que la Ville de DINARD ne donne aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation de l'expert ;

Considérant que le loyer révisé doit être fixé à la valeur locative si elle se situe entre le loyer en cours et le plafond résultant de la variation du coût de la construction ;

Que le loyer en cours est de 1984,64 € et le loyer indexé de 2 389,92 € ;

Que la SARL BOULANGERIE soutient que la valeur locative est de 2035,00 € ;

Considérant que la valeur locative, en l'absence d'usage particulier dans la branche considérée, doit être fixée en fonction des critères de l'article R 145- 33 du Code de Commerce ;

Considérant que le local loué a une surface de 9 m2 ;

Que rien ne justifie qu'il soit appliqué un coefficient de pondération de 1,1 l'expert faisant justement remarquer qu'il n'existe aucune vitrine sur la rue et qu'au surplus les valeurs de référence prises pour la comparaison des loyers sous les halles ont été pondérées à 1 ;

Considérant que s'agissant des caractéristiques des locaux, le preneur a effectué des travaux d'une certaine importance soit selon l'expert : pose de carrelage, faïence murale, stores métalliques, installations de chambres froides ;

Que le bailleur ne soutient pas qu'ils constituent une modification des caractéristiques au sens de l'article R.145-3 du code de Commerce, à prendre en compte dans le calcul de la valeur locative dès le premier renouvellement qui suit leur exécution,

Qu'il s'agit de travaux d'amélioration financés par le preneur et nécessaires à l'exploitation du fonds ;

Qu'il convient en conséquence de procéder à un abattement de 10 % pour exclure les travaux d'aménagements effectués par le preneur ;

Considérant que le premier juge a exactement retenu s'agissant du critère des prix couramment pratiqués dans le voisinage qu'il convenait de se référer uniquement aux prix des autres cellules se trouvant dans les mêmes halles et a exclu tant les prix pratiqués dans les commerces traditionnels compte tenu notamment des contraintes particulières d'exploitation et les prix pratiqués dans les autres halles les commerçants ne bénéficiant pas du statut des baux commerciaux ;

Qu'en conséquence la valeur locative doit être évaluée à la somme de :

290,00 € x 9m2 = 2 610,00 € dont il convient de déduire 261,00 € au titre des travaux d'améliorations soit 2 349,00 € ;

Que cette valeur locative est inférieure au loyer plafonné ;

Considérant que l'expertise ayant été ordonnée dans l'intérêt des parties, chacune supportera pour moitié les frais de cette mesure d'instruction.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit que les locaux objets du bail ont un caractère monovalent.

La réformant pour le surplus,

Dit que les locaux monovalents sont soumis aux dispositions de l'article L 145-8 du Code de Commerce.

Dit que le loyer révisé à la date du 7 novembre 2007 s'élève à la valeur locative soit la somme de 2 349,00 € .

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens, les frais d'expertise étant partagés par moitié.