CA Pau, 2e ch. sect. 1, 15 octobre 2020, n° 19/03862
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Selarl Ekip (ès qual.), Bearn Précision (EURL)
Défendeur :
Pyrénées Conceptions (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
M. Darracq, M. Magnon
Avocats :
Me Estrade, Me Valet
FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 13 juin 2017, le tribunal de commerce de Pau a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Béarn précision (SARL) et désigné la Selarl Ekip en qualité de liquidateur.
Le 21 juillet 2017, la société Pyrénées conceptions a déclaré une créance de 48 000 euros restant due par la débitrice après compensation avec la créance de celle-ci d'un montant de 32 000 euros.
Les deux sociétés sont dirigées par M. X.
La selarl Ekip ès qualités a contesté l'exception de compensation légale invoquée par le créancier sur fondement de l'article 1347 du code civil.
Par ordonnance du 28 novembre 2019, le juge-commissaire, après avoir écarté la compensation légale, a :
- constaté que les obligations entre les deux sociétés sont unies par un lien de connexité et ordonné la compensation des créances en vertu de l'article L. 622-7 du code de commerce
- admis au passif de la société Béarn précision la créance de la société Pyrénées conceptions le montant du solde compensé qui s'élève à la somme de 48.000 euros à titre chirographaire
- dit que les dépens seront mis en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration au greffe faite le 12 décembre 2019, la selarl Ekip ès qualités a relevé appel de cette ordonnance.
Les intimées ont constitué avocat mais n'ont pas remis de conclusions au greffe dans les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile, soit dans le mois des conclusions de l'appelante remises le 03 février 2020.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 juin 2020.
Vu les dernières conclusions notifiées le 03 février 2020 par la selarl Ekip' ès qualités qui a demandé à la cour, au visa de l'article L. 622-7 du code civil et 1347 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Pyrénées conceptions de sa demande de compensation légale sur le fondement de l'article 1347 du code civil
- réformer l'ordonnance entreprise pour le surplus
- rejeter la créance déclarée par la société Pyrénées conceptions
- condamner la société Pyrénées conceptions au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Les premiers juges ont accueilli, sur le fondement de l'article L. 622-7 du code de commerce, l'exception de compensation opposée par la société Pyrénées conceptions, après avoir écarté la compensation légale aux motifs que les conditions de l'article 1347 du code civil, invoquées par le créancier, n'étaient pas réunies.
En droit, il résulte de l'article 12 du code de procédure civile que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Or, l'article 1347 du code civil, relatif à la compensation légale, est issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1 octobre 2016.
Sous réserve de certaines dispositions transitoires, cette ordonnance n'est pas applicable aux actes juridiques antérieurs à la date de son entrée en vigueur ni aux situations juridiques ayant définitivement produit leurs effets légaux avant cette date.
En l'espèce, la créance déclarée par la société Pyrénées conceptions est fondée sur :
- une facture du 30/11/2015, à échéance au 30/11/2015, d'un montant de 63 000 euros
- une facture du 30/11/2015, à échéance au 30/11/2015, d'un montant de 18 600 euros
Et, le créancier se reconnaît lui-même débiteur envers la société Béarn précision des factures suivantes :
- facture du 31/03/2015, à échéance au 15/05/2015, d'un montant de 4 800 euros
- facture du 02/05/2015, à échéance au 15/06/2015, d'un montant de 10 000 euros
- facture du 01/10/2015, à échéance au 15/11/2015, d'un montant de 16 000 euros
Les dates d'échéance de ces factures étant toutes antérieures à l'entrée en vigueur des nouveaux articles 1347 et suivants du code civil, la compensation légale susceptible de s'opérer entre elles paraît devoir donc être régie par les articles 1289 à 1291 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Or, selon l'article 1289 ancien, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.
Ainsi, contrairement au nouvel article 1347, la compensation entre dettes réciproques certaines, liquides et exigibles, même sans connexité, s'opère de plein droit à l'insu des parties, et donc sans qu'il soit nécessaire de l'invoquer à la date où elle produit son effet légal.
Il résulte des considérations de droit et de fait qui précèdent que, en l'espèce, l'exception de compensation entre les créances réciproques des parties est susceptible de devoir être examinée sur le fondement des articles 1289 à 1291 ancien du code civil, rendant sans objet l'application des dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce relatif à la compensation des créances connexes.
Faisant application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, la cour invite les parties, et en premier lieu l'appelante, à présenter des observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'applicabilité au litige de l'article 1289 ancien du code civil, étant précisé que si l'intimée n'a pas conclu dans les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile, le respect du principe du contradictoire commande de recevoir ses observations sur le point précis soulevé par la cour dont la demande n'emporte pas révocation de l'ordonnance de clôture.
PAR CES MOTIFS
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INVITE la selarl Ekip ès qualités, puis, les intimées, à faire des observations sur l'applicabilité au litige des articles 1289 à 1291 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et ce sans révocation de l'ordonnance de clôture,
RENVOIE l'affaire à l'audience de plaidoiries du jeudi 19 novembre 2020 à 14 heures,
SURSOIT à statuer sur le litige,
RESERVE les dépens.