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Décisions

Cass. com., 20 décembre 1971, n° 70-12.865

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monguilan

Rapporteur :

M. Larere

Avocat général :

M. Lambert

Avocat :

Me Boré

Aix-en-Provence, du 8 juillet 1969

8 juillet 1969

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaque les sociétés "commerciale et immobilière des chartreux" (SCIMDEC) et "commerciale et foncière marseillaise" (SOCOFOM) ont, après avoir consulté Roman, ingénieur-conseil en propriété industrielle, déposé en 1962 et 1963 la marque de produits "Marcheco" et le 2 aout 1965 la marque de service "Marcheco-Economie" ;

Que l'arrêt déféré a, faisant droit à la demande de la société Marches-Usines, titulaire de la marque "Marcheco" déposée depuis le 1er juin 1961 ordonné la radiation des trois marques susvisées déposées par les sociétés SCIMDEC et SOCOFOM et condamne ces deux sociétés au paiement de dommages et intérêts à la société Marches-Usines ;

Que, statuant en outre sur le recours exerce par la SCIMDEC et la SOCOFOM contre Roman, ledit arrêt a, d'une part, recevant les deux sociétés en leur demande, ordonné une expertise pour déterminer le préjudice subi par ces sociétés du fait de la radiation de leurs marques et a, d'autre part condamné Roman à garantir la SCIMDEC et la SOCOFOM, pour moitié, de la condamnation prononcée contre elles au profit de la société Marches-Usines ;

Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir dit que le préjudice subi par les sociétés SCIMDEC et SOCOFOM du fait de la radiation de leurs marques ne portait que sur les frais, à évaluer par expert, entrainés par le changement desdites marques, aux motifs que celles-ci ayant été employées exclusivement a titre d'enseigne et de nom commercial, ce changement ne pourra avoir une influence quelconque sur le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés, alors que, selon le pourvoi, d'une part l'enseigne, désignant un établissement aux yeux du public pour attirer la clientèle, son changement brutal peut avoir des répercussions sur le chiffre d'affaires et les bénéfices, et que la cour d'appel qui le nie, par une affirmation générale et abstraite, méconnaît donc la nature de l'enseigne et que, d'autre part, la perte d'une chance constituant un préjudice actuel et certain, la cour d'appel a méconnu la règle de la réparation intégrale, en écartant le chef de préjudice retenu par les premiers juges et invoque aux conclusions des deux sociétés, découlant de ce que la radiation de marques de fabrique, jusqu'alors non exploitées, entrainait nécessairement la perte d'une chance de les commercialiser pour des produits ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a apprécié souverainement que le changement de l'enseigne "Marcheco" ne pouvait avoir d'influence sur le chiffre d'affaires et les bénéfices des sociétés ;

Que, d'autre part, dans leurs conclusions, les sociétés SCIMDEC. et SOCOFOM n'ont pas soutenu que la faute commise par roman leur aurait fait perdre "la chance" de commercialiser des produits sous les marques déclarées nulles ;

Que des lors en cette branche le moyen est nouveau et, partant, irrecevable devant la cour de cassation ;

Que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour limiter à la moitie la garantie que Roman doit à la SCIMDEC. et à la SOCOFOM en ce qui touche les dommages-intérêts à payer à la société Marches-Usines, la cour d'appel, après avoir déclaré que Roman avait reconnu n'avoir pas fait les recherches d'antériorités qui s'imposaient et qu'il avait "ainsi contrevenu gravement" a ses obligations, ajoute que, dès le 16 septembre 1964, les sociétés SCIMDEC. et SOCOFOM avaient fait l'objet de réclamations de la société Marches-Usines qui devaient devenir de plus en plus pressantes et qu'a partir de cette date elles étaient en mesure d'examiner le problème qui se posait et de mettre fin au litige en acceptant amiablement de radier les dépôts de leurs marques ;

Que l'arrêt précise que dans une lettre du 9 avril 1965 roman "tout en donnant son argumentation écrivait" ;

"nous vous exposons la situation juridique telle qu'elle nous apparait, vous laissant libre de prendre telle attitude que vous jugerez bon" et retient que dans une autre lettre du 2 octobre 1966, donc postérieure a l'assignation, il attirait leur attention sur le caractère très spécial de la question soulevée et leur conseillait "de consulter un spécialiste" ;

Attendu qu'il résulte de ces énonciations de l'arrêt, que Roman n'a à aucun moment reconnu l'erreur qu'il avait commise lors du dépôt des marques litigieuses et dont la cour d'appel retient le caractère fautif ;

Qu'il n'a pas davantage conseille a ses clientes de renoncer à toutes les marques nulles ;

Que, dans ces conditions, les circonstances retenues par l'arrêt ne caractérisent pas la faute imputée aux deux sociétés et qui seule aurait pu justifier un partage de responsabilité ;

Que des lors, en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du moyen : casse et annule, mais seulement en ce que la cour d'appel a limité l'effet du recours en garantie exerce contre roman, l'arrêt rendu le 8 juillet 1969 entre les parties, par la cour d'appel d’Aix-en-Provence, remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.