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Décisions

Cass. com., 3 mars 2009, n° 07-20.779

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pepinieres Jacques Briant (Sté)

Défendeur :

David Austin Roses Limited (Sté), Hulder Holland Bv (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Lyon, du 4 oct. 2007

4 octobre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1987 et 1988 la société hollandaise Hulder Holland a déposé aux Pays-Bas les marques internationales, désignant la France, " Mary Rose ", " Abraham Derby ", " Graham Thomas ", " Heritage " et " William Shakespeare ", s'appliquant à des plantes vivantes et à leurs parties ; qu'elle a par la suite cédé la marque " Mary Rose " à la société anglaise David Y... Roses ; que cette dernière a procédé, entre le 28 avril et le 6 mai 1999, au dépôt auprès de l'office d'enregistrement des Pays-Bas des marques internationales désignant la France " Abraham Derby ", " Graham Thomas ", " Heritage " et " William Shakespeare ", s'appliquant également à des produits végétaux, notamment des rosiers, puis a agi en contrefaçon de chacune de ces marques à l'encontre de la société française Jacques Briant, qui a objecté la nullité des enregistrements ; que la société Hulder Holland est intervenue aux débats aux côtés de la société David Y... Roses ;

Sur le premier et le quatrième moyens :

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1-3 de l'arrangement de Madrid du 14 avril 1891 ;

Attendu que pour dire valide la partie française des marques " Abraham Derby ", " Graham Thomas ", " Heritage " et " William Shakespeare ", et écarter l'objection tirée de ce que la société David Y... Roses ne disposait pas, à la date de l'enregistrement, d'un établissement industriel et commercial effectif et sérieux aux Pays-Bas permettant l'enregistrement international de ces marques par l'office national de ce pays, l'arrêt constate la production d'un extrait K bis, d'un extrait du journal d'annonces légales publiant la constitution de l'établissement aux Pays-Bas, ainsi que d'une lettre adressée à la chambre de commerce le 9 novembre 1999 afin de l'informer de la nouvelle adresse de cet établissement ; qu'il relève encore que la circonstance que M. X..., chargé de procéder à l'inscription de la société David Y... Roses auprès du registre du commerce d'Amsterdam, ne disposait d'aucun pouvoir d'administration ou de gestion ne permet pas d'en conclure que l'établissement ainsi domicilié à Amsterdam n'avait pas d'activité effective et sérieuse ;

Attendu qu'en se fondant sur ces éléments qui, se rapportant exclusivement au respect des formalités conditionnant l'existence juridique de l'établissement en cause, sont impropres à établir qu'il s'agissait là d'un établissement industriel et commercial effectif et sérieux permettant d'admettre que les Pays-Bas étaient le pays d'origine au sens de convention susvisée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation usuelle du produit ou du service ;

Attendu que pour écarter le moyen pris de l'absence de caractère distinctif des signes déposés en 1998 et 1999, l'arrêt retient que la société Jacques Briant propose à la vente des roses anglaises créées par David Y... en mentionnant chaque référence par son nom commercial, la marque, et par sa dénomination variétale : " Abraham Darby " ® Auscot, " Graham Thomas " ® Ausmas, " Heritage " ® Ausblush, " Mary Rose " ® Ausmary, " William Shakespeare " ® Ausroyal, et qu'il en va de même pour les trois variétés proposées dans le catalogue " Printemps 1997 " de la société Jacques Briant ; qu'il constate encore que la société David Y... Roses produit aux débats d'autres catalogues, dont il résulte que toutes les variétés de roses David Y..., parmi lesquelles les variétés Abraham Derby, Graham Thomas, Heritage et William Shakespeare, sont mentionnées avec la marque et la précision de la dénomination variétale ; que l'arrêt en déduit qu'au jour du dépôt, en 1999, les marques étaient tout à fait distinctes de la dénomination variétale des roses litigieuses, tant pour les professionnels que pour le public, que cette absence de confusion entre la marque et la dénomination variétale est confirmée par les étiquettes d'emballage des rosiers David Y... ; qu'il relève que les catalogues produits par la société Jacques Briant ne peuvent être significatifs d'une confusion entre la marque et la dénomination variétale puisque, s'il est exact que seuls les noms que la société David Y... Roses considère comme des marques sont mentionnés, ces catalogues émanent d'une société contre laquelle elle a agi en contrefaçon ; qu'il retient enfin que les ouvrages produits en défense sont à visée esthétique, aucune rose n'étant commercialisée, qu'il en va de même de l'article paru dans " L'ami des jardins " en 1989 et du livre de David Y... " Découvrir les roses ", lequel mentionne au surplus les dénominations variétales en fin d'ouvrage de façon tout à fait claire, que l'absence de mention de la dénomination variétale ne caractérise pas une confusion entre la marque et la dénomination variétale, étant au surplus remarqué que le nom de fantaisie d'une fleur est plus facile à retenir pour le grand public que sa dénomination variétale, et qu'il n'est pas démontré que les sociétés David Y... Roses ou Hulder Holland ont utilisé des dénominations variétales comme marques et que les cinq marques en question ont perdu leur caractère distinctif ;

Attendu qu'en s'abstenant d'examiner si, tout en restant distincts de la dénomination variétale, ce dont il résultait seulement qu'elles ne constituaient pas la désignation nécessaire des produits, les signes litigieux n'étaient pas devenus, à la date de dépôt des marques, la désignation usuelle des variétés de roses concernées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS,

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré valables les parties françaises des marques " Abraham Derby ", " Graham Thomas ", " Heritage " et " William Shakespeare ", l'arrêt rendu le 4 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne les sociétés David Y... Roses et Hulder Holland aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.