Cass. com., 6 mars 2001, n° 98-17.015
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Alcatel câble France (Sté)
Défendeur :
Compagnie d'études, de réalisations et d'installations de système (Sté), Allianz (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
Me Odent, SCP Piwnica et Molinié, SCP Defrenois et Levis
Sur le moyen unique, pris en ses sept branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 1998), confirmatif des chefs déférés, que la société Compagnie d'études, de réalisations et d'installations de systèmes (société Coris) a commandé à la société Alcatel câble France (société Alcatel) un câble à fibres optiques, destiné à un dispositif de télécommunications ; que ce câble s'avérant impropre à cet usage, la société Alcatel a fourni un nouveau câble ; que la société Coris a obtenu, en référé, la désignation d'un expert, puis a assigné la société Alcatel en réparation de son préjudice ;
que celle-ci s'est opposée à la demande en soutenant qu'elle avait réparé le dommage conformément à la clause limitative d'indemnisation prévue au contrat ; que le tribunal a, notamment, condamné la société Alcatel à indemniser la société Coris de son préjudice ; que la société Alcatel a fait appel du jugement ; que la compagnie Via assurance IARD, assureur de la société Coris, est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu que la société Alcatel reproche à l'arrêt d'avoir décidé que le contrat la liant à la société Coris est une vente et, en conséquence, de l'avoir condamnée à indemniser la société Coris de son préjudice sans tenir compte de la clause contractuelle limitative d'indemnisation, alors, selon le moyen :
1°) qu'en énonçant tout à la fois que le bons sens obligeait à relever que ces spécifications ne constituaient, pour un produit évidemment particulier, que le minimum d'informations indispensable à l'examen de la demande par un professionnel comme la société Alcatel, et que cela ne traduisait pas une particulière maîtrise de la société Coris dans la conception même de la chose ou une exigence impliquant une confection particulière, l'arrêt est entaché d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que la détermination en commun par les parties des caractéristiques techniques de la chose suppose l'existence d'un contrat d'entreprise ; que la cour d'appel a énoncé que les faits de l'espèce accréditaient l'existence d'une décision prise en commun pour la fourniture d'une chose définie d'avance ; qu'en retenant néanmoins la qualification de vente, elle a violé, par fausse application, l'article 1582 du Code civil et, par refus d'application, les articles 1779 et 1787 du même Code ;
3°) qu'une fabrication selon les spécifications techniques établies par le donneur d'ordre, pour répondre à ses besoins particuliers, est un contrat d'entreprise et non une vente ; qu'en se bornant à faire état de quelques éléments de la commande de la société Coris, sans rechercher, comme les conclusions de la société Alcatel l'y invitaient, si la société Coris n'avait pas donné des spécifications techniques précises et évolutives pour le produit qu'elle commandait et n'était pas intervenue pendant trois ans de négociations pour définir le câble, démontrant ainsi son intention de conserver la maîtrise de sa définition et de sa composition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582 et 1779 du Code civil ;
4°) qu'en ne recherchant pas si la qualification de fournisseur sous-traitant appliquée directement à la société Alcatel dans le cadre des dispositions de l'article 5 de la commande, si la possibilité prévue par le contrat d'une sous-traitance par la société Alcatel d'une partie de son marché soumis à l'agrément de la société Coris et si l'obligation pour la société Alcatel de mettre en oeuvre les améliorations demandées par la société Coris, ainsi que l'organisation d'une réception, ne caractérisaient pas l'existence d'un produit manufacturé spécifiquement défini par le donneur d'ordre et, par voie de conséquence, d'un contrat d'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582 et 1779 du Code civil ;
5°) que le rapport d'expertise divisait le câble fourni en douze parties différentes et se bornait à se référer au catalogue de la société Alcatel, sans préciser à quelle notice, pour une seule de ces parties ;
qu'en énonçant, par motifs adoptés, qu'il résultait du rapport, se référant à la notice T2, qu'il n'existait aucune différence entre le câble fourni à la société Coris et celui figurant au catalogue de la société Alcatel, la cour d'appel a dénaturé ce rapport et violé l'article 1134 du Code civil ;
6°) qu'en ne recherchant pas, comme les conclusions de la société Alcatel l'y invitaient, si le câble fourni à la société Coris n'était pas radicalement différent du modèle se trouvant dans son catalogue et si, de ce fait, il n'avait pas été réalisé pour les besoins spécifiques de la société Coris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582 et 1779 du Code civil ;
7°) que la différence entre une vente et un contrat d'entreprise se fait en établissant qui, du preneur ou du donneur d'ordres, a établi les spécifications de la chose et si elle est destinée à satisfaire les besoins particuliers du donneur d'ordres ou ceux du public en général ;
qu'en se fondant sur l'existence d'une solution de base et d'une variante, d'une tarification au kilomètre de câble modulée selon les variantes et sur l'envoi de descriptifs et de schémas par la société Alcatel, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants ne caractérisant aucun de ces deux contrats et a violé les articles 1582 et 1779 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel ne s'est pas contredite en retenant, d'un côté, que les spécifications données par la société Coris à la société Alcatel ne constituaient, pour un produit particulier, que le minimum d'informations indispensable à l'examen de la demande par la société Alcatel et, d'un autre côté, que ces spécifications ne traduisaient pas une exigence impliquant une confection particulière ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir retenu que les spécifications données par la société Coris à la société Alcatel faisaient simplement référence aux caractéristiques de la fourniture et de son emploi et que ces spécifications ne signifiaient nullement une connaissance dans la façon de les satisfaire, l'arrêt, se fondant sur le rapport d'expertise et sans dénaturation, retient, par motifs adoptés, que le câble litigieux est défini à la notice générale de la société Alcatel de 1994, portant le numéro T2 ; qu'il retient encore, par motifs propres, que les parties ont défini en commun la fourniture d'une chose définie d'avance ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la septième branche, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions dont font état les troisième et sixième branches et qui n'était pas tenue d'effectuer les recherches inopérantes exposées à la quatrième branche, a retenu, à bon droit, que le contrat liant les sociétés Coris et Alcatel était une vente ;
D'où il suit que la cour d'appel ayant légalement justifié sa décision, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.