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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 30 janvier 2012, n° 09/04006

GRENOBLE

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Syndicat international des moniteurs de ski - SIMS

Défendeur :

Syndicat national des moniteurs de ski français

TGI Grenoble, du 16 janv. 2007

16 janvier 2007

EXPOSE DU LITIGE
Les deux syndicats en litige représentent le intérêts d'écoles de ski différentes et concurrentes exerçant sous les sigles et logos «ESI» et «ESF», soit Ecole de ski internationale et Ecole du ski français.
Le Syndicat international des moniteurs est titulaire de la marque figurative École de ski et de snowboard internationale n° 3164892 déposée le 14 mai 2002, reproduite ci dessus ;
Le Syndicat national des moniteurs de ski français a eu un monopole de fait sur l'enseignement du ski en France des années 30 aux années 60 à 70. Il est titulaire de la marque collective française verbale et semi figurative «ESF ECOLE DU SKI FRANCAIS» enregistrée sous le n° 1260329 déposée le 8 février 1984 renouvelée le 10 novembre 2003, imparfaitement reproduite ci-dessous.
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Il est aussi titulaire de nombreuses autres marques marques suivantes dans les classes 25, 28 et 41 :
Le Syndicat international des moniteurs de ski a saisi le tribunal de grande instance de < GRENOBLE > le 16 janvier 2007 d'une demande de nullité en application de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle des marques suivantes du SNMSF :
-  la marque n° 1 pour défaut de conformité aux dispositions de l'article L. 711-3 § a) du même code,
-  des marques n° 1 à 19 pour défaut de conformité aux dispositions de l'article L. 711-3 § c) de ce code,
-  des marques 20 et 21 pour défaut de distinctivité au sens de l'article L. 711-1 du même code.
Il demandait en outre réparation du préjudice causé par l'usage des marques 1 à 19 sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.
Il estimait en substance que le Syndicat national des moniteurs de ski français par ses marques, et en utilisant systématiquement les couleurs du drapeau français et le terme français crée une confusion qui constitue une situation de concurrence déloyale en accréditant l'idée qu'il est l'école officielle nationale de l'enseignement du ski en France alors que ce n'est pas le cas.
Par jugement du 10 septembre 2009, le tribunal de grande instance de < GRENOBLE > a débouté le Syndicat international des moniteurs de ski de ses demandes fondées sur le droit des marques, a retenu comme seul acte de concurrence déloyale l'emploi du terme «officiel» pour qualifier les distinctions remises par l'ESF, et interdit l'usage de ce terme sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée, ordonné la publication du dispositif du jugement dans le Dauphiné Libéré et le magazine SKI MAG, partagé les dépens.
Concernant la marque n° 1, le Syndicat international des moniteurs de ski invoquait la nullité au regard de l'article 6 de la convention de Paris du 20 mars 1883 qui dispose que
a) Les pays de l'Union conviennent de refuser ou d'invalider l'enregistrement et d'interdire, par des mesures appropriées, l'utilisation, à défaut d'autorisation des pouvoirs compétents, soit comme marque de fabrique ou de commerce, soit comme éléments de ces marques, des armoiries, drapeaux et autres emblèmes d'État des pays de l'Union, signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par eux ainsi que toute imitation au point de vue héraldique.
Le syndicat demandeur invoquait l'emploi illégal de l'emblème national français. Le tribunal a rejeté cette demande, considérant que si la marque comportait effectivement les 3 couleurs visées par l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui énonce seulement que «l'emblème national est le drapeau tricolore : bleu-blanc-rouge, l'aspect dudit emblème demeure fixé par les dispositions du décret du 27 Pluviôse An II qui dispose «le pavillon et le drapeau national seront formés des trois couleurs nationales disposées en trois bandes égales de manière à ce que le bleu soit attaché à la gauche du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant», la disposition des couleurs, la stylisation en trace de skieur de la bande blanche et de gouttes inscrites dans un cercle pour le bleu et le rouge dans la marque n° 1260329 ne la soumettait pas à l'interdiction de l'article L. 711-3 a) du code de la propriété intellectuelle.
Concernant les marques n° 1 à 19, le Syndicat international des moniteurs de ski soutenait qu'elles sont de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service au sens de l'article 711-3 c) précité en ce que la présence du drapeau tricolore et l'emploi du terme français laissaient supposer que les services dispensés émanaient d'un service officiel ou, à tout le moins, d'un service habilité par les pouvoirs publics.
Le tribunal de grande instance a estimé que l'usage par le SNMS du terme «ski-français» ne pouvait être considéré comme faisant référence à un service officiel dès lors que ce terme est une appellation historiquement établie que le Syndicat demandeur ne pouvait ignorer, qu'il ne contestait pas en effet les documents produits par le défendeur relatifs à l'histoire de l'enseignement du ski et, en particulier l'ouvrage de Monsieur Gilles CHAPPAZ établi notamment à l'aide de la documentation de l'E.N.S.A., ledit ouvrage rappelant que les méthodes de l'enseignement du ski ont été définies par référence à une origine géographique depuis l'enseignement oral du télémark (région de Norvège) jusqu'à ce jour, l'auteur mentionnant ainsi :
-  que le premier ouvrage de référence de cet enseignement portait le nom de la ville natale autrichienne de son rédacteur,
-  que lui a succédé le mémento «Arlberg Kurse Sank Anton» base de la technique de l'Arlberg (région d'Autriche) élaborée dès L922,
-  qu'à partir de 1937 émerge du fait de rivalités un «ski français», caractérisé et formalisé par un ouvrage du même nom rédigé notamment par Emile ALLAIS.
-  que l'existence d'une méthode spécifique définie par le terme «ski français» est ainsi suffisamment démontrée.
-  que le Syndicat demandeur ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe que ladite méthode serait à ce jour obsolète et qu'elle ne serait plus dispensée par les moniteurs du syndicat défendeur.
Qu'enfin la circonstance que cette méthode a pu évoluer voire s'universaliser et la circonstance que le Syndicat défendeur dispense également des cours de techniques nordiques ou de «nouvelles glisses» sont indifférentes en l'espèce dès lors qu'il n'apparaît pas, au vu du «mémento de l'enseignement du ski français» daté de 2006 versé aux débats que les techniques et la pédagogie ont été définies sous le terme «ski français».
Le tribunal de grande instance a estimé par ailleurs que si le Syndicat demandeur conteste l'emploi d'un drapeau tricolore, il n'a pas sollicité l'annulation des marques 2 à 19 sur le fondement des dispositions de l'article 711-3a) du Code de la Propriété Intellectuelle ; que l'emploi de couleurs contestées pour la marque 1 n'est pas irrégulier pour les motifs précédemment exposés et qu'enfin il n'a communiqué aucune représentation autre qu'en noir et blanc des marques précitées lesquelles ont du reste été déposées sous cette forme,
En conséquence il a considéré que par l'emploi d'un drapeau tricolore et du terme français, le SNMSF ne fait pas usage de marques de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de l'enseignement qu'il dispense et a débouté le Syndicat international des moniteurs de ski français de ses demandes sur ce moyen.
- concernant les marques 20 et 21, ainsi décrites : Les marques ainsi contestées sont les marques 20 et 21 (n° 95564964 et n° 7269770) lesquelles sont ainsi décrites sur leurs fiches de dépôt comme suit : «Les mots «les pulls» s'inscrivent en noir soulignés d'un trait horizontal rouge. Le terme rouge est en lettres rouges souligné d'un trait horizontal noir. Le pull de skieur est de couleur rouge et «couleur revendiquée : vêtement en couleur rouge et brassard tricolore rouge. Forme caractéristique revendiquée : la marque collective est constituée par un vêtement de couleur rouge quelque soit sa nature dont l'une des manches comporte en sa partie supérieure un brassard tricolore»,
le tribunal de grande instance a rappelé que les moniteurs de ski, qu'ils appartiennent à l'un ou l'autre des syndicats parties au litige, sont titulaires d'un diplôme dispensé par l'Etat et peuvent régulièrement porter un insigne attestant cette qualification en application de l'article 5 de la Loi du 18 février 1948 sur l'enseignement du ski, ledit insigne comportant trois bandes tricolores, que si la couleur rouge n'est pas susceptible d'appropriation au titre des droits de la propriété intellectuelle en application des dispositions de l'article 711-1 invoqué par le Syndicat demandeur, le tribunal de grande instance a cependant constaté que par l'emploi de cette couleur uniforme pour caractériser le vêtement d'exercice de la profession de ses membres le Syndicat défendeur ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle puisque ledit vêtement reprend un signe distinctif de la qualification professionnelle de celui qui le porte et est une couleur particulièrement propre à permettre de distinguer même à distance et dans une foule le professionnel de la montagne présent sur une piste de ski.
Au titre de la concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, le tribunal de grande instance a jugé que l'utilisation des marques 1 à 21 n'est pas constitutive d'actes de concurrence déloyale puisque leur régularité a été constatée.
Les seuls faits distincts de cette utilisation invoqués sont :
-  l'emploi abusif des couleurs bleu blanc rouge sur l'enseigne de l'école de ski de VAL d'ISERE dans les brochures publicitaires de l'ESF et sur les insignes qu'elle remet à ses clients,
-  l'emploi abusif du terme «officiel» dans le site Internet de l'ESF.
Le tribunal de grande instance a considéré que l'utilisation des couleurs bleu blanc rouge ne constitue pas des actes de concurrence déloyale.
Il a estimé en revanche que la mention de tests «officiels» pour l'attribution de ses distinctions (1°, 2° étoile etc...) constituait un acte de concurrence déloyale puisque cet adjectif accrédite l'idée inexacte que les distinctions remises sont reconnues par la puissance publique ou ont une valeur universelle hors du cadre de l'ESF, ce qui n'est pas le cas.
Le Syndicat international des moniteurs de ski a relevé appel le 29 septembre 2009 de la décision du tribunal de grande instance et demande dans ses dernières écritures du 19 octobre 2011, se cantonnant aux marques n° 1 260 329, 98 714 851, 1 582 840 et 98 743 162, de soit quatre marques imparfaitement reproduites ci-dessus, (la première est déposée en couleurs, les trois autres en couleurs.)
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Il demande de constater la nullité de la marque 1260329 pour contenir un signe exclu par l'article 6 ter de la convention d'Union de Paris, des marques 1260329, 98714851, 98743162 et 1582840 pour défaut de caractère distinctif :
-  constater que la marque n° 1 260 329 déposée dans les classes 25, 28 et 41 contient un signe exclu par l'article 6 ter de la Convention d'Union de Paris et contrevient aux dispositions de l'article 711-3 a du Code de la Propriété Intellectuelle,
En conséquence, prononcer la nullité de la marque n° 1 260 329 conformément aux dispositions de l'article L 314-3 alinéa 1 du code de la Propriété Intellectuelle,
-  constater que la marque n° 1 260 329 est de nature à tromper le public et est contraire aux dispositions de l'article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle,
- 1 - en ce qu'elle comporte les couleurs du drapeau français,
- 2 - comporte le terme français, susceptible de l'associer à un service officiel ou contrôlé par les autorités publiques, et qu'il est déposé en classe 41 et est exclusivement exploité dans le cadre de l'enseignement du ski, domaine particulièrement susceptible d'être contrôlé par un service officiel. Elle fait observer que l'École Française de spéléologie, l'École Française de descente en canyon, les Écoles Françaises de parachutisme, les Écoles Françaises de voile, de plongée, de vol libre sont sous tutelle des fédérations correspondantes ce qui n'est pas le cas du ski qui ne comporte pas d'École Française de ski.
En conséquence, prononcer la nullité de la marque n° 1 260 329 pour contenir les éléments d'identification visuelle, même stylisés, du drapeau français.,
- constater que les marques 1260329, 98714851, 98743162, 1582840 sont dépourvues de caractère distinctif, puisque ses concurrents, disposant d'enseignants formés de la même manière ou au moins de manière équivalente, c'est à dire à une méthode particulière et spécifique, sont privés de cette expression nécessaire et usuelle pour désigner le service de l'enseignement du ski français.
- En conséquence, prononcer la nullité des marques n° 1260329, 98714851, 98743162, 1582840,
- ordonner la transcription des nullités prononcées sur les registres de l'INPI et l'exécution des formalités de radiation,
- Il demande encore de retenir la concurrence déloyale résultant de ces marques en jouant sur la confusion entre Etat et ESF, qui en seraient ainsi dans l'esprit du public les organes officiels d'enseignement :
-  bandes tricolores omniprésentes, systématisation du bleu blanc rouge, sur les sites Internet, la revue TRACES du Syndicat national des moniteurs de ski français, brassard, attributs qui confèrent au Syndicat national des moniteurs de ski français et aux ESF une image d'écoles publiques du ski alors que toutes sont privées, ce qui crée une confusion à sanctionner.
-  constater que le SNMSF se rend coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice du Syndicat international des moniteurs de ski en ce qu'il commet les pratiques commerciales trompeuses suivantes :
-  Dépôt et usage de la marque. ECOLE DU SKI FRANÇAIS numéro 1260329 trompeuse dès lors qu'elle est de nature à induire en erreur le public sur l'existence d'un agrément officiel,
-  publicité trompeuse via l'utilisation systématique des trois couleurs bleu blanc rouge isolément ou en association avec les lettres ESF ou ou l'appellation «école du ski français» via l'utilisation trompeuse d'une bande tricolore imitant d'un point de vue héraldique l'emblème national ou des logos officiels,

-  exploitation systématique de 61 médailles bleu, blanc rouge, et comportant la carte de France ou l'expression «école du ski français».
-  mention de la qualification officielle des tests de niveau organisés par le SNMSF et les ESF.
-  Captation illicite et déloyale d'un segment spécifique de marché du ski via la mise en place d'une entrave à la concurrence sous couvert d'un dépôt et d'une exploitation illicite car trompeuse de trois marques déposées en commun avec la Fédération française de ski,
Il demande de constater que le SIMS subit un préjudice évalué à 332.380 euros du fait de ces agissements,
En conséquence, il demande à la cour de :
-  Ordonner la cessation immédiate de tous agissements et pratiques déloyaux commis par le SNMSF et les écoles ESF adhérentes, sous astreinte d'un montant de 1 000 Euros par jour de retard et par infraction constatée,
-  Condamner le SNMSF à réparer le préjudice subi par le SIMS pour un montant qui ne saurait être inférieur à 382 380 Euros,
-  condamner le SNMSF à cesser tout agissement déloyal, c'est-à-dire à retirer le terme «Français» et les couleurs nationales de ses marques, enseignes commerciales, brochures, site internet et tout document matérialisé ou non faisant état de ladite marque sous astreinte de 1 000 Euros par jour de retard et par infraction constatée,
-  Ordonner au SNMSF de faire cesser les actes de concurrence déloyale auprès de ses adhérents, notamment ceux qui auraient eu l'autorisation de déposer des marques composées des signes interdits,
-  Ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux d'informations nationales, ainsi que dans au moins une publication locale de chacune des stations concernées,
-  Condamner également le SNMSF à afficher le jugement à intervenir dans le délai de 8 jours à compter de sa signification dans les locaux ouverts au public de chaque école affiliée au Syndicat national des moniteurs de ski français et ce durant toute la saison d'hiver suivant la signification de l'arrêt sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à lui payer la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel et d'autoriser la SCP GRIMAUD avoués à les recouvrer directement contre elle.
Dans le dernier état de ses conclusions du 10 novembre 2011, le Syndicat national des moniteurs de ski français demande de son côté de réformer le jugement du 10 septembre 2009 en ce qu'il a jugé que l'emploi du terme «officiel» pour qualifier les distinctions remises par l'ESF était un acte de concurrence déloyale, et ordonné la publication, de débouter le Syndicat international des moniteurs de ski de l'ensemble de ses demandes en nullité de marques et en concurrence déloyale, d'ordonner la publication dans trois journaux aux frais du Syndicat international des moniteurs de ski dans la limite de 3.000 € par insertion, ainsi que dans la revue du syndicat international des moniteurs de ski. Il demande de condamner le Syndicat international des moniteurs de ski à lui payer la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel et d'autoriser la SCP CALAS avoués à les recouvrer directement contre lui.
Le Syndicat national des moniteurs de ski français fait valoir que le Syndicat international des moniteurs de ski a intenté une procédure en nullité de la marque communautaire n° 4624987 ESF (qui correspond au N° français 1260329) devant l'Office de l'Harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) qui l'en a débouté par décision du 18 décembre 2008, décision confirmée par décision du 11 novembre 2009 de la Chambre de recours que le Tribunal de l'Union Européenne a confirmée par décision du 5 mai 2011 devenue définitive.
Il reprend l'historique de la méthode et de l'expression SKI FRANCAIS depuis 1937, les conditions du contrôle par les autorités publiques de l'enseignement du ski, depuis une loi du 7 novembre 1940, qui fait intervenir l'État français dans la création et le fonctionnement des écoles de ski et confère un monopole de l'enseignement du ski à la Compagnie des moniteurs, puis une loi du 18 février 1948 qui énonce que l'enseignement du ski est placé sous le contrôle du Ministre chargé des sports assisté d'un comité consultatif de cet enseignement, les conditions d'agrément des écoles de ski, de délivrance de la bande tricolore aux moniteurs, titulaires depuis 1982 du «brevet d'état d'éducateur sportif 1° degré option ski alpin» qui confère le droit au port d'un insigne consacré par la loi du 18 février 1948.
Il conteste que le logo de l'ESF constitue une reproduction ou même une imitation du drapeau national, soutient qu'il ne peut être confondu avec celui d'un service officiel de l'Etat. (cf AIR FRANCE, MOBILIER DE FRANCE, TF1, FRANCE FOOTBALL...), fait observer que parmi les marques en vigueur en France, plus de 30.000 d'entre elles contiennent le mot FRANCE et presque 1.500 les mots FRANCAIS ou FRANCAISE ;
Il soutient que la marque n° 1 260 329 du Syndicat national des moniteurs de ski français ne peut tromper un public normalement averti sur un contrôle particulier qu'exercerait l'Etat sur les écoles de l'ESF davantage que sur les autres ou sur un monopole de l'Etat sur l'enseignement du ski.
Il ajoute que la marque «ECOLE DU SKI FRANCAIS» a acquis un caractère distinctif du fait de son usage depuis plus de 50 ans par le Syndicat national des moniteurs de ski français
Concernant les marques semi figuratives n° 98 714 851, 1 582 840 et 98 143 162, déposées en noir et blanc, il soutient que le Syndicat international des moniteurs de ski ne peut de ce fait soutenir qu'elles peuvent être considérées comme déceptives :
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose :
«Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4.
Le ministère public peut agir d'office en nullité en vertu des articles L. 711-1, L. 711-2 et L. 711-3.
Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L. 711-4.
Toutefois, son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans.
La décision d'annulation a un effet absolu».
Article L. 711-1
La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale.
Peuvent notamment constituer un tel signe :
a)  Les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles ;
b)  Les signes sonores tels que : sons, phrases musicales ;
c)  Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.
Article L 711-2
Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a)  Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b)  Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;
c)  Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage.
Article L 711-3
Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :
a)  Exclu par l'article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l'article 23 de l'annexe I C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce ;
b)  Contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;
c)  De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.
Article L 711-4
Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a)  A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;
b)  A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
c)  A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
d)  A une appellation d'origine protégée ;
e)  Aux droits d'auteur ;
f)  Aux droits résultant d'un dessin ou modèle protégé ;
g)  Au droit de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;
h)  Au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale.
1 - sur la demande de nullité de la marque collective «Ecole du ski français» n° 1260329 sur le fondement de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle
Le modèle déposé le 8 février 1984 par le Syndicat national des moniteurs de ski français à l'INPI est en couleurs.
L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle renvoie à l'article 6 de la convention de Paris du 20 mars 1883 qui énonce que :
a) Les pays de l'Union conviennent de refuser ou d'invalider l'enregistrement et d'interdire, par des mesures appropriées, l'utilisation, à défaut d'autorisation des pouvoirs compétents, soit comme marque de fabrique ou de commerce, soit comme éléments de ces marques, des armoiries, drapeaux et autres emblèmes d'Etat des pays de l'Union, signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par eux, ainsi que toute imitation au point de vue héraldique.
En retenant que la marque collective du Syndicat national des moniteurs de ski français reprend dans les couleurs la même succession que celle définie par l'article 2 de la constitution du 4 octobre 1958 («l'emblème national est le drapeau tricolore : bleu, blanc, rouge»), elle se distingue du drapeau français régi par les dispositions du décret du 27 Pluviôse An II, qui dispose :
le pavillon et le drapeau national seront formés des trois couleurs nationales disposées en trois bandes égales de manière à ce que le bleu soit attaché à la gauche du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant puisque la bande blanche n'est pas une bande, qu'elle n'est pas égale mais totalement distincte dans sa forme des deux autres pour figurer la forme stylisée de la trace laissée par un skieur sur une piste, ladite bande formant ainsi le tracé de la lettre S entourée des lettres «e» et «f» sur fonds bleu et rouge figurant des gouttes inversées et non des bandes,
le premier juge a justement conclu que cette marque ne rentrait pas dans les visées de l'article L. 711-3 a) du code de la propriété intellectuelle, comme l'a jugé de son côté le tribunal de l'Union européenne le 15 mai 2011 (affaire T41/10) en affirmant que «l'apparence très particulière sous laquelle sont présentées les couleurs composant l'élément figuratif de la marque contestée aboutit à une impression trop éloignée de celle donnée par le drapeau français pour qu'il puisse être considéré que ledit élément sera perçu par le public pertinent comme constituant une imitation du point de vue héraldique du drapeau français»
2 - sur la tromperie résultant de la marque 1 260 329 en ce qu'elle est enregistrée dans la classe 41 comportant les service liés à l'enseignement de la pratique du ski
La marque visée est «école du ski français» et non école française du ski», ce qui la distingue des «écoles françaises» citées par le syndicat appelant dans d'autres disciplines à risque.
Elle ne fait en effet pas référence expresse dans cette formulation à un organisme officiel mais à une méthode historique d'apprentissage de ce sport qui, comme l'a relevé le premier juge renvoie à la fin des années 30, époque à laquelle, après une période norvégienne, avec le télémark, puis autrichienne dans les années 20, caractérisée par le virage en «chasse-neige» a émergé dans un contexte de rivalités une méthode française basée sur des virages skis parallèles, et un manuel de «ski français» rédigé notamment par Emile ALLAIS, manuel qui par rééditions par le SNMSF et adaptations successives sous la forme aujourd'hui d'un «memento de l'enseignement du ski français»,manuel à l'usage des moniteurs, produit aux débats dans son édition 2006, conserve toute sa pertinence et perpétue un mode d'enseignement qui s'est adapté à l'époque et aux «nouvelles glisses».
Comme l'indique le tribunal de l'Union européenne, il est exact que la réunion dans la marque contestée d'un élément figuratif comprenant les couleurs bleu-blanc-rouge et un élément verbal comprenant le mot «français» ne peut être interprétée par le public pertinent que comme une référence à la France.
Comme le tribunal l'indique également, le titulaire de la marque collective est un syndicat dont l'un des objets est de «regrouper les moniteurs et monitrices de ski titulaires d'un diplôme d'État, les stagiaires en formation ainsi que les moniteurs étrangers admis en équivalence exerçant en France ou à l'étranger la méthode d'enseignement du ski français», et que la mise en exergue par un tel syndicat d'éléments rappelant la France ne s'apparente pas à une tromperie manifeste ou ne comporte pas un risque grave de tromperie,»
Par ailleurs, le risque pour le consommateur pertinent d'assimiler l'école du ski français à un service public ou officiel ou disposant seul d'un agrément officiel dont ne disposeraient pas ses concurrents a désormais disparu dans un contexte concurrentiel où le service public est à l'évidence pour le consommateur pertinent réduit à une peau de chagrin et où toutes les activités d'enseignement de sports à risques comme le ski font nécessairement dans son esprit comme dans la réalité l'objet des mêmes réglementations et contrôles, comme le souligne le tribunal.
3 - sur l'absence de caractère distinctif des marques 1260329, 98714851, 98743162, 1582840
Selon l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle,
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a)  Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b)  Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;
c)  Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage.
La qualité à agir du Syndicat international des moniteurs de ski, qui n'est pas contestée par Syndicat national des moniteurs de ski français, laisse cependant intacte une interrogation sur ses griefs à l'égard des signes extérieurs d'une tradition française d'enseignement du ski qu'il entendait délaisser lors de sa création pour se projeter aux yeux d'une clientèle internationale sur des méthodes et une image fondées sur la modernité et l'innovation que l'école du ski français n'incarnait plus selon ses fondateurs.
Ces récriminations accréditent la paradoxalement la réalité comme la vigueur de cette tradition française d'enseignement du ski dont il conteste les marques.
C'est sur le fondement de l'usage que se justifie en l'espèce le caractère distinctif des marques collectives ESF : usage dans le temps, puisqu'il n'est pas contesté que les écoles du ski français sont utilisées depuis plus de 50 ans par le Syndicat national des moniteurs de ski français pour l'enseignement du ski, usage dans l'espace puisque plus de 200 stations de ski françaises accueillent ces écoles dans lesquelles plus de 16.000 moniteurs dispensent des cours de ski ou assimilés. C'est bien cet usage, voire ce parti pris de la tradition, qui confère à ces marques leur caractère distinctif, qui interdit de les confondre avec les autres écoles de ski, notamment du Syndicat international des moniteurs de ski.
La demande de nullité sur le fondement de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle sera rejetée.
4 - sur la concurrence déloyale
Les faits de concurrence déloyale fondés sur l'utilisation de marques utilisant les couleurs bleu-blanc-rouge ne seront pas retenus puisque le caractère régulier et distinctif de ces marques sur logos, médailles, vêtements ou récompenses, leur est reconnu ou n'est plus contesté devant la cour, et que leur seul usage ne peut avoir pour effet de les confondre avec un service de l'Etat compte tenu de la banalisation de l'usage de ces couleurs par des services privés. L'usage constant et traditionnel des pulls rouges depuis 1958 pour les moniteurs du Syndicat national des moniteurs de ski français ne peut pour les mêmes motifs être constitutif d'un acte de concurrence déloyale puisqu'il peut être porté par tout moniteur. La stylisation des insignes remis à l'issue des épreuves ou tests organisés par les ESF amène à écarter pour elles la qualification d'actes de concurrence déloyale.
Toutefois, le terme «officiel» attaché non à des produits (boisson officielle, fournisseur officiel), mais à des épreuves ou tests de niveau, laisse entendre que le Syndicat national des moniteurs de ski français est habilité, du fait de la notoriété et de l'ancienneté de ses niveaux (chamois, flèche...) à délivrer des diplômes reconnus par la Fédération Française de ski, de nature à leur conférer une valeur qu'ils n'ont pas par rapport à leurs concurrents.
A cet égard, le Syndicat national des moniteurs de ski français est malvenu de soutenir son absence de liens avec les pouvoirs publics lorsqu'il s'agit de défendre ses marques pour venir dans le même temps adjoindre à ses tests le qualificatif «d'officiel», ce qui, du fait de cet adjonction, est bien constitutif d'un acte de concurrence déloyale comme l'a relevé le premier juge.
Enfin, la création de marques en partenariat avec la Fédération Française de ski pour la création de compétitions spécifiques ne s'adressant pas au grand public ou à la clientèle des ESF mais à des catégories d'âges précises provenant pour la plupart de clubs ne peut constituer une captation illicite d'un marché du ski.
Le jugement sera ainsi confirmé dans toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
- confirme le jugement du tribunal de grande instance de < GRENOBLE du 10 septembre 2009 en ce qu'il a :
-  débouté le Syndicat international des moniteurs de ski de ses demandes fondées sur le droit des marques, a retenu comme seul acte de concurrence déloyale l'emploi du terme «officiel» pour qualifier les distinctions remises par l'ESF, et interdit l'usage de ce terme sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée,
-  ordonné la publication du dispositif de la décision dans le Dauphiné Libéré et le magazine SKI MAG,
Le réformant pour le surplus :
-  dit que la publication du dispositif du présent arrêt se fera aux frais avancés du Syndicat international des moniteurs de ski, dans la limite de 1.500 € par insertion,
-  condamne le Syndicat international des moniteurs de ski à lui payer la somme de 6.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP CALAS avoués à les recouvrer directement contre lui.