Cass. com., 3 juillet 2001, n° 98-22.995
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocats :
SCP Thomas-Raquin et Benabent, SCP Piwnica et Molinié
Avocat général :
M. Viricelle
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 octobre 1998), rendu sur renvoi après cassation (2e chambre civile, 10 juillet 1996, pourvoi n° 94-16.723, B. 208), que Mme Y... veuve X... a déposé le 9 août 1968 la marque complexe "Château de la noblesse" pour désigner des vins ; que son fils M. Jean-Pierre X... qui commercialise du vin sous la dénomination "Domaine de la noblesse" depuis 1970, a déposé à l'INPI, pour désigner les produits de la classe 33, notamment, le 26 février 1973, la marque nominale "Domaine de la noblesse", le 29 juillet 1980, cette même marque mais avec un modèle d'étiquette, puis le 7 octobre 1987 la marque nominale "Château de la noblesse" ; qu'estimant que les marques "Château de la noblesse" déposées par son frère Henri les 15 novembre 1985 et 21 juillet 1989 pour désigner les produits de la classe 33, constituaient une imitation frauduleuse de la marque "Domaine de la noblesse", M. Jean-Pierre X... a poursuivi judiciairement M. Henri X... ;
Attendu que M. Jean-Pierre X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, de lui avoir interdit de faire usage de l'expression "de la noblesse" à titre de marque, de nom commercial et/ou d'enseigne pour commercialiser des vins, d'avoir annulé le dépôt fait par lui de la marque "Château de la noblesse" et de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que l'existence d'un droit de marque sur une dénomination exclut la possibilité pour un tiers de détenir valablement un droit à un nom commercial sur la même dénomination ; que la cour d'appel ne pouvait en conséquence reconnaître à M. Henri X... postérieurement au 9 août 1968 le bénéfice à titre personnel d'un nom commercial sur la dénomination "Château de la noblesse" dès lors qu'elle attribuait à compter de cette même date à Mme veuve X... s'agissant des mêmes produits, le bénéfice d'un droit de marque vis-à-vis duquel M. Henri X... avait selon ses propres constatations la qualité de tiers ; que l'arrêt viole à cet égard les dispositions de la loi du 31 décembre 1964 applicable en la cause et l'article 1382 du Code civil en ce qu'il fonde la protection du nom commercial ;
2 / que M. Jean-Pierre X... faisait valoir dans ses conclusions que les actes de commercialisation invoqués par M. Henri X... n'auraient pu être valablement retenus, dès lors qu'il s'agissait de vins que s'ils étaient accompagnés d'actes de cautionnement et de l'utilisation de capsules congé de garantie, ce qui n'était pas établi ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que M. Henri X... utilisait la dénomination "Château de la noblesse" à titre de nom commercial pour produire et commercialiser des vins, de manière publique et ininterrompue depuis 1967, soit antérieurement au dépôt par Mme X..., le 9 août 1968 de la marque "Château de la noblesse" et par M. Jean-Pierre X... des marques "Domaine de la noblesse" et "Château de la noblesse" ; qu'il estime que le signe distinctif était constitué par l'expression "de la noblesse", et qu'il existait entre les différentes dénominations utilisées par des personnes physiques ayant le même nom patronymique pour désigner des vins produits dans des aires géographiques voisines, un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne ; qu'ayant déduit de ces constatations que M. Henri X... était fondé à se prévaloir de la priorité d'usage à titre de nom commercial de cette expression, laquelle rendait cette dénomination indisponible pour son concurrent, M. Jean-Pierre X..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre ce dernier dans le détail de son argumentation, a, répondant aux conclusions prétendument délaissées, pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Jean-Pierre X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille un.