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Décisions

CA Paris, 4e ch., 26 février 1997, n° M19970116

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

MEGAFONTE (SARL)

CA Paris n° M19970116

25 février 1997

FAITS ET PROCEDURE

Statuant sur l'appel interjeté par Monsieur K du jugement rendu le 9 novembre 1994 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS dans un litige l'opposant à la SARL MEGAFONTE et à Madame S.

Monsieur K se prévalant de droits sur la dénomination EURO FONTE qui remonteraient à JANVIER 1990 et faisant valoir qu'en dépit des engagements pris à son égard la SARL EUROFONTE continuait à faire usage de cette dénomination dans le cadre de ses activités et que Madame S n'avait pas procédé à la radiation de la marque EUROFONTE par elle déposée à l'Institut National de La Propriété Industrielle le 24 juin 1992 sous le n 92 423 968, les a par exploits en date des 26 mars et 15 novembre 1993 assignées devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS.

Il sollicitait outre les mesures habituelles d'interdiction et de publication, que soit prononcée la nullité de la marque EUROFONTE et sa radiation sous astreinte ainsi que la condamnation in solidum de la société EUROFONTE (MEGAFONTE) et de Mme S à lui payer la somme de 200.000 frs à titre de dommages et intérêts et ce avec exécution provisoire, outre une somme de 15.000 frs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Les défenderesses concluaient au débouté des demandes et reconventionnellement réclamaient paiement d'une somme de 20.000 frs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une même somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Le Tribunal retenant que la société EUROFONTE avait porté atteinte aux droits de K sur le nom de son entreprise en adoptant une dénomination identique pour exercer des activités très proches et en l'utilisant pendant un certain temps mais qu'en revanche celui ci ne justifiait pas de ce que le nom de son entreprise soit connu sur l'ensemble de son territoire, a par le jugement entrepris :

- dit que la société MEGAFONTE FRANCE avait commis des actes d'usurpation de la dénomination artisanale de K

- en tant que de besoin prononcé à son encontre des mesures d'interdiction sous astreinte,

- condamné MEGAFONTE FRANCE à payer à K la somme de 25.000 frs à titre de dommages et intérêts outre celle de 10.000 frs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

- rejeté le surplus des demandes.

Appelant selon déclaration du 31 mars 1995, M. KELES demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de sa demande en nullité de la marque EUROFONTE et sur le montant des dommages et intérêts.

Il sollicite que soit prononcée la nullité et la radiation sous astreinte de 2.500 frs par jour de retard de la marque EUROFONTE et que les intimées soient condamnées conjointement et solidairement à lui payer une somme de 200.000 frs à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 26 mars 1992 (en fait 1993) outre celle de 20.000 frs en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Les intimées prient la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. KELES de sa demande en nullité de la marque EUROFONTE.

Formant appel incident pour le surplus, ils prient la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a interdit à MEGAFONTE d'utiliser la dénomination MEGAFONTE et l'a condamnée à payer à M. KELES les sommes de 25.000 et 10.000 frs.

Par ailleurs ils réclament paiement de la somme de 20.000 frs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle de 20.000 frs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

DECISION

I - SUR LA DEMANDE EN NULLITE DE MAROUE

Considérant que le 24 juin 1992 Madame S a déposé une marque complexe pour désigner en classe 14 les métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes, joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques.

Que cette marque a été enregistrée sous le n 92 423968.

Considérant que M. KELES fait valoir qu'il est bien fondé à solliciter la nullité de cette marque dans la mesure où elle porte atteinte à ses droits antérieurs sur son nom commercial EUROFONTE lequel selon lui, bénéficie d'une notoriété nationale incontestable.

Considérant que les intimées répliquent que d'une part M. KELES n'est titulaire d'aucune marque antérieure à celle de Madame S, d'autre part qu'il ne démontre pas que son nom commercial soit notoire.

Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés que l'article L 711 - 4 c du Code de la Propriété Intellectuelle applicable aux faits de la cause compte tenu de la date du dépôt de la marque incriminée, stipule que : "ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à ... un nom commercial ou à une enseigne connus de l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public".

Considérant qu'en l'espèce il est établi tant par les extraits du registre de la chambre des métiers du Val de Marne et du répertoire national des entreprises et de leurs établissements que par le bulletin de souscription à l'annuaire PARIS BIJOUX édition 1991 qu'antérieurement au dépôt de la marque litigieuse, M. KELES a fait usage de la dénomination EUROFONTE à titre de nom commercial.

Mais considérant qu'un nom commercial antérieur ne peut être valablement opposé à une marque postérieure qu'à la condition tout d'abord d'être connu de l'ensemble du territoire national.

Que cette connaissance doit être établie à la date du dépôt de la marque.

Or considérant que M. KELES qui se contente sur ce point de communiquer un bulletin de souscription en date du 29 juin 1990 à l'annuaire PARIS BIJOUX (l'annuaire AZUR étant celui de l'année 1993) ne rapporte pas la preuve de ce qu'il était connu en juin 1992 sous le nom EUROFONTE sur l'ensemble du territoire national pour ses activités de fonte à cire perdue et fonte de métaux non ferreux.

Qu'en particulier aucun papier commercial, aucune facture ou bon de commande portant ce nom commercial n'est versé aux débats.

Qu'en conséquence pour ce seul motif et sans qu'il soit besoin de rechercher s'il existe un risque de confusion entre la marque et le nom commercial, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. KELES de sa demande en nullité de la marque 92 423968.

Qu'il s'ensuit que M. KELES ne peut faire grief aux intimées de continuer à faire usage de cette marque.

II - SUR L'ATTEINTE AU NOM COMMERCIAL

Considérant que la SARL MEGAFONTE fait valoir que la décision d'interdiction prise à son encontre par les premiers juges n'a aucun objet dès lors que depuis plus de trois ans elle n'utilise plus la dénomination EUROFONTE après l'avoir portée pendant à peine trois mois

Qu'elle ajoute qu'elle a agi avec la plus parfaite bonne foi dans la mesure où les recherches d'antériorités auxquelles elle a procédé avant l'immatriculation de la société, n'ont révélé l'existence d'aucune marque, d'aucune dénomination sociale ou commerciale EUROFONTE.

Qu'enfin elle expose qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les deux entreprises, leurs activités étant différentes et que M. KELES ne justifie d'aucun préjudice.

Considérant que M. KELES réplique que bénéficiant d'un droit privatif antérieur sur le nom commercial EUROFONTE, la société intimée a commis une faute constitutive de concurrence déloyale en adoptant ce terme à titre de dénomination sociale.

Qu'il prétend également avoir subi un préjudice important et réclame paiement de la somme de 200.000 frs.

Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés qu'il est établi par les documents communiqués que M. KELES exerce depuis mai 1990 des activités de fondeur de bijoux, fondeur de métaux non ferreux sous le nom commercial EUROFONTE.

Qu'il a tout d'abord été installé à ALFORTVILLE puis à compter de janvier 1991 à PARIS 9ème rue Richer.

Considérant par ailleurs qu'il est constant que la société intimée a été immatriculée le 25 mai 1992 au registre du commerce sous la dénomination sociale EUROFONTE en indiquant que ses activités étaient les suivantes : création, fabrication notamment à partir de matières premières de bijouterie fantaisie et tous accessoires et objets fantaisie.

Que son siège social est [...].

Considérant que la création de bijoux impliquant la fonte préalable de métaux, l'intimée est mal fondée à soutenir que ses activités diffèrent de celles de l'appelant.

Considérant que les premiers juges ont justement retenu que l'adoption par la société intimée d'une dénomination identique pour exercer des activités très proches, voire en partie similaires était de nature à générer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle des deux entreprises qui sont implantées dans deux arrondissements voisins de Paris.

Qu'au demeurant M. KELES justifie par la production d'une facture émanant de la société ANDERSEN CHIMIE qui lui fut adressée alors qu'elle était destinée à l'intimée, de la réalité du risque de confusion.

Considérant par ailleurs qu'outre le fait que la société intimée n'établit avoir effectué des recherches d'antériorités qu'au niveau des marques à l'exclusion des registres de commerce et des métiers, la bonne foi dont elle se prévaut ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans la mesure où la matérialité même de l'usurpation suffit à l'engager en dehors de tout élément intentionnel.

Considérant en revanche que la société EUROFONTE prouve avoir adopté dès le 5 octobre 1992, soit moins de 4 mois après la mise en demeure que lui avait adressé M. KELES, une nouvelle dénomination sociale MEGAFONTE et cessé dès cette date de faire usage de l'ancienne.

Que M. KELES ne rapporte pas la preuve que plusieurs de ses clients aient été induits en erreur.

Que dans ces conditions le préjudice essentiellement moral par lui subi sera justement réparé par le versement d'une somme de 15.000 frs.

Que la société intimée ayant procédé aux mesures de publication en ce qui concerne son changement de dénomination sociale, les mesures d'interdiction sollicitées ne se justifient pas.

III - SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que les intimées qui succombent pour partie ne sauraient qualifier d'abusive la procédure diligentée à leur encontre.

Qu'elles seront donc déboutées de leur demande en paiement de dommages et intérêts.

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à l'une ou l'autre des parties pour les frais hors dépens par elles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à M. KELES et en ce qu'il a prononcé des mesures d'interdiction,

Le réformant de ces chefs et statuant à nouveau,

Condamne la société MEGAFONTE FRANCE à payer à M. KELES la somme de QUINZE MILLE FRANCS (15.000 frs) à titre de dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu de prononcer des mesures d'interdiction à l'encontre de cette société,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Monsieur K aux dépens d'appel.