Cass. com., 2 février 2016, n° 14-21.338
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Passplast (Sté), SCP Silvestri-Baujet (ès qual)
Défendeur :
Robba Di Noi (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Didier et Pinet, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Passplast et la SCP Silvestri-Baujet, ès qualités, font grief à l'arrêt d'annuler les marques « Stick me up » et « Picto Home » déposées par la société Passplast à l'INPI le 4 juin 2008 alors, selon le moyen :
1°) qu'en déduisant l'intention frauduleuse de la société Passplast, au jour du dépôt des marques litigieuses, de la connaissance qu'elle avait de l'exploitation antérieure de ces marques par la société Robba Di Noi, la cour d'appel a violé l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;
2°) qu'en s'abstenant de rechercher si, ainsi qu'elle le faisait valoir dans ses conclusions, la société Passplast n'avait pas pu, de bonne foi, penser qu'elle détenait des droits concurrents sur les marques litigieuses, en considération de ce que les objets désignés par ces marques avaient fait l'objet de mises au point et de modifications de dessin lors de leur fabrication par la société Passplast, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et principe fraus omnia corrumpit ;
Mais attendu que l'arrêt relève d'abord qu'il ressort des factures d'imprimerie des plaquettes et brochures publicitaires que la société Robba Di Noi a fait usage de la dénomination « Stick me up » dès le mois de janvier 2007, en vue de la commercialisation des lettres abécédaires auprès notamment de la société Leroy Merlin ; qu'il relève ensuite que la société Robba Di Noi a adressé le 20 septembre 2007 l'ensemble des fichiers des dessins dénommés « Picto Home » à la société Passplast, afin de chiffrer le coût unitaire et de fabriquer une série de pictogrammes, et qu'elle a, selon contrat de cession du 20 décembre 2007, acquis les droits sur cette appellation auprès du graphiste qui l'avait créée ; qu'il retient en outre que, si la mention comme fournisseur de la société Passplast démontre sa participation au développement des produits « Stick me up » et « Picto Home » qu'elle fabriquait, toutefois, le fait que ces derniers ne soient jamais vendus sans la référence à la marque « Wall 4 Me », identifiant la société Robba Di Noi, établit que celle-ci a toujours réalisé la conception et la commercialisation de ces produits désignés sous ces appellations en association avec sa marque initiale et que, par conséquent, leur dépôt à titre de marques, par la société Robba Di Noi, était légitime pour garantir les droits de celle-ci sur ces dénominations après la rupture de ses relations commerciales avec la société Passplast ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui s'est placée au moment du dépôt et a pris en considération l'ensemble des circonstances de l'espèce, a exactement déduit, sans avoir à faire la recherche inopérante invoquée par la seconde branche, que les marques litigieuses avaient été déposées en fraude des droits antérieurs de la société Robba Di Noi, pour priver celle-ci de son activité commerciale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Passplast et la SCP Silvestri-Baujet, ès qualités, font grief à l'arrêt de dire que la société Passplast et la société Leroy Merlin ont contrefait les marques « Wall 4 Me », « Stick me up » et « Picto Home » de la société Robba Di Noi et de condamner la société Passplast in solidum avec la société Leroy Merlin à payer à la société Robba Di Noi des dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de ses marques alors, selon le moyen :
1°) que la société Passplast faisait valoir qu'elle n'était pas l'auteur de la suppression des marques litigieuses sur les produits vendus par la société Leroy Merlin ; qu'en retenant que la société Passplast avait commercialisé les produits en cause sous sa propre référence « 3 D'ZIF », avec suppression ou dissimulation de la marque antérieure appartenant à la société Robba Di Noi sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) que, dans ses conclusions d'appel, la société Passplast faisait valoir qu'elle n'était pas l'auteur de la suppression des marques litigieuses sur les produits vendus par la société Leroy Merlin ; qu'en retenant qu'il n'était pas contesté que c'était un employé de la société Passplast qui avait procédé aux modifications sur les emballages des produits pour retirer ou masquer les marques de la société Robba Di Noi après le 3 juin 2008, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Passplast en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé le 29 juillet 2008 dans le magasin de la société Leroy Merlin de Bouliac qu'il a été procédé à l'achat de lettres « stickers » vendues sous la désignation « 3 D'ZIF » dans des pochettes sur lesquelles la marque « Stick me up » était recouverte au marqueur vert foncé ou noir, mais ayant conservé le code-barres défini par la société Robba Di Noi, de deux « blisters » en plastique contenant un miroir adhésif « Picto Home », dont la partie sur laquelle figurait la marque « Wall 4 Me » avait été déchirée, et de deux cartons de miroirs adhésifs portant la mention « Dolce Design », dont l'étiquette avait été déchirée en partie supérieure, à l'emplacement de la marque « Wall 4 Me », mais portait les codes-barres indiqués dans la plaquette des tarifs au 1er août 2007 de la société Robba Di Noi ; que de ces constatations, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions par lesquelles la société Passplast niait toute implication, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, a exactement déduit qu'en commercialisant les produits en cause sous sa propre référence « 3 D'ZIF », avec suppression ou dissimulation de la marque antérieure appartenant à la société Robba Di Noi, la société Passplast avait commis des actes de contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société Passplast et la SCP Silvestri-Baujet, ès qualités, font grief à l'arrêt de dire que la société Passplast a rompu abusivement ses relations contractuelles avec la société Robba Di Noi et a employé des procédés parasitaires et frauduleux envers celle-ci constituant une concurrence déloyale et de condamner la société Passplast à payer à la société Robba Di Noi la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'en imputant à faute à la société Passplast le caractère injustifié de la rupture quand l'absence de justification donnée à la rupture d'un contrat à durée indéterminée ne constitue pas une faute, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que toute partie à un contrat à durée indéterminée peut mettre fin unilatéralement à celui-ci, à condition de respecter un juste préavis, sauf manquement grave de l'autre partie ; qu'ayant relevé que la société Passplast avait pris l'initiative de la rupture par lettre du 29 mai 2008, sans aucunement justifier des discussions préalables et des promesses invoquées dans cette lettre, en notifiant brusquement la cessation immédiate des relations commerciales avec la société Robba Di Noi, en lui imposant unilatéralement un nouveau mode de calcul de commissions applicable rétroactivement au 1er mai 2008 et en facturant, à sa seule initiative, des frais de participation aux dépenses de développement, non convenus contractuellement, cependant qu'elle n'avait pas réglé les commissions dues à cette société depuis octobre 2007, la mettant en difficulté financière et commerciale, notamment à l'égard de la société Leroy Merlin, la cour d'appel a pu estimer que la société Passplast avait mis fin à ces relations commerciales de façon abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Passplast à payer à la société Robba Di Noi la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par le dépôt frauduleux des marques « Stick me up » et « Picto Home », l'arrêt retient que le fait d'avoir déposé abusivement, le 4 juin 2008, ces marques, sur lesquelles elle savait que la société Robba Di Noi était titulaire de droits antérieurs, a causé à cette dernière un préjudice, lié au risque commercial et aux tracas engendrés ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait condamné la société Passplast à payer à la société Robba Di Noi la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant pour celle-ci, tant de la rupture brutale de leurs relations commerciales que de son comportement déloyal ayant consisté notamment, dans les jours ayant suivi cette rupture, à procéder au dépôt de ces deux marques, dans le but d'évincer la société Robba Di Noi du marché qu'elle avait créé, la cour d'appel, qui a procédé à une double indemnisation du même préjudice, a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Passplast à payer à la société Robba Di Noi la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour dépôt frauduleux de marque, l'arrêt rendu le 5 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux.