Cass. com., 2 février 2016, n° 14-24.714
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Nergeco (Sté)
Défendeur :
Maviflex (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2014), que la société Maviflex, spécialisée dans les portes automatiques dans le secteur industriel, a, le 26 novembre 2009, déposé la marque verbale française « Maviflex, la barrière climatique souple », enregistrée sous le numéro 3 694 075 pour désigner des produits et services des classes 6, 19 et 42 ; que la société Nergeco France (la société Nergeco), qui utilise depuis 1993 l'expression « barrière climatique souple » comme slogan pour désigner certains de ses produits, estimant que la marque avait été déposée en fraude de ses droits, a assigné la société Maviflex en nullité de la marque et paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Maviflex fait grief à l'arrêt de dire que l'enregistrement de la marque « Maviflex, la barrière climatique souple » sous le numéro 3 694 75 a été effectué en fraude des droits de la société Nergeco, de prononcer l'annulation de cette marque pour tous les produits et services des classes 6, 19 et 42 et de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°) que la connaissance qu'a le demandeur à l'enregistrement de l'utilisation antérieure par un tiers du signe, objet de cet enregistrement, ne suffit pas à établir sa mauvaise foi ; qu'en énonçant au contraire que l'intention frauduleuse consistait « dans la connaissance par le déposant de l'existence d'un signe utilisé par un concurrent comme signe distinctif pour identifier un de ses produits ou une de ses activités », pour conclure directement de la connaissance qu'aurait eue la société Maviflex de l'utilisation par la société Nergeco de l'expression « la barrière climatique souple » au caractère frauduleux du dépôt de cette expression à titre de marque, la cour d'appel a violé l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et la règle « fraus omnia corrumpit » ;
2°) que pour se prononcer sur la mauvaise foi de l'auteur du dépôt de marque et le caractère frauduleux de ce dépôt, le juge doit prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce, notamment le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l'enregistrement est demandé ; qu'en se bornant à relever, pour décider que le dépôt de la marque « Maviflex, la barrière climatique souple » procédait d'une intention de nuire à la société Nergeco, que la société Maviflex avait connaissance de l'utilisation de cette expression par cette société sans procéder à aucune recherche concernant l'ancienneté, la durée et l'intensité de l'utilisation de l'expression considérée par la société Nergeco, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et de la règle « fraus omnia corrumpit » ;
3°) que pour apprécier l'existence de la mauvaise foi et le caractère frauduleux du dépôt de la marque, le juge doit prendre en considération l'intention du demandeur au moment du dépôt telle que cette intention peut être déterminée en référence aux circonstances objectives du cas d'espèce ; qu'en décidant que le dépôt de la marque par la société Maviflex procédait d'une intention de nuire à la société Nergeco pour la raison qu'un litige, qui avait d'ailleurs un tout autre objet, opposait les parties, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et de la règle « fraus omnia corrumpit » ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé, d'un côté, que le dépôt d'une marque est frauduleux lorsqu'il est effectué dans l'intention maligne de porter atteinte à des intérêts préexistants ou de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité et, de l'autre, que l'intention frauduleuse consiste dans la connaissance, par le déposant, de l'existence d'un signe utilisé par un concurrent comme signe distinctif pour identifier un de ses produits ou une de ses activités, l'arrêt relève que la société Maviflex avait eu connaissance du slogan « barrière climatique souple grandes dimensions », au moins depuis 1993, date à laquelle la société Nergeco avait fait imprimer deux mille exemplaires de brochures commerciales portant ce titre, et que l'utilisation de cette expression par la société Nergeco, antérieurement au dépôt de la marque, ressortait d'une pièce que cette dernière avait communiquée à l'occasion d'une procédure engagée à l'encontre de la société Maviflex en 2006 ; qu'il relève encore que les sociétés Nergeco et Maviflex opèrent, la première en numéro un et la seconde en numéro deux, sur le marché identique et restreint des portes automatiques industrielles et retient que la société Maviflex, lorsqu'elle a procédé au dépôt d'un signe identique au slogan en y ajoutant sa dénomination sociale, connaissait la part détenue sur ce marché par la société Nergeco ; que de ces constatations et appréciations souveraines, dont elle a déduit que le dépôt de la marque avait été fait par la société Maviflex dans l'intention de priver la société Nergeco d'un signe nécessaire à la poursuite de son activité, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, a retenu à bon droit le caractère frauduleux de ce dépôt ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.