Cass. com., 15 janvier 2002, n° 99-12.983
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat général :
M. Viricelle
Avocat :
SCP Bachellier et Potier de la Varde
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 1999), que la société Nevada Bob's Pro Shop Inc. (société Nevada) qui fabrique et commercialise des produits d'équipement de sport est titulaire aux Etats-Unis de la marque complexe "Nevada X..." et de la marque dénominative "Nevada Bob's" ; que courant mai 1988, les dirigeants de cette société qui avaient entrepris une étude d'implantation en Europe, ont proposé à M. Y... qui, désirant exploiter en France un magasin d'articles de golf avait contacté dans ce but plusieurs diffuseurs américains, un contrat de franchise d'une durée de dix ans, prévoyant notamment que le franchisé aurait la faculté d'utiliser les marques de la société Nevada mais ne pourrait les faire enregistrer; qu'après rupture des négociations début août 1988, M. Y... a déposé, auprès de l'INPI, le 9 novembre 1988, la marque complexe "Nevada Bob's", enregistrée en classe 38 pour désigner des produits et articles de sport, notamment, golf tennis et ski, caractérisée par la reproduction quasi-servile du personnage illustrant les marques de la société Nevada, puis le 19 mars 1993 , les marques complexes "Nevada Golf" et "Eurogreens" , enregistrées en classes 18, 25 et 28, reproduisant le même personnage ;
qu'alléguant que l'enregistrement de ces marques avait été effectué en fraude de ses droits, la société Nevada qui poursuivait son projet d'implantation en France, a assigné M. Y... et le mandataire liquidateur de la société Frangepar, en liquidation judiciaire, en annulation de marques et réparation du préjudice subi du fait du dépôt frauduleux de ces marques ;
Sur le premier moyen :
Attendu, que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation des marques dont il est titulaire et de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le dépôt en France à titre de marque d'une dénomination utilisée à l'étranger ne peut être regardé comme frauduleux que si le déposant avait connaissance à la date du dépôt d'un projet d'exploitation en France de produits sous cette dénomination et n'a déposé la marque que dans l'intention d'y faire obstacle ; qu'en déduisant l'intention de s'implanter en France de la société Nevada des contacts qu'elle avait eus en 1988 avec lui, sans constater l'existence à l'époque d'un véritable projet d'implantation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 712-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'en déposant peu après la rupture de ses pourparlers avec une société dont il n'ignorait pas l'intention de s'implanter en France par le biais de franchise telle que celle qui lui avait été proposée et qui excluait tout droit au dépôt des signes distinctifs de ladite société, des marques qui en reproduisaient de manière quasi-servile l'élément figuratif, et à l'identique l'élément dénominatif, pour désigner des produits semblables, M. Y... a agi dans le seul but de devancer en France le dépôt de marques étrangères, de disposer d'un moyen légal de s'opposer à tout dépôt ultérieur et de faire obstacle à l'introduction en France des produits commercialisés par la société Nevada ; qu'ayant ainsi constaté l'existence d'un projet d'implantation en France de la société Nevada et caractérisé la fraude commise par M. Y... qui connaissait ce projet, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts à la société Nevada, alors, selon le moyen, qu'en s'en tenant à la seule référence aux éléments d'information versés aux débats sans caractériser la matérialité du préjudice causé à la société Nevada par le dépôt des marques litigieuses, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le pourvoi ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les appréciations souveraines des juges du fond sur l'existence et le montant du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.