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Décisions

Cass. com., 23 octobre 2012, n° 11-14.557

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Bertrand, Me Ricard

Paris, du 11 févr. 2011

11 février 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2011), que depuis le début du vingtième siècle, l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a recours, afin de permettre aux usagers d'établir l'existence d'un document à une date certaine, au procédé dit de l'enveloppe Soleau ; que poursuivant l'objectif de proposer des dépôts sous forme électronique et des " services Soleau électroniques ", l'INPI a, en 2001, conclu avec la société de droit anglais Ideas § Patents un contrat destiné à examiner l'opportunité d'un partenariat ; que les relations contractuelles ont été rompues à la fin de l'année 2003 ; que le 10 novembre 2004, M. X... a déposé à l'INPI la marque " e-soleau ", enregistrée sous le n° ... pour les produits et services des classes 09, 35, 38 et 42 ; qu'ayant découvert que la société de droit français Idées et Patentes, dont M. X... est le gérant, titulaire de divers noms de domaine incluant le terme " e-soleau ", offrait un service de dépôt présenté comme l'équivalent de l'enveloppe Soleau sous la dénomination " e-soleau " et se présentait comme titulaire d'une licence d'exploitation de la marque " e-soleau " déposée par M. X..., l'INPI a fait assigner ce dernier ainsi que la société Idées et Patentes et demandé l'annulation de cette marque ainsi que le transfert à son profit des noms de domaine litigieux et le paiement de dommages-intérêts ; que M. X... et la société Idées et Patentes ont formé diverses demandes reconventionnelles ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... et la société Idées et Patentes font grief à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes formées par l'INPI alors, selon le moyen :

1°) que le caractère frauduleux du dépôt d'une marque s'analyse à la date de ce dépôt ; qu'en se fondant exclusivement sur le comportement de la société Idées et Patentes et de M. X... après le dépôt de la marque « e-soleau » pour en déduire la fraude, la cour d'appel a violé l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et le principe " fraus omnia corrumpit " ;

2°) que la fraude est caractérisée par la méconnaissance volontaire des intérêts d'un tiers, notamment pour gêner son activité ; que la cour d'appel ayant souverainement constaté que l'usage des enveloppes soleau n'est pas propre à l'INPI et que l'INPI ne peut se prévaloir d'une atteinte à des droits antérieurs sur le terme « enveloppe soleau », n'a nullement caractérisé quels intérêts auraient été volontairement bafoués par M. X... et la société Idées & Patentes ni en quoi le dépôt de la marque « e-soleau » aurait été effectué dans l'intention de priver l'INPI d'un signe nécessaire à son activité ; qu'elle a ainsi violé par fausse application l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et le principe " fraus omnia corrumpit " ;

3°) que la fraude est caractérisée par la méconnaissance volontaire des intérêts d'un tiers, notamment pour gêner son activité ; qu'en ne montrant pas en quoi, après la rupture des relations entre la société britannique Ideas & Patents Ltd et l'INPI, ce dernier persistait à avoir un projet, connu de M. X..., de dématérialiser le service « enveloppe Soleau » projet suffisamment sérieux pour que le dépôt soit une fraude et non la mise en oeuvre d'une concurrence licite, d'autant que l'INPI avait accepté le dépôt de la marque à deux reprises, en 1998 puis en 2004, et n'avait pas réagi pendant plusieurs années, la cour d'appel a violé l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et le principe " fraus omnia corrumpit " ;

4°) qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'INPI, avant le dépôt de la marque, n'avait pas explicitement fait savoir qu'il n'entendait pas empêcher la société Idées et Patentes de développer des projets parallèles, de sorte que le dépôt d'une marque destiné précisément au développement d'un tel projet ne pouvait pas constituer une fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et du principe " fraus omnia corrumpit " ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat conclu en 2001 avait pour objet l'examen de l'opportunité d'un partenariat entre l'INPI et la société Ideas & Patents, et relevé que le dirigeant de cette dernière avait indiqué qu'il avait pour opérateur français la société Idées et Patentes, l'arrêt relève encore qu'il résulte des termes de ce contrat que l'INPI souhaitait proposer des services de dépôt en ligne dénommés " services soleau électronique " et que les relations contractuelles portant sur ce projet, dénommé par les contractants " enveloppe soleau électronique ", ont été rompues en décembre 2003 ; qu'il retient qu'il en résulte que M. X... et la société Idées et Patentes avaient une parfaite connaissance de l'existence du service " enveloppe soleau " que fournit l'INPI ainsi que de la dénomination que celui-ci projetait d'adopter pour son futur service et qu'en déposant la marque " e-soleau " le 10 novembre 2004, soit peu de temps après qu'eut été écarté le projet de collaboration initié trois ans plus tôt, pour développer une activité identique à celle de l'INPI, M. X... et la société Idées et Patentes ont agi avec l'intention de priver celui-ci de l'usage d'un terme nécessaire au développement de son activité et de nuire à ses intérêts ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel qui s'est placée au moment du dépôt et a pris en considération l'ensemble des circonstances de l'espèce, a exactement déduit, sans avoir à faire la recherche inopérante visée par la dernière branche, que la marque litigieuse avait été déposée en fraude des droits de l'INPI ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le rejet du premier moyen rend le second sans objet ; qu'il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.