CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 1 mars 2016, n° 15/16171
PARIS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mme Auroy, Mme Douillet
Avocats :
Me Guerrini , Me Blanchard
SUR CE,
Considérant que M. D. est titulaire de la marque verbale française MARAIS n° 13 4049340 déposée le 22 novembre 2013, désignant notamment les produits suivants de la classe 18 : 'Malles et valises ; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir, à savoir sacs de voyages, sacs de sport ; sacs à main, sacs de voyage (non en cuir ou imitation du cuir), sacs à dos ; sacs de plage, cartables, porte documents, mallettes pour documents, serviettes (maroquinerie) ; bourses, portefeuilles, portemonnaie non en métaux précieux, étuis pour clefs (maroquinerie). Cuir et imitations du cuir ;
Que M. D. a demandé l'enregistrement de la marque verbale LES MARAISIENS notamment pour les produits, relevant des classes 18 et 25, suivants : 'Cuir et imitations du cuir ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; portefeuilles ; portemonnaie ; porte cartes de crédit (portefeuilles) ; sacs ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette ; colliers ou habits pour animaux ; filets à provisions' (classe 18) et 'Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements (classe 25) ;
Considérant que pour reconnaître partiellement justifiée l'opposition formée par M. D. à l'encontre de cette demande d'enregistrement, le directeur général l'INPI a retenu notamment qu'en raison de l'identité et de la similarité d'une partie des produits en présence ('Cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; portefeuilles ; portemonnaie ; porte cartes de crédit (portefeuilles) ; sacs ; peaux d'animaux ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette ; filets à provision') et de l'imitation de la marque antérieure par le signe contesté, il existait globalement un risque de confusion sur l'origine de ces marques pour le consommateur concerné ;
Considérant que dans son recours, M. D. demande le rejet des pièces nouvelles 1 à 5 produites par M. D., l'annulation partielle de la décision du directeur général de l'INPI en ce qu'elle a retenu que l'opposition était partiellement justifiée pour les produits 'Cuir et imitations du cuir ; peaux d'animaux ; malles et valises ; portefeuilles ; portemonnaie ; porte cartes de crédit (portefeuilles) ; sacs ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette ; filets à provision et la condamnation de M. D. à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'il fait valoir, pour l'essentiel, que les 'coffrets destinés à contenir les affaires de toilette ; filets à provision et peaux d'animaux désignés dans la demande d'enregistrement ne peuvent être jugés similaires, respectivement, aux articles de maroquinerie en cuir ou imitation du cuir, à savoir sacs de voyages, sacs de sport' et 'cuir' désignés dans la marque revendiquée et que les signes en cause présentent d'importantes différences visuelles, phonétiques et conceptuelles ;
Considérant que le directeur général de l'INPI fait valoir, pour l'essentiel, que les peaux d'animaux de la demande d'enregistrement et le cuir de la marque antérieure présentent les mêmes nature et destination, s'entendant tous deux de peaux d'animaux, brutes ou préparées, destinées à entrer dans la composition d'autres objets (habillement, maroquinerie, ameublement...) et qu'ils visent la même clientèle, à savoir les professionnels chargés de transformer ces matériaux en produits finis ; que de même, les coffrets destinés à contenir les affaires de toilette et filets à provision de la demande d'enregistrement, comme les articles de maroquinerie en cuir ou imitation du cuir (sacs de voyages, sacs de sport) de la marque antérieure, présentent les mêmes nature et destination, s'entendant de contenants servant à ranger ou à transporter divers articles et étant généralement commercialisés dans les mêmes magasins de maroquinerie ou de bagagerie ; que par ailleurs, il existe entre les signes des ressemblances d'ensemble manifestes pouvant conduire le public à les considérer comme de simples déclinaisons appartenant à des entreprises économiquement liées ; qu'en effet, outre d'importantes ressemblances aux plans visuel et phonétique, le signe contesté apparaît intellectuellement comme dérivant de la marque antérieure, le néologisme LE MARAISIEN étant construit selon les règles habituelles de la grammaire française avec le suffixe 'IEN' pour désigner les habitants d'un lieu, de sorte que le consommateur percevra le signe contesté comme se référant aux habitants d'un espace naturel lié à un marais ou aux habitants du célèbre quartier parisien du Marais ;
Considérant que M. D. poursuit le rejet du recours de M. D. et sa condamnation à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'il fait valoir, pour l'essentiel, que compte tenu d'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, la marque litigieuse constitue l'imitation illicite de sa marque antérieure 'MARAIS' ; que les produits pour lesquels l'opposition a été reconnue justifiée sont identiques pour certains ou similaires pour d'autres aux produits visés par la marque antérieure ; que les deux marques 'MARAIS' et 'LES MARAISIENS' sont extrêmement proches, du point de vue visuel, phonétique mais surtout intellectuel en ce que, dans l'esprit du public, la seconde ne peut désigner que les habitants du Marais ; que le risque de confusion résulte de la similarité ou de l'identité des produits en cause, de la distinctivité de la marque antérieure et de la similarité des signes ;
Sur les pièces nouvelles produites en appel par M. D.
Considérant qu'un recours exercé contre une décision du directeur général de l'INPI se prononçant sur une opposition n'emportant aucun effet dévolutif, doivent être écartées des débats les nouvelles pièces qui n'ont pas été produites lors de la procédure d'opposition ;
Qu'en l'espèce, les pièces 1 à 5 produites par M. D. devant la cour ne l'ont pas été à l'appui de son opposition formée devant le directeur général de l'INPI à l'encontre de la demande d'enregistrement de la marque 'LES MARAISIENS' déposée par M. D. ; qu'il convient en conséquence d'écarter ces pièces des débats ;
Sur le bien-fondé du recours
Sur la comparaison des produits
Considérant que M. D. demande dans le dispositif de ses écritures l'annulation de la décision de l'INPI pour tous les produits pour lesquels l'opposition a été déclarée justifiée ; que toutefois, il résulte de l'exposé de ses moyens qu'il ne critique pas la décision en ce qu'elle a retenu l'identité ou la similarité entre les produits visés par la marque antérieure et les produits suivants de la demande d'enregistrement :' Cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; portefeuilles ; portemonnaie ; porte cartes de crédit (portefeuilles) ; sacs' ;
Considérant que M. D. fait valoir pertinemment que les 'peaux d'animaux' de la demande d'enregistrement ne sont pas similaires au 'cuir' de la marque antérieure, les premières désignant des matières brutes qui ne sont pas exclusivement destinées à la fabrication des cuirs, s'adressant à un public différent de professionnels compétents pour traiter ces matières brutes et n'ayant pas le même réseau de distribution ; que dès lors, la circonstance que les 'peaux d'animaux' et le 'cuir' puissent entrer dans la composition de mêmes articles d'habillement, de maroquinerie ou d'ameublement ne suffit pas à établir leur similarité ;
Que, de même, M. D. critique à juste raison la décision du directeur général de l'INPI en ce qu'elle a retenu que les 'filets à provision' de la demande d'enregistrement sont similaires aux 'articles de maroquinerie en cuir ou imitation du cuir, à savoir sacs de voyages, sacs de sport' de la marque antérieure 'MARAIS' ; qu'en effet, la nature commune de contenants de ces produits ne suffit pas à établir leur similarité, les filets à provision, qui ont pour fonction de permettre le transport d'achats essentiellement alimentaires, sont généralement composés de plastique ou de tissu et non de cuir ou de matière imitant le cuir et ne sont pas commercialisés dans les mêmes boutiques que les 'articles de maroquinerie en cuir ou imitation du cuir' mais, le plus souvent, dans des drogueries ou au sein même des magasins d'alimentation et à un coût très inférieur à celui des produits de maroquinerie visés par la marque antérieure ;
Qu'en revanche, les critiques de M. D. ne sont pas justifiées en ce qui concerne la similarité retenue par la décision contestée entre les 'coffrets destinés à contenir des affaires de toilette' de la demande d'enregistrement et les 'articles de maroquinerie en cuir ou imitation du cuir, à savoir sacs de voyages, sacs de sport' de la marque antérieure ; que les 'coffrets destinés à contenir des affaires de toilette' sont, en effet, des articles permettant de contenir des articles de toilette à l'occasion de déplacements (voyages...), fréquemment réalisés en cuir ou matières imitant le cuir et pouvant être commercialisés dans les mêmes boutiques de maroquinerie ; qu'il s'agit donc de produits similaires, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune ;
Sur la comparaison des signes
Considérant, en ce qui concerne la comparaison des signes, que la marque contestée n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments la composant, il convient de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion, incluant le risque d'association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ;
Considérant que visuellement, si les deux signes comportent une séquence commune de cinq lettres identiques (MARAIS) qui constitue l'intégralité de la marque antérieure, le signe contesté est composé de deux mots, l'article LES étant placé en position d'attaque et introduisant le mot 'MARAISIENS', le tout représentant 13 lettres, de sorte que le signe contesté est près de deux fois plus long que la marque 'MARAIS' ; que les signes diffèrent ainsi par leur structure, leur attaque, leur longueur et leur terminaison ;
Considérant que phonétiquement, les signes se distinguent par leur longueur (deux syllabes dans MARAIS et quatre dans LES MARAISIENS), leur sonorités d'attaque et finale ;
Considérant que conceptuellement, le terme 'MARAIS' ne désigne aucune ville dont les habitants seraient les 'maraisiens' ; qu'en admettant qu'il existait, comme l'indique M. D., un ancien faubourg de Douai dénommé 'Frais Marais' dont les habitants étaient désignés par l'expression 'frais maraisiens', ces informations ne sont pas connues du consommateur moyen de référence ; que le terme 'maraisiens' ne figure dans aucun dictionnaire et qu'il s'agit d'un néologisme ; qu'il n'est nullement évident que cette expression de fantaisie évoque pour le consommateur moyen de référence les habitants des espaces naturels que constituent des marais, ni ceux du quartier parisien du Marais, lequel, comme l'observe le requérant, n'est pas nécessairement connu par le consommateur français de culture moyenne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le signe contesté ne constitue pas une imitation de la marque antérieure et qu'il ne laissera pas penser au consommateur d'attention moyenne, même pour des produits identiques ou similaires, que la marque contestée pourrait être une déclinaison de la marque antérieure ou que les produits pourraient avoir une origine commune ou provenir d'entreprises économiquement liées ;
Qu'il convient, en conséquence, d'accueillir le recours de M. D. et d'annuler la décision déférée mais seulement en ce qu'elle a rejeté la demande d'enregistrement pour les produits suivants : Cuir et imitations du cuir ; peaux d'animaux ; malles et valises ; portefeuilles ; portemonnaie ; porte cartes de crédit (portefeuilles) ; sacs ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette ; filets à provision' ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formées par MM. D. et D. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette des débats les pièces 1 à 5 produites par M. D. ;
Accueille le recours formé par M. D. et annule partiellement la décision en date du 10 juillet 2015 du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), en ce qu'elle a rejeté la demande d'enregistrement de la marque 'LES MARAISIENS' déposée le 22 octobre 2014 par M. D. sous le numéro n° 14 4 128 065 pour les produits suivants : Cuir et imitations du cuir ; peaux d'animaux ; malles et valises ; portefeuilles ; portemonnaie ; porte cartes de crédit (portefeuilles) ; sacs ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette ; filets à provision' ;
Déboute M. D. et M. D. de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle par lettre recommandée avec accusé de réception.