CA Rennes, ch. com., 28 avril 2015, n° 14/07943
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commune De Deauville
Défendeur :
Wam (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocat :
Me Julien Raes
I - EXPOSE DU LITIGE
La Société WAM a déposé, le 19 décembre 2013, la demande d'enregistrement n° 13 4 055 915 portant sur le signe verbal Week end à Deauville.
Ce signe est destiné à distinguer notamment les produits suivants :
"Articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir et peaux d'animaux (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et ceintures) ; sacs à main, sacs de voyage, sacs de plage, sacs besace, sacs à dos, sacoches pour porter les enfants, sacoches (maroquinerie), sacs banane, sacs shopping, sacs à roulettes, sacs de sport autres que ceux adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir; bourses, portefeuilles, porte monnaie non en métaux précieux, porte cartes (portefeuilles) ; serviettes (maroquinerie), porte documents,
mallettes, sacs d'écoliers, cartables; étuis pour les clefs; malles et valises; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits « vanity cases », trousses de voyage, sacs housses pour vêtements (pour le voyage) ; parapluies, parasols et cannes; Ustensiles et récipients non électriques pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; verrerie, à savoir boîtes en verre, vases, flacons, porcelaine et faïence; vaisselle en verre, porcelaine ou faïence; récipients à boire; verres (récipients), verres à boire, gobelets, mugs, bols, gourdes; services à thé; services à café ; services à liqueurs ; services à épices ; assiettes ; plateaux à usage domestique ; planches à usage domestique ; plats ; gamelles ; bouteilles, bouteilles isolantes ; bouteilles réfrigérantes ; nécessaires pour pique niques (vaisselle) ; boîtes à biscuits, boîtes à thés, boîtes à pain; botes à cassecroûte ; objets d'art en porcelaine, en céramique, en faïence ou en verre; brûle parfums; corbeilles à usage domestique; Tissus; tissus d'ameublement; linge de bain à l'exception de l'habillement ; gants de toilette ; serviettes de toilette en matières textiles ; linge de lit ; housses pour coussins, housses d'oreillers; couvertures de lit; couvre lits, draps ; édredons (couvre pieds de duvet) ; embrasses en matières textiles; linge de maison, linge de table (non en papier) ; nappes non en papier; serviettes de table en matières textiles; toiles cirées (nappes) ; Vêtements, chaussures, chapellerie".
Le 10 mars 2014, la commune de Deauville a formé opposition à l'enregistrement de cette marque en invoquant la marque antérieure DEAUVILLE déposée le 9 mars 2009 et enregistrée sous le n° 09 3 636 990.
Cette marque est notamment destinée à distinguer les produits suivants:
"Cuir et imitations du . cuir; peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie; portefeuilles ; porte monnaie ; sacs à main, à dos, à roulettes ; sacs d'alpinistes, de · campeurs, de voyage, de plage, d'écoliers ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette ; colliers ou habits pour animaux ; filets ou sacs à provisions ; sacs ou sachets (enveloppes, pochettes) en cuir pour l'emballage. Ustensiles et récipients non électriques (enveloppes, pochettes) en cuir pour l'emballage. Ustensiles et récipients non électriques . matériaux pour la brosserie ; instruments de nettoyage actionnés manuellement ; paille de fer; verre brut ou mi ouvré (à l'exception du verre de construction) ; porcelaine; faïence; bouteilles ; objets d'art en porcelaine, en terre cuite ou en verre ; statues ou figurines (statuettes) en porcelaine, en terre cuite ou en verre; ustensiles ou nécessaires de toilette; poubelles; verres (récipients) ; vaisselle; aquariums d'appartement. Tissus; couvertures de lit et de table ; tissus à usage textile ; tissus élastiques ; velours ; linge de lit ; linge de maison; linge de table non en papier; linge de bain (à l'exception de l'habillement). · Vêtements, chaussures, chapellerie; chemises; vêtements en cuir ou en imitation du cuir; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards; cravates ; bonneterie; chaussettes; chaussons; chaussures de plage, de ski ou de sport; couches en matières textiles; sous vêtements".
Par décision du 9 septembre 2009 , le directeur général de l'INPI a rejeté l'opposition en relevant que les produits et services en cause étaient identiques et similaires mais que la demande d'enregistrement ne constituait pas l'imitation de la marque antérieure.
Par déclaration faite au greffe de la cour d'appel le 8 octobre 2014 la commune de Deauville a déposé un recours contre cette décision et fait parvenir son mémoire en date du 7 novembre 2014.
Elle sollicite de la cour au visa des articles L411-4 et L711-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle de :
DECLARER la COMMUNE DE DEAUVILLE recevable et bien fondée en son recours contre la décision n° 14-1425 du 9 septembre 2014 du Directeur Général de l'INPI ;
DECLARER qu'il existe un risque de confusion entre la demande d'enregistrement Week end à Deauville de la société WAM et la marque antérieure DEAUVILLE de la COMMUNE DE DEAUVILLE;
ANNULER la décision de Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle du 9 septembre 2014 ayant rejeté l'opposition n° 14-1425.
La commune de Deauville soutient que la protection du nom et de l'identité des collectivités territoriales est d'une importance particulière aux yeux du législateur et la loi HAMON leur a d'ailleurs octroyé une protection spécifique sans même avoir besoin d'être titulaire d'un droit de marque antérieure sur leur nom. La protection doit être efficace à fortiori alors que la commune de Deauville a pris en main sa politique de marques et le risque de confusion doit être apprécié à la lumière de la volonté protectrice du législateur.
Les produits de la marque contestée sont identiques ou similaires à la marque antérieure ce qui est d'ailleurs retenu par l'INPI.
La marque antérieure jouit d'une forte distinctivité, d'abord intrinsèque au mot Deauville qui n'a pas de signification directe , qui vient ensuite de son histoire, et qui est enfin issue de l'usage intensif du signe Deauville à titre de marque à travers la conclusion régulière de contrat de licences entre la commune de Deauville et des tiers autorisant l'exploitation de la marque antérieure invoquée. Ainsi la marque Deauville évoque directement dans l'esprit du public la ville du même nom ainsi qu'une ou plusieurs de ses attractions renommées de par le monde. Le caractère distinctif élevé de la marque Deauville doit conduire à une protection plus étendue alors que le risque de confusion est plus élevé et ce conformément à la jurisprudence de la cour de justice.
Il existe sur le plan visuel, phonétique et conceptuel des similitudes indéniables et le signe le week end à Deauville ne forme pas un tout indivisible dans lequel le terme Deauville ne serait plus perceptible.
La forte similitude entre les signes dus à la présence dominante commune en leur sein de l'élément distinctif Deauville conjugué à l'identité et ou similarité entre les produits couverts est de nature à laisser croire aux consommateurs que le signe contesté et la marque antérieure ont la même origine ou proviennent de sociétés liées économiquement et que la marque seconde n'est qu'une déclinaison de la marque première.
La SARL WAM, régulièrement convoquée est non comparante.
Le directeur national de l'INPI soutient ses observations écrites parvenues au greffe le 29 janvier 2015 quant au bien fondé de sa décision.
Le ministère public a été entendu en ses observations orales et conclut à l'annulation de la décision rendue par l'INPI au motif d'un risque de confusion compte tenu du fort caractère distinctif du nom DEAUVILLE.
Pour un plus ample exposé la cour se réfère :
- au mémoire de la commune de Deauville du 7 novembre 2014,
- aux observations du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle déposées le 29 janvier 2015.
II MOTIFS
Le recours formé par la commune de Deauville, dans les délais et formes prescrites est recevable.
Les produits sont identiques et similaires et n'est donc en question que la comparaison des signes et l'appréciation d'un risque de confusion ou non.
Sur la comparaison des signes
La marque contestée n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments qui la composent, il y a lieu de rechercher s'il existe entre les signes en présence, un risque de confusion qui doit être apprécié globalement et se faire en ce qui concerne la similitude visuelle phonétique et conceptuelle sur l'impression d'ensemble, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants respectifs.
Concernant les éléments distinctifs et dominants des deux marques, le terme Deauville est distinctif au regard des produits qu'il désigne mais également et nécessairement dominant dans la marque antérieure, puisqu'il est unique.
Cependant et contrairement à ce qu'indique la commune de Deauville, celle ci ne justifie pas d'un caractère distinctif supérieur de son signe Deauville qui serait en lien avec une prétendue notoriété et qui justifierait que le risque de confusion s'apprécie en fonction de cet élément seul alors que si la ville de ce nom est effectivement dotée d'une notoriété certaine en considération de son accueil touristiques et ses activités de différents festivals et compétitions sportives , la commune de Deauville ne justifie ni n'invoque même la notoriété de la marque en elle même comme indicative d'une origine commerciale.
Comme le relève à bon escient le directeur de l'INPI, la protection du nom des collectivités territoriales qui fait l'objet de la loi Hamon en date du 17 mars 2014, et dont les décrets d'application sont d'ailleurs en attente, et qui offre aux collectivités territoriales une protection spécifique, et ce sans même avoir besoin d'être titulaire d'un droit de marque antérieure sur leur nom , n'est pas applicable à la procédure d'opposition engagée au préalable le 10 mars 2014 au nom d'une marque et non du nom de la collectivité territoriale si bien que seuls les signes sont à prendre en considération dans la procédure d'opposition.
Dans le signe contesté Week end à Deauville, et contrairement à ce que soutient le requérant, il s'agit d'un signe formant un tout unitaire; si l'expression week end à est une expression banale et usuelle dans le langage courant, elle exige pour avoir un sens immédiatement compréhensible une suite et ainsi la mention d'un lieu . L'expression complète a un sens global que les seuls termes Week end à n'ont pas , et a un caractère distinctif en lui même et la commune de Deauville ne justifie pas en conséquence que ce signe ne soit pas distinctif pour désigner les différents produits visés au dépôt s'agissant de produits et articles de maroquinerie, habillement ou ameublement.
C'est en fonction de cette appréciation que les signes doivent être comparés et le risque de confusion apprécié.
D'un point de vue visuel et phonétique les deux signes ne présentent comme seule ressemblance que le terme Deauville, précision au demeurant apportée que ce terme est écrit tout en majuscules pour la marque antérieure alors que seule son initiale est en majuscules pour la marque contestée Week end à Deauville et que ce n'est pas le terme Deauville seul qui retient l'attention du consommateur.
Pour le reste il existe une structure en trois termes pour le signe contesté et en un seul pour la marque antérieure avec une longueur et un rythme bien supérieur dans le signe contesté que dans la marque antérieure avec 17 lettres constituant 5 temps ou syllabes contre 9 lettres constituant deux syllabes et un terme d'attaque différent pour la marque contestée.
Au plan conceptuel, s'il n'est pas contestable que le terme Deauville renvoie au nom de la ville située sur la côte normande dans les deux signes, le signe contesté est perçu et appréhendé immédiatement par le consommateur moyen comme un court séjour dans ce lieu et les termes seuls week end à ne sont pas seulement comme l'indique le requérant de nature à mettre en exergue la destination choisie.
Si les produits sont similaires et identiques il n'en demeure pas moins qu'il n'existe pas d'imitation de la marque antérieure et pas de risque de confusion entre les marques en litige.
La décision de l'INPI est donc bien fondée. Le recours sera en conséquence rejeté.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours formé par la Commune de Deauville à l'encontre de la décision OPP 14-1425 du 9 septembre 2014,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'INPI par lettre recommandée avec accusé de réception.