Cass. 1re civ., 27 novembre 1984, n° 83-11.265
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Viennois
Avocat général :
M. Sadon
Avocat :
SCP Boré et Xavier
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QUE MM. Z... ET CAMERANI REPROCHENT A LA COUR D'APPEL D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QU'EN SUBSTITUANT D'OFFICE A L'ACTION EN RESOLUTION DU CONTRAT POUR INEXECUTION FAUTIVE UNE DEMANDE DE NULLITE DU MEME CONTRAT, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT MODIFIE L'OBJET ET LES TERMES DU LITIGE EN VIOLATION DES ARTICLES 4 ET 5 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE L'OBJET DU LITIGE, TEL QUE DEFINI PAR LES MEMES ARTICLES, POSTULAIT L'INTENTION ET LA VOLONTE DES PARTIES DE TENIR LA CONVENTION QUI LES LIAIT POUR VALABLE ET SUSCEPTIBLE DE PRODUIRE DES EFFETS, DE SORTE QUE LE MOYEN RELEVE D'OFFICE N'ETAIT PAS DE PUR DROIT ET QUE LA COUR D'APPEL A VIOLE LES ARTICLES 5 ET 12, ALINEA 3, DU MEME CODE ;
MAIS ATTENDU, QU'EN RELEVANT D'OFFICE LE MOYEN DE PUR DROIT TIRE DE L'ILLICEITE DE CERTAINES CLAUSES DU CONTRAT DIT "DE PRESENTATION DE CLIENTELE" COMME CONTRAIRES A L'ORDRE PUBLIC ET EN ESTIMANT, APRES AVOIR INVITE AU PREALABLE LES PARTIES A PRESENTER LEURS OBSERVATIONS, QUE CES CLAUSES AVAIENT POUR OBJET LE RACHAT D'UNE PART DE CLIENTELE MEDICALE, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT, SANS VIOLER LES TEXTES INVOQUES, RESTITUE SON EXACTE QUALIFICATION A L'ACTE LITIGIEUX, COMME LE LEUR PRESCRIT L'ARTICLE 12 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;
D'OU IL SUIT QU'EN AUCUNE DE SES BRANCHES LE MOYEN N'EST FONDE ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL, D'UNE PART, DE NE PAS S'ETRE EXPLIQUEE, EN VIOLATION DE L'ARTICLE 455 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, SUR LA NOTE DE MM. Z... ET CAMERANI DEMANDANT LA REOUVERTURE DES DEBATS ET, D'AUTRE PART, D'AVOIR MODIFIE L'OBJET ET LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA DEMANDE SANS QUE LE NOUVEAU LITIGE AIT ETE REGULIEREMENT DEBATTU, COMME LE PRESCRIVENT LES ARTICLES 440, 444 ET 445 DU MEME CODE ;
MAIS ATTENDU QUE, SELON L'ARTICLE 444 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LA REOUVERTURE DES DEBATS NE S'IMPOSE QUE LORSQUE LES PARTIES N'ONT PAS ETE A MEME DE S'EXPLIQUER CONTRADICTOIREMENT SUR LES ECLAIRCISSEMENTS DE DROIT ET DE FAIT QUI LEUR AVAIENT ETE DEMANDES ;
QU'EN L'ESPECE, CHAQUE PARTIE A SOUMIS A LA COUR D'APPEL UNE NOTE QU'ELLE A REGULIEREMENT NOTIFIEE A SON ADVERSAIRE ET DANS LAQUELLE ELLE S'EXPLIQUAIT SUR LE MOYEN DE DROIT QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE ENVISAGEAIENT DE SOULEVER D'OFFICE ;
QUE, DES LORS, LA COUR D'APPEL, QUI N'AVAIT PAS A S'EXPLIQUER SPECIALEMENT SUR LA DEMANDE DE REOUVERTURE DES DEBATS N'A VIOLE AUCUN DES TEXTES INVOQUES AU MOYEN ;
D'OU IL SUIT QUE CELUI-CI NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST EGALEMENT REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ESTIME QUE LE VERSEMENT D'UNE SOMME PAR M. ALLERAT A CHACUN DE SES CO-CONTRACTANTS A ETE OPERE NON EN REMUNERATION D'UN DROIT DE PRESENTATION MAIS POUR LE RACHAT D'UNE PART DE CLIENTELE, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, D'UNE PART, IL EST EXPRESSEMENT CONSTATE PAR L'ARRET QUE MM. Z... ET CAMERANI S'ETAIENT ENGAGES PAR LE CONTRAT ANNULE A PRESENTER LEUR CONFRERE A LEUR CLIENTELE COMME "LEUR SEUL ASSOCIE", ET, EN OUTRE, PAR UN AUTRE CONTRAT, A EXERCER EN COMMUN LEUR PROFESSION "AU SERVICE DU GROUPE " ;
QU'IL EXISTAIT DONC, ENTRE LES ASSOCIES, UNE ASSOCIATION REPRESENTEE PAR LE " CABINET DES DOCTEURS Z..., CAMERANI ET X...", AINSI DENOMME AUX CONVENTIONS, AUQUEL CETTE CLIENTELE ETAIT ATTACHEE ;
QUE SI, PAR LE CONTRAT DE PRESENTATION, MM. Z... ET CAMERANI S'ENGAGEAIENT A FACILITER L'INTEGRATION DE LEUR ASSOCIE AU SEIN DE LA CLIENTELE, CET ENGAGEMENT ETAIT ASSORTI D'UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE EXCLUSIVE DE TOUTE CESSION PROHIBEE, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL A FAUSSEMENT QUALIFIE LES CONVENTIONS ET N'A PAS DEDUIT DE SES CONSTATATIONS DE FAIT LES CONSEQUENCES LEGALES QU'ELLES COMPORTAIENT ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE N'ONT PAS CARACTERISE EN QUOI LA CLAUSE DE PRESENTATION PORTAIT ATTEINTE AU PRINCIPE DU LIBRE CHOIX DU MEDECIN PAR LE MALADE, PRINCIPE EXPRESSEMENT RESERVE PAR UNE CLAUSE DU CONTRAT D'EQUIPE, ET QUE, DE CE CHEF, LA COUR D'APPEL N'A PAS LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;
ET ALORS, DE TROISIEME PART, QUE LE PRATICIEN, DEJA INSTALLE, QUI S'ASSOCIE ET QUI, INDEPENDAMMENT DE TOUTE CESSION PROHIBEE, PREND L'ENGAGEMENT DE PRESENTER SON ASSOCIE A LA CLIENTELE, TOUT EN RESPECTANT LE PRINCIPE DE LIBRE CHOIX DU MEDECIN, CONTRACTE A L'EGARD DE CET ASSOCIE UNE OBLIGATION QUI PRESENTE UNE VALEUR PATRIMONIALE ET JUSTIFIE UNE EQUITABLE REMUNERATION ET QUE, DE CE POINT DE VUE, L'ARRET ATTAQUE N'A PAS DEDUIT DE SES CONSTATATIONS DE FAIT LES CONSEQUENCES QUI EN DECOULAIENT ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A D'ABORD RELEVE QU'AUX TERMES DU CONTRAT LITIGIEUX, MM. Z... ET CAMERANI SE SONT ENGAGES A PRESENTER M. X... A LEUR CLIENTELE "COMME LEUR SEUL ASSOCIE" ET QUE, CONTINUANT A EXERCER L'UN ET L'AUTRE DANS LES MEMES LIEUX, M. X... N'ETAIT PAS LEUR SUCCESSEUR ;
QU'ELLE A, ENSUITE, ENONCE QU'IL N'ETAIT PAS ETABLI QUE MM. Z... ET CAMERANI AIENT ENTENDU FACILITER A LEUR CONFRERE LA CREATION DE SA PROPRE CLIENTELE ;
QUE DE CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS ELLE A SOUVERAINEMENT ESTIME QUE LE VERSEMENT EFFECTUE PAR M. X... A CHACUN DE SES CONFRERES A ETE OPERE NON EN REMUNERATION D'UN DROIT DE PRESENTATION MAIS POUR LE RACHAT D'UNE PART DE CLIENTELE, CE QUI IMPLIQUAIT UNE ATTEINTE POSSIBLE AU LIBRE CHOIX DU MEDECIN PAR LE MALADE ;
QUE C'EST A BON DROIT QU'ELLE EN A DEDUIT QUE LA CLAUSE DU CONTRAT QUI PREVOYAIT CETTE REMUNERATION ETAIT NULLE COMME CONTRAIRE A L'ORDRE PUBLIC, LA CLIENTELE MEDICALE ETANT INCESSIBLE ET HORS DU COMMERCE ;
QUE, PAR CES MOTIFS, ELLE A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;
D'OU IL SUIT QU'EN AUCUNE DE SES BRANCHES LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENFIN REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR CONDAMNE MM. MILLANT ET CAMERANI A PAYER CHACUN A M. X... LA SOMME DE 65 000 FRANCS ;
AUX MOTIFS QUE, D'APRES LE CONTRAT, LA SOMME LITIGIEUSE REMUNERAIT EGALEMENT L'ENGAGEMENT DE FACILITER L'INSTALLATION DE CELUI-CI, DE LUI GARANTIR UN REVENU MENSUEL MINIMUM ET DE LE PRESENTER AU PROPRIETAIRE DE L'IMMEUBLE ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, D'UNE PART, CES CONSTATATIONS IMPLIQUAIENT QUE LE CONTRAT AVAIT RECU EXECUTION ET QUE L'OBJET DU LITIGE PORTAIT SUR LE PROFIT QUE M. X... EN AVAIT RETIRE ;
QU'EN LUI ACCORDANT LA RESTITUTION DE LA PARTIE DES SOMMES VERSEES CORRESPONDANT A LA REMUNERATION DU DROIT DE PRESENTATION A LA CLIENTELE SANS RECHERCHER SI ET DANS LAQUELLE MESURE IL EN AVAIT RETIRE UN BENEFICE, LA COUR D'APPEL N'A PAS LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'EN TOUTE HYPOTHESE LA CONVENTION ETANT DECLAREE NULLE COMME CONTRAIRE A L'ORDRE PUBLIC, LA REGLE "IN PARI CAUSA TURPITUDINIS CESSAT REPETITIO" INTERDISAIT A M. X... D'EXERCER L'ACTION EN RESTITUTION ;
MAIS ATTENDU, D'ABORD, QUE, POUR CONDAMNER MM. Z... ET CAMERANI A NE RESTITUER A M. X... QUE PARTIE DE LA SOMME QU'IL LEUR AVAIT VERSEE, LES JUGES DU SECOND DEGRE, APPRECIANT SOUVERAINEMENT L'ETENDUE ET LA PORTEE DU CONTRAT, ONT RELEVE QUE LA SOMME LITIGIEUSE REMUNERAIT NON SEULEMENT LA CESSION DE CLIENTELE, MAIS EGALEMENT UN CERTAIN NOMBRE DE FACILITES ET D'AVANTAGES DONT AVAIT BENEFICIE M. X... ;
QU'AYANT CONSTATE L'ILLICEITE DES CLAUSES PREVOYANT LA CESSION D'UNE PART DE LA CLIENTELE DE SES CONFRERES, ILS N'AVAIENT PAS, DES LORS, A RECHERCHER SI M. X... EN AVAIT RETIRE UN PROFIT QUELCONQUE ;
QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;
ATTENDU, ENSUITE, QUE, COMME L'ONT ENONCE A BON DROIT LES JUGES DU SECOND DEGRE, LA CAUSE ILLICITE D'UNE OBLIGATION NE FAIT PAS OBSTACLE A L'ACTION EN REPETITION ;
QUE LA MAXIME Y... ETAIT DONC SANS APPLICATION EN L'ESPECE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE EN SES DEUX BRANCHES ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE 1°) L'ORDONNANCE RENDUE LE 28 JANVIER 1982 PAR MME LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT DE LA COUR D'APPEL DE LYON ET 2°) CONTRE L'ARRET RENDU LE 13 JANVIER 1983 PAR LA COUR D'APPEL DE LYON.