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Décisions

Cass. com., 11 mars 2014, n° 11-26.915

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Crocus Technology (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

M. Mollard

Avocat :

Me Balat, SCP Nicolaÿ de Lanouvelle et Hannotin

Grenoble, du 12 mai 2011

12 mai 2011

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes tendant à la constatation du caractère irrégulier du transfert de la moitié de ses actions, en nullité des actes et des délibérations de l'assemblée générale des actionnaires et en paiement de l'indemnité contractuelle de rupture ainsi que de dommages-intérêts en contrepartie de son obligation de non-concurrence, alors, selon le moyen :

1°) que la cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble le 12 mai 2010 emportera, par voie de conséquence et par applications des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

2°) que, dans tous les cas, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, la chose demandée devant être la même et la demande fondée sur la même cause ; qu'en déclarant M. X... irrecevable en ses demandes en constatation du caractère irrégulier du transfert de la moitié de ses actions, en nullité des actes du conseil et en paiement de l'indemnité contractuelle de rupture, ainsi que de dommages-intérêts en contrepartie de son obligation de non concurrence, au motif que, dans son précédent arrêt du 12 mai 2010, elle avait notamment retenu que la révocation pour faute grave de M. X... était justifiée, que c'était en exécution d'une clause licite qu'il avait été procédé au rachat forcé de la moitié de sa participation dans le capital de la société Crocus Technology et que l'intéressé n'était pas fondé à solliciter une indemnité en contrepartie de son obligation de non-concurrence, cependant que les demandes de M. X... formulées après réouverture des débats avaient un autre fondement juridique, délictuel s'agissant du rachat forcé de sa participation, et textuel s'agissant de la clause de non-concurrence, la cour d'appel, qui en présence de demandes fondées sur une cause différente ne pouvait opposer à X... l'autorité de la chose jugée tirée de sa précédente décision, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2010 par la cour d'appel de Grenoble ayant été rejeté par arrêt de ce jour, la première branche est inopérante ;

Et attendu, d'autre part, qu'il incombe au demandeur de présenter, dès l'instance relative aux premières demandes, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celles-ci ; qu'ayant retenu qu'il avait déjà été statué sur la régularité du transfert de la propriété des actions litigieuses, sur la validité des actes du conseil d'administration et des assemblées générales de la société, sur la demande en paiement de l'indemnité contractuelle de rupture ainsi que sur celle tendant à l'allocation de dommages-intérêts en contrepartie de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes réitérées par M. X... après la réouverture des débats se heurtaient à l'autorité de la chose précédemment jugée entre les mêmes parties relativement aux mêmes contestations ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1843-4 du code civil ;

Attendu que les dispositions de ce texte, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en oeuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ;

Attendu que pour décider que la valeur des actions cédées par M. X..., en application de la promesse de vente contenue dans la convention d'actionnaires du 7 avril 2004, doit être fixée à dire d'expert selon la procédure instituée par l'article 1843-4 du code civil, l'arrêt retient que ce texte, d'ordre public, est d'application générale en cas de cession ou de rachat forcé prévu par la loi ou les statuts, mais également par des pactes extra-statutaires ; que l'arrêt ajoute qu'il a donc vocation à régir la situation créée par l'article 3 de la convention d'actionnaires conclue par l'ensemble des associés le jour même de l'adoption des statuts, avec lesquels elle fait corps ; qu'il retient encore qu'en vertu de la règle impérative posée par l'article 1843-4 du code civil, nul associé ne peut être contraint de céder ses droits sociaux sans une juste indemnisation arbitrée à dire d'expert ; qu'il en déduit que la clause des statuts ou d'un pacte extra-statutaire, qui fixe par avance la valeur des parts ou des actions rachetées, ne peut prévaloir sur la règle légale lorsque, comme en l'espèce, l'associé évincé en conteste l'application ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal.

Et sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la valeur des actions cédées en application de la « clause de rachat forcé » contenue dans la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 devait être fixée à dire d'expert selon la procédure instituée par l'article 1843-4 du code civil et en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande en fixation du prix des actions dans l'attente de l'estimation expertale, l'arrêt rendu entre les parties, le 12 mai 2011, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée.