Cass. 3e civ., 17 juillet 1972, n° 71-11.573
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. DE MONTERA
Rapporteur :
M. FRANK
Avocat général :
M. TUNC
Avocat :
M. CALON
SUR LE PREMIER MOYEN: ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE QUE LA DAME X... A VENDU, PAR ACTE NOTARIE DU 4 NOVEMBRE 1967, A LA SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DE MAUVANNE UN DOMAINE RURAL AVEC CORPS DE BATIMENT, TERRES EN NATURE DE VIGNES, JARDINS ET BOIS, MATERIEL AGRICOLE ET VITICOLE, AINSI QUE L'APPELLATION COMMERCIALE "SIMONE X..." POUR LES VINS DU DOMAINE, AU PRIX DE 2700000 FRANCS DONT 750000 FRANCS REGLES COMPTANT, LE SOLDE, SOIT 1950000 FRANCS, ETANT PAYABLE A RAISON DE 550000 FRANCS DANS LES DEUX MOIS DE L'ACTE, 400000 FRANCS LE 31 OCTOBRE 1968, 500000 FRANCS LE 31 OCTOBRE 1969, 500000 LE 31 OCTOBRE 1970;
QU'IL ETAIT EXPRESSEMENT STIPULE QUE CES TROIS DERNIERS VERSEMENTS ETAIENT REVISABLES EN CAPITAL, EN AUGMENTATION OU EN DIMINUTION SELON LES VARIATIONS DU SALAIRE HORAIRE DE L'OUVRIER AGRICOLE DE DEUXIEME CATEGORIE DANS LE DEPARTEMENT DU VAR AU JOUR DU PAIEMENT EFFECTIF PAR RAPPORT AU SALAIRE DU MEME OUVRIER DANS LE MEME DEPARTEMENT AU MOIS D'AOUT 1967;
QUE LES TERMES PREVUS POUR LES PAIEMENTS DU SOLDE DU PRIX AYANT ETE ACQUITTES EN TEMPS VOULU PAR LA SOCIETE ACQUEREUR, LA DAME X... A ASSIGNE CELLE-CI POUR OBTENIR LE REGLEMENT DE LA DIFFERENCE DES PRIX ENTRAINEE PAR LE JEU DE LA CLAUSE D'INDEXATION;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF AUDIT ARRET D'AVOIR DECLARE LICITE LA CLAUSE D'INDEXATION ET DE LUI AVOIR FAIT PRODUIRE EFFET EN CONDAMNANT LA SOCIETE CIVILE AGRICOLE A VERSER A LA DAME X..., AVEC LES INTERETS DE DROIT A COMPTER DU 15 MAI 1969, LES SOMMES DE 61538,80 FRANCS ET DE 153846,15 FRANCS, CORRESPONDANT A L'APPLICATION DE L'INDICE AU SOLDE DU PRIX DE VENTE EXIGIBLE AUX DATES DES 31 OCTOBRE 1968, 31 OCTOBRE 1969 ET 31 OCTOBRE 1970, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE L'ARTICLE 79, ALINEA 3 DE L'ORDONNANCE DU 30 DECEMBRE 1958, INTERDIT LES CLAUSES D'INDEXATION FONDEES SUR LE SMIG, ET QU'EN L'ESPECE, PAR L'EFFET DE L'ACCORD INTERVENU LE 25 JUIN 1968, ENTRE LES ORGANISATIONS SYNDICALES SIGNATAIRES DE LA CONVENTION COLLECTIVE DU VAR, L'INDEXATION LITIGIEUSE S'ETAIT TROUVEE ALIGNEE A COMPTER DU 1ER JUIN 1968 SUR LE SMIG;
QUE CET INDICE AURAIT DONC CESSE D'ETRE VALABLE A PARTIR DE CETTE DATE ET NE POUVAIT PRODUIRE AUCUN EFFET DANS L'AVENIR ET QUE LA DAME X... NE POUVAIT DES LORS VALABLEMENT RECLAMER LA REVISION DU SOLDE DU PRIX DE VENTE SUR LE FONDEMENT DE CETTE CLAUSE D'INDEXATION;
MAIS ATTENDU QUE SI L'ARTICLE 79, ALINEA 3, DE L'ORDONNANCE DU 30 DECEMBRE 1958 INTERDIT DORENAVANT TOUTES CLAUSES PREVOYANT DES INDEXATIONS FONDEES SUR LE SALAIRE MINIMUM INTERPROFESSIONNEL GARANTI, SUR LE NIVEAU GENERAL DES PRIX OU DES SALAIRES, OU SUR LES PRIX DE BIENS, PRODUITS OU SERVICES N'AYANT PAS DE RELATION DIRECTE AVEC L'OBJET DU STATUT OU DE LA CONVENTION OU AVEC L'ACTIVITE DE L'UNE DES PARTIES, LES JUGES DU SECOND DEGRE, EN L'ESPECE, CONSTATENT " QU'EN SE REFERANT A L'EPOQUE DU CONTRAT, AU SALAIRE MINIMUM DE L'OUVRIER AGRICOLE DE DEUXIEME CATEGORIE DANS LE DEPARTEMENT DU VAR, AFFECTE DU COEFFICIENT 110, LES PARTIES N'ONT PAS VISE LE SALAIRE MINIMUM GARANTI CORRESPONDANT AU COEFFICIENT 100 DE LA PREMIERE CATEGORIE, MAIS UNE REMUNERATION SUPERIEURE DE CARACTERE LOCAL, FRUIT D'UNE CONVENTION COLLECTIVE ";
QUE LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR RELEVE "QU'A LA SUITE DU DECRET DU 1ER JUIN 1968, FIXANT A TROIS FRANCS LE SALAIRE MINIMUM GARANTI A TOUS LES SALARIES, UN ACCORD EST INTERVENU LE 25 JUIN 1968 ENTRE LES ORGANISMES SYNDICAUX SIGNATAIRES DE LA CONVENTION COLLECTIVE DU VAR, ATTRIBUANT LE MEME SALAIRE DE TROIS FRANCS AUX OUVRIERS AGRICOLES DE PREMIERE ET DEUXIEME CATEGORIE", A PU ESTIMER QUE CETTE CIRCONSTANCE " NE SAURAIT AVOIR POUR EFFET DE RENDRE NULLE UNE CONVENTION PASSEE ANTERIEUREMENT ET QUI ETAIT LICITE A L'ORIGINE, LE NOUVEL ACCORD, QUI MODIFIE LE CLASSEMENT PAR CATEGORIES AUQUEL SE SONT REFEREES LES PARTIES, LORS DE LA CONCLUSION DU CONTRAT, NE POUVANT AVOIR D'EFFET RETROACTIF SUR LA VALIDITE DE CELUI-CI ";
QUE, DES LORS, LES JUGES D'APPEL, RAPPELANT "QUE RIEN N'INTERDIT QUE DES SALAIRES SOIENT RETENUS COMME " PARAMETRES" ET QUE LE LEGISLATEUR, TOUT EN FIXANT DE MANIERE AUTORITAIRE LE MINIMUM DE RETRIBUTION DES SALARIES, A CONSACRE POUR LE SURPLUS LA LIBRE DISCUSSION DES SALAIRES, PAR VOIE D'ACCORD DIRECT ENTRE LES INTERESSES OU DE CONVENTION COLLECTIVE" ONT PU DECIDER "QUE LES PARTIES N'ONT PAS VIOLE LE TEXTE SUSVISE ";
QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;
SUR LE DEUXIEME MOYEN: ATTENDU QUE TOUT AUSSI VAINEMENT IL EST SOUTENU QUE L'ARTICLE 79, ALINEA 3, DE L'ORDONNANCE DU 30 DECEMBRE 1958 PROHIBANT, EN TERMESABSOLUS, TOUTE CLAUSE D'INDEXATION FONDEE SUR LE PRIX DES BIENS PRODUITS, OU SERVICES, N'AYANT PAS DE RELATION DIRECTE AVEC L'OBJET DE LA CONVENTION OU L'ACTIVITE DE L'UNE DES PARTIES, LE FAIT, EN L'ESPECE, QUE DE LA MAIN-D'OEUVRE AGRICOLE AIT ETE EMPLOYEE SUR LA PROPRIETE NE SUFFISAIT PAS A RENDRE VALABLE LA CLAUSE LITIGIEUSE;
QU'IL ETAIT NECESSAIRE QUE LES OUVRIERS AGRICOLES DE DEUXIEME CATEGORIE, DONT LE SALAIRE AVAIT ETE CHOISI COMME INDICE PAR LES PARTIES, AIENT EFFECTIVEMENT PARTICIPE A L'EXPLOITATION DU DOMAINE ET QUE, DES LORS, EN S'ABSTENANT DE RECHERCHER SI DES OUVRIERS DE CETTE CATEGORIE AVAIENT TRAVAILLE SUR LE DOMAINE, LA COUR D'APPEL N'A PAS LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION, EU EGARD AU TEXTE PRECITE ET AUX CONCLUSIONS DE LA SOCIETE CIVILE AGRICOLE, FAISANT ETAT DE CE QU'AUCUN OUVRIER DE CETTE CATEGORIE N'ETAIT EMPLOYE SUR LA PROPRIETE;
ATTENDU, EN EFFET, QUE LE CARACTERE DIRECT DE LA RELATION EXISTANT ENTRE LA NATURE DE L'INDICE ET L'OBJET DU CONTRAT ETANT FONCTION DE LA PART PLUS OU MOINS IMPORTANTE POUR LAQUELLE LE SERVICE ENVISAGE CONTRIBUE A L'ACCOMPLISSEMENT DE CET OBJET, DEPEND DE CONSIDERATIONS DE FAIT QUI RELEVENT DE L'APPRECIATION DES JUGES DU FOND ET QUI, COMME TELLES, ECHAPPENT AU CONTROLE DE LA COUR DE CASSATION;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;
REJETTE LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS: MAIS SUR LE TROISIEME MOYEN: VU L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL.
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE LA SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DE MAUVANNE A VERSER A LA DAME X... LA SOMME DE 1000 FRANCS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS POUR "FRAIS IRREPETIBLES DE PROCEDURE ET DE PLAIDOIRIES";
QU'EN STATUANT AINSI, SANS RELEVER AUCUN FAIT AYANT PU FAIRE DEGENERER EN ABUS L'EXERCICE DU DROIT D'AGIR EN JUSTICE, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION;
PAR CES MOTIFS: CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS LA LIMITE DU TROISIEME MOYEN, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES LE 9 FEVRIER 1971, PAR LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE;
REMET EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET, ET POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE NIMES