Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 11 décembre 2015, n° 14/23109

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DIRECT LINE (SAS), VDF FRANCE (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme AIMAR

Conseillers :

Mme NEROT, Mme RENARD

TGI Paris, 3e chambre, du 25 sept. 2014

25 septembre 2014

La société P.R., titulaire de diverses marques qu'elle présente comme des marques renommées, à savoir :
la marque semi-figurative communautaire « R. », n°4 206 421, déposée le 13 décembre 2004 et dûment renouvelée pour désigner en classe 33 les boissons alcooliques (à l'exception des bières)
la marque communautaire figurative (représentant une bouteille étiquetée), n°4 164 026 déposée le 13 décembre 2004 et dûment renouvelée pour désigner en classe 33 les boissons alcooliques (à l'exception des bières)
la marque communautaire verbale « R. », n°4 660 478, déposée le 29 septembre 2005, en revendiquant une date d'ancienneté pour la France au 05 mars 1968 et dûment renouvelée pour désigner en classe 33 les boissons alcooliques (à l'exception des bières)
la marque française « Pastis 51 », n° 1 709 390, déposée le 03 décembre 1991 et dûment renouvelée pour désigner, notamment, du pastis en classe 33
la marque française semi-figurative « 51 », n°3 307 353, déposée le 02 août 2004 et dûment renouvelée pour désigner notamment en classe 33 des vins, liqueurs, eaux-de-vie, spiritueux et toutes boissons et cocktails contenant de l'alcool (à l'exception des bières),
expose qu'elle les donne en licence aux sociétés R. et P. qui élaborent et commercialisent sous ces marques du pastis.
Informée par le bureau des Douanes de Metz, le 18 janvier 2013, de la retenue de marchandises susceptibles de contrefaire les marques dont elle est titulaire et destinataire de photographies ainsi que de l'identité des importateurs, à savoir les sociétés VDF France et Direct Line (qui ont notamment pour activité l'achat et la commercialisation d'articles destinés à des cadeaux ou de gadgets), la société P.R., dûment autorisée, a fait pratiquer dans leurs locaux, le 30 janvier 2013, une saisie-contrefaçon descriptive avec prélèvement d'échantillons révélant en particulier la présence de jeux de dés « P'tibar », de jeux à boire « P'tibar », de verres à cocktails outre celle de catalogues commerciaux de 2013 constituant, selon elle, un détournement de marques de renommée à des fins lucratives et autant d'atteintes.
C'est dans ce contexte que les sociétés anonymes Pernod R., R. et P. ont assigné, selon exploit du 27 février 2013, les sociétés par actions simplifiée VDF France et Direct Line aux fins de voir constater et cesser ces atteintes et obtenir réparation de leurs préjudices.
Par jugement contradictoire rendu le 25 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
dit que la procédure de retenue douanière précitée est régulière,
dit qu'en important et en commercialisant en France les jeux à boire « P'tibar » et les dés « P'tibar », la société Direct Line a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire de renommée « R. » n° 4.206 421 au préjudice de la société Pernod R., titulaire de la marque,
débouté les sociétés P.R. et R. de leurs demandes au titre de l'atteinte à la marque de renommée « R. » n° 4 206 421 du fait de la commercialisation en France des verres à cocktail « Penard » ainsi que de l'offre à la vente, dans leur catalogue, de T-shirts « Fanny » et débouté les sociétés P.R. et P. de leur demande au titre de la contrefaçon des marques de renommée n° 4 164 026 et 4 660 478 du fait de l'offre à la vente, dans leurs catalogues, de verres à cocktail, de t-shirts « Pastis » et « Canard »,
dit que la société VDF France à commis, au préjudice de la société P.R., des actes de contrefaçon des marques communautaires de renommée n° 4 164 026 et « R. » n° 4 660 478 du fait de la commercialisation de T-shirts « Penard », « Cours de français » et « Ricare » et qu'elle a, en outre, porté atteinte, au sens de l'article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, aux marques françaises de renommée « Pastis 51 » n° 1709 390 et « 51 » n° 3 307 353 en proposant à la vente dans ses catalogues les T-shirts « mon compte est Bon » et « iTrinque »,
interdit sous astreinte aux sociétés VDF France et Direct Line de poursuivre l'importation en France et la commercialisation des produits litigieux et leur a enjoint, sous astreinte, de retirer de leurs catalogues les pages reproduisant les produits litigieux en les condamnant in solidum à lui verser une somme indemnitaire de 50.000 euros,
débouté les sociétés P. et R. de leurs demandes de dommages-intérêts,
rejeté la demande de publication,
condamné in solidum les défenderesses à verser à la société P.R. la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2015, les sociétés par actions simplifiée VDF France et Direct Line, appelantes, demandent pour l'essentiel à la cour, au visa, notamment, du Livre VII du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil, L 3323-2 et L 3351-7 du code de la santé publique :
de les déclarer fondées en leur appel et les intimées mal fondées en leur appel incident,
de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la procédure de retenue douanière litigieuse est régulière et de considérer que, dans la mesure où elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article R 716-6 du code de la propriété intellectuelle, les pièces adverses n°19 à 22 ne peuvent être valablement versées aux débats,
de considérer qu'elles ne se sont rendues coupables d'aucun acte de contrefaçon des marques n°4 206 421, n°4 161 026 et n°4 660 478,
de considérer qu'elles ne se sont rendues coupables d'aucune atteinte aux marques de renommée n°4 164 026 421, n°4 164 026, n°4 660 478, n°1 709 390 et n°3 307 353,
de considérer qu'elles n'ont pas engagé leur responsabilité à l'égard des sociétés P. et R. au sens de l'article 1382 du code civil,
en conséquence, de réformer le jugement en ses dispositions qui leur sont défavorables, de le confirmer pour celles qui leur sont favorables,
à titre subsidiaire, de réduire très sensiblement le montant des condamnations qui pourraient être éventuellement prononcées à leur encontre à une somme purement symbolique,
à titre reconventionnel, de condamner in solidum les trois sociétés intimées à leur payer la somme indemnitaire globale de 50.000 euros en réparation du préjudice causé par la présente procédure, outre celle de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 02 octobre 2015, les sociétés anonymes Pernod R., R. et P. prient, en substance, la cour de déclarer les appelantes mal fondées en leur appel et de les débouter de toutes leurs prétentions, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a écarté l'atteinte à la marque n° 4 206 478 (s'agissant du T-shirt « Fanny »), à la marque n° 4 164 026 (s'agissant du verre à cocktail et du T-shirt « Pastis », des T-shirts « Cours de Français » « Canard »), en ce qu'il a débouté les sociétés P. et R. de leurs demandes indemnitaires, en ce qu'il a, de plus, alloué à la société P.-R. une somme indemnitaire de 50.000 euros et :
de considérer qu'en proposant à la vente dans son catalogue « Collection Printemps 2013 -T shirts » les T-shirts « Fanny », la société VDF France a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire de renommée « R. » n° 4 206 421 au sens de l'article 9.1 sous c) du règlement communautaire 207/2009 du 26 février 2009 et L 717-1 du code de la propriété intellectuelle au préjudice des sociétés P.R. et R. et engagé sa responsabilité à leur égard en portant atteinte à leurs droits respectifs,
de considérer qu'en proposant à la vente dans ses catalogues « Collection Printemps 2013 -Tabliers mugs verres » et « Collection Printemps 2013 -T shirts » les verres à cocktail et les T-shirts « Pastis », « Canard », « Cours de Français » et « Ricare », la société VDF France a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire de renommée « R. » n° 4 164 026 au sens de l'article 9 sous c) du règlement communautaire 207/2009 du 26 février 2009 et L 717-1 du code de la propriété intellectuelle au préjudice des sociétés Pernod R. et R. et engagé sa responsabilité à leur égard en portant atteinte à leurs droits respectifs,
d'interdire sous astreinte aux appelantes de poursuivre l'importation en France, la commercialisation et la publicité des produits sus-visés et de leur enjoindre, sous astreinte, de retirer de leurs catalogues les pages reproduisant les produits litigieux,
de les condamner in solidum à verser les sommes indemnitaires de :
* 150.000 euros au profit de la société P.R. en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon des cinq marques précitées,
* 100.000 euros au profit de la société R. en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon des marques n° 4 660 478, n° 4 206 421 et n° 4 164 026 ainsi que de l'atteinte à l'image de ses produits forgée au prix d'investissements substantiels,
* 50.000 euros au profit de la société P. en réparation de son préjudice propre résultant de l'atteinte aux marques françaises de renommée « Pastis 51 » n°1 709 390, et « 51 » n°3 307 353 ainsi que de l'atteinte à l'image de ses produits forgée au prix d'investissements substantiels,
d'ordonner la publication de la décision à intervenir par voie de presse,
de condamner in solidum les appelantes à leur verser une somme supplémentaire de 15.000 euros au titre de leurs frais non répétibles et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la mesure de retenue douanière pratiquée le 18 janvier 2013 par le bureau des Douanes de Metz
Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article R 716-6 du CPI selon lequel « La demande de retenue prévue à l'article L 716-8 comporte : (') 4° La désignation et le numéro d'enregistrement de la ou des marques dont la protection est demandée (...) », les appelantes se prévalent de l'irrégularité de la procédure douanière à l'origine de la présente action ;
Qu'elles font valoir que la notification de retenue douanière (pièce adverse n° 19) fait état d'une contrefaçon de la marque « R. » sans préciser le numéro d'enregistrement et la date du dépôt de la marque et que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, une identification précise qui leur permettrait de se défendre utilement, comme l'impose l'article 6 § 1 de la Convention E., est donc impossible ; qu'en outre, le procès-verbal de mise en retenue des marchandises, dont le destinataire était la société VDF France, ne comporte pas plus d'identification des marques visées et que cette carence est d'autant plus préjudiciable qu'elle prive les propriétaires des marchandises contrôlées de toute exploitation ;
Mais considérant que le texte sur lequel se fondent les appelantes a vocation à s'appliquer à « La demande de retenue prévue à l'article L 716-8 » autrement dit à la demande de surveillance présentée par le titulaire de la marque au ministre chargé des douanes destinée à obtenir une autorisation à cette fin, d'une durée d'une année renouvelable ; que l'examen de ces documents versés aux débats conduisent à considérer qu'ils satisfaisaient aux exigences de l'article L 716-6 § 4° précité lorsqu'ont été immobilisées les marchandises litigieuses (pièces 35 et 35bis) ;
Que si la société VDF France visée par la retenue de la marchandise devait recevoir notification de la mesure, diligence dont elle ne conteste pas l'accomplissement, elle ne peut valablement affirmer que cette notification devait préciser le numéro d'enregistrement et la date du dépôt de la marque dès lors que de telles mentions ne sont imposées par aucun texte ;
Que les divers griefs qu'elle déclare avoir subis du fait de son incapacité à identifier la marque opposée ne sont que prétendus dans la mesure où la procédure de retenue est strictement encadrée dans un bref délai par l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle , que ces délais ont été respectés et qu'elle a donc pu avoir rapidement connaissance des éléments d'identification souhaités ; que, par ailleurs, la privation de la capacité d'exploiter résulte de la retenue elle-même et non point de l'identification précise de la marque « R. », au demeurant mentionnée dans le procès-verbal de constat du 17 janvier 2013 ( pièce 10 des appelantes) ;
Que le jugement qui rejette le moyen tiré de l'irrégularité de la mesure mérite, par conséquent, confirmation ;
Sur le droit applicable et les moyens de défense opposés à l'action
Considérant que la société P.R. se prévaut de la renommée des trois marques communautaires et des deux marques françaises précitées dont elle est titulaire sans que ce caractère ne lui soient contesté ;
Qu'à bon droit, par conséquent, elle fonde son action en contrefaçon de ses marques communautaires de renommée sur les dispositions de l'article 9 § 1 sous c) du règlement communautaire n°207/2009 du 26 février 2009 (modifiant le règlement 40/94 ) auxquelles renvoient les articles L 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et se prévaut, par ailleurs, de l'atteinte portée à ses marques française jouissant d'une renommée en fondant son action sur les dispositions de l'article L 713-5 de ce même code ;
Considérant, s'agissant des moyens de défense opposés à l'action, que pour voir juger que la société P.R. ne peut se prévaloir de la protection spéciale assurée par ces textes, les sociétés appelantes, sans recourir au « juste motif » du règlement et de la directive 2008/95, soulèvent différents moyens tenant à l'usage parodique qui peut être fait d'une marque et à l'exercice de la liberté d'expression ou encore au fait que les signes litigieux seront perçus comme des décorations ;
Considérant, ceci exposé, que, par les moyens qu'elles opposent, les intimées entendent démontrer que les faits qui leur sont reprochés n'entrent pas dans le champ du droit exclusif conféré par l'enregistrement de ces marques dès lors qu'un usage parodique ou à des fins décoratives d'un signe ne sert pas à la désignation de produits et de services et, par conséquent, n'affecte pas cette fonction de la marque ;
Qu'il convient de relever qu'au cas particulier, la société P.R. ne recherche pas la protection ordinaire conférée par le droit de marque mais celle à laquelle peut prétendre une marque renommée ;
Qu'il s'agit, en effet, d'une protection élargie placée sur le terrain de la responsabilité délictuelle et qu'il suffit, selon les enseignements de la jurisprudence communautaire interprétant la directive sur la marque, que le public pertinent fasse un lien entre les signes en conflit et que son usage nuise au caractère distinctif ou à la renommée de la marque ou qu'il soit tiré profit de ce caractère ; que pour ce qui est de la marque communautaire, l'article L 717-1 du code la propriété intellectuelle dispose, notamment, que constitue une contrefaçon la violation des interdictions notamment prévues à l'article 9 du règlement communautaire n°207/2009 qui évoque le droit exclusif conféré par la marque communautaire à son titulaire et lui accorde, si sa marque jouit d'une renommée, le droit d'interdire l'usage d'un signe lorsqu'il est indûment tiré profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou lorsqu'il lui est porté préjudice ;
Que, sur le moyen tiré du droit de parodie et de la liberté d'expression invoqué par les appelantes, force est de considérer que le droit des marques et les dispositions particulières sus-évoquées ne connaissent pas l'exception au monopole du droit d'auteur que constitue la parodie ;
Qu'en outre, il ne peut être contesté que les signes litigieux sont utilisés dans la vie des affaires et servent, non point à des fins militantes comme il a pu être retenu dans des décisions citées par les appelantes qui ne sont pas transposables au cas d'espèce, mais à promouvoir les produits commercialisés par les sociétés appelantes, de sorte que les faits reprochés entrent bien dans le champ du droit exclusif conféré par les marques dont est titulaire la société P.R. ;
Que l'absence d'atteinte aux marques revendiquées peut d'autant moins être invoquée qu'elles bénéficient de la protection spéciale sus-évoquée, qu'il suffit que le public concerné établisse un lien, apprécié selon les critères dégagés par la jurisprudence communautaire (CJCE, 27 novembre 2008 Intel), entre les signes opposés, même s'il ne les confond pas, et qu'il est reproché aux appelantes d'avoir tiré profit de leur renommée ;
Que ces dernières ne peuvent, non plus, valablement se prévaloir de l'exercice non fautif de la liberté d'expression dès lors qu'en commercialisant les produits litigieux supportant des éléments des marques renommées elles ne poursuivent pas un but d'intérêt général en employant, pour véhiculer un message ou une opinion dans ce sens, des moyens proportionnés à ce but ;
Que, sur le moyen tiré de la perception, par le public, des signes litigieux comme des décorations, il résulte de la jurisprudence communautaire invoquée (CJCE, 23 octobre 2003, Adidas I, point 41) qu'il n'est pas exclu qu'un signe perçu comme un décor le soit également comme un élément indicatif d'une origine commerciale et qu'il appartient, dès lors, aux appelantes de démontrer que les signes apposés sur les produits qu'elles commercialisent sont exclusivement perçus comme des signes utilisés à des fins illustratives et décoratives ;
Qu'à cet égard, leur argument selon lequel le consommateur n'identifiera pas les produits comme provenant des sociétés R. du fait que les sociétés VDF et Direct Line sont identifiées sur leurs emballages ne peut prospérer du fait que les signes litigieux son apposés sur les produits eux-mêmes, que les signes revendiqués constituent des marques renommées et qu'il suffit, comme il a été dit, que le consommateur établisse un lien entre les signes opposés ; qu'enfin, rien n'exclut que le public concerné puisse croire que les produits ainsi commercialisés le soient avec l'autorisation de la société P.R. ou sous son contrôle ;
Qu'ainsi tenues de démontrer que les signes litigieux ne peuvent être perçus autrement que comme des ornements et en se dispensant de procéder, pour le dénier, à l'examen du lien susceptible d'être retenu entre les marques revendiquées et chacun des signes litigieux, les sociétés appelantes ne peuvent valablement conclure qu' « aucune atteinte aux marques invoquées ne peut être reconnue » ;
Qu'elles ne sont donc pas fondées en ces divers moyens de défense de sorte que le tribunal qui en a ainsi jugé doit être approuvé ;
Sur l'existence d'un lien entre la marque communautaire de renommée « R. » n°4 206 421 et les signes litigieux
Considérant, d'abord, que les parties s'opposent sur la nécessité de procéder à la comparaison des produits, leur débat s'étendant à toutes les atteintes incriminées dans le cadre de la présente procédure ;
Que les sociétés appelantes, soutenant que la nature des produits en cause est un facteur pertinent en matière de marque renommée, font valoir que les produits visés à l'enregistrement des marques sont des boissons alcooliques, de nature totalement différente de la catégorie des articles de jeux, de vaisselle et de vêtements et que l'exploitant de tels produits ne peut tirer profit de l'image attachée aux marques de renommée pour les boissons alcooliques ;
Mais considérant que la marque renommée jouit, comme déjà énoncé, d'une protection élargie et que tant le libellé de l'article 9 § 1 sous c) que celui de l'article L 713-5 précités sanctionnent l'usage d'un signe reproduisant ou imitant une telle marque pour des produits ou services non similaires et qu'il n' y a donc pas lieu de procéder à la comparaison des produits ;
Que tout au plus la nature des produits peut-elle être prise en considération pour apprécier le lien entre les marques renommées revendiquées et chacun des signes litigieux selon les critères dégagés par la jurisprudence communautaire ( CJCE, Intel, points 49 et suivants) ;
Qu'en l'espèce, la nature des produits en conflit conduira le grand public, tout autant concerné par les marques renommées que par les produits commercialisés sous les différents signes litigieux, à opérer un rapprochement, qu'il s'agisse des « jeux à boire », des verres qui servent à boire ou des T-shirts susceptibles d'être commercialisés par un exploitant de boissons alcooliques comme produits dérivés ;
Considérant ensuite, sur le lien susceptible d'être établi entre les marques renommées revendiquées et chacun des signes litigieux, qu' il ressort de ce même arrêt (points 41 et 42) :
« Que l'existence d'un tel lien doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (') » et que :
« Parmi ces facteurs peuvent être cités :
le degré de similitude entre les marques en conflit ;
la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné,
l'intensité de la renommée de la marque antérieure,
le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage de la marque antérieure,
l'existence d'un risque de confusion ;
Considérant que, sans être contestée, la société P.R. décrit comme suit cette marque semi-figurative :
« un cartouche bleu marine aux angles biseautés au sein duquel est inscrite la dénomination « R. » en lettres majuscules de couleur blanche et comportant un liseré de couleur argentée » // (au dessous duquel est figuré) « un rectangle aux angles biseautés bordé de trois liserés respectivement de couleur bleu marine, argent et jaune, comprenant la représentation stylisée d'une feuille d'acanthe dans un dégradé de gris et argent, traversé par une banderole ayant en son milieu un rond rouge cerclé de bleu et entouré de fines rayures d'argent ; la partie basse du rectangle formant une bande de couleur bleu marine » ;
Considérant que sur les quatre signes présentés par la société P.R. comme portant atteinte à cette marque, le tribunal n'a retenu l'atteinte que pour trois d'entre eux (à savoir : les signes figurant sur les « jeux à boire P'titbar », sur les « dés à boire P'titbar », sur les « verres à cocktail Penard » ), excluant que « le T-shirt Fanny » ait porté atteinte à cette marque renommée ;
Qu'en cause d'appel, les sociétés VDF France et Direct Line poursuivent l'infirmation du jugement en ses dispositions sur les trois premiers signes, tandis que les appelantes en poursuivent la confirmation et, sur appel incident, l'infirmation en ses dispositions relatives au « T-shirt Fanny » ;
* sur les signes figurant sur les « jeux à boire P'titbar » et les « dés à boire P'titbar »
Considérant que les signes apposés sur ces deux produits représentent de manière stylisée une feuille d'acanthe de couleur grise, traversée par une banderole de même couleur ayant en son milieu un cercle de couleurs rouge et blanche (respectivement centre et bordure du cercle) avec l'inscription « 45 » de couleur blanche, au centre de cercle rouge outre un cartouche bleu marine aux angles biseautés au sein duquel est inscrite la mention « P'titbar » en lettres blanches majuscules ;
Qu'il est vrai que les feuilles opposés ont des formes qui ne sont pas strictement identiques et une couleur semblablement grise mais rendue différemment, que, par ailleurs, le rectangle inférieur n'est pas repris, pas plus que les rayures obliques ;
Que force est, néanmoins de considérer que les produits, par leur nature, sont d'une grande proximité, que la marque de renommée (enregistrée en 2004, intensément exploitée puisque sont vendus chaque année 46 millions de litres de « R. » et à laquelle sont consacrés des budgets publicitaires avoisinant annuellement les 15 millions d'euros) est d'une distinctivité élevée si bien que le public pertinent, malgré l'absence d'un second rectangle, retrouvera des éléments de similitude caractéristiques de la marque renommée, tels les codes couleur ou la présence de feuilles d'acanthe traversée par une banderole et que le cartouche bleu marine incluant le terme « P'titbar », phonétiquement proche de « R. », évoquera dans son esprit, comme ces autres éléments de reprise, la marque renommée ;
Qu'à juste titre, par conséquent, le tribunal a considéré qu'il établira un lien entre les signes ;
* sur les verres à cocktail « Penard »
Considérant que le signe contesté ce compose du cartouche bleu biseauté décrit plus haut dans lequel est inscrit en caractères majuscules blancs le terme « Penard », sous lequel est placé un rectangle biseauté, aux fines rayures argentées et bordé de jaune, figurant un postérieur féminin rebondi au centre duquel figure le chiffre « 69 » dans un macaron rouge traversé par une banderole sur laquelle sont écrits, de part et d'autre, les mots : « Apéritif » et « Aniké », la base de ce rectangle supportant l'indication en lettres blanches « En France » puis, au dessous et en lettres majuscules rouges sur fond blanc « Pastiche de Marseille » ;
Que dès lors que, comme énoncé ci dessus, la marque renommée jouit d'une distinctivité élevée, que la nature des produits en conflit constitue un facteur de rapprochement, que l'architecture de l'élément figuratif de la marque est reproduit dans ses formes générales et couleurs et que les termes « Penard » et « R. » adoptent un même positionnement, sur un même cartouche, avec un nombre de syllabes et des désinences identiques, les appelantes ne peuvent être suivies lorsqu'elles se prévalent d'une absence de reproduction et/ou imitation en évoquant l'absence du terme « R. », la substitution du postérieur au feuillage, la présence du chiffre « 69 » ou l'adjonction des termes « Apéritifs » et « Aniké » n'apparaissant que comme des éléments secondaires ;
Qu'en regard des critères d'appréciation du lien sus-évoqués, il y a lieu d'en retenir l'existence et de confirmer le jugement en son appréciation ;
* sur le « T-shirt Fanny »
Considérant que le signe contesté figure, entre deux banderoles comportant les mentions « Tu la pointes » puis « Tu la tires », ce même postérieur féminin rebondi, entouré de feuillage de part et d'autre, au dessus duquel est placé dans une pastille bordeaux le nombre « 13/0 », le terme « Fanny » en lettres majuscules blanches dans un cartouche biseauté étant placé entre la banderole inférieure et, en petites lettres blanches évoquant l'écriture manuscrite, la mention : « L'apéro aniké après une bonne partie de boules » ;
Que pour contester le jugement qui a conclu à un faible degré de similitude entre les signes, la société P.R. fait valoir que le signe reprend le cartouche « R. » bordé d'un liseré argenté au sein duquel s'inscrit une dénomination en lettres majuscules de couleur blanche ainsi que la banderole de couleur grise et le cercle de couleur rouge de la marque renommée ; que, de plus, les éléments verbaux employés évoquent un apéritif anisé bu à l'apéritif après une partie de pétanque ; qu'elle évoque de plus la démarche commerciale des intimées qui vise à pasticher ses marques les plus connues ;
Mais considérant, s'agissant de produits en conflit d'une moins forte proximité avec la marque renommée que les trois produits précédents, qu'en dépit de sa distinctivité élevée et de la présence de banderoles grises, le degré de similitude entre les signes opposés - dont les éléments figuratifs se composent et se combinent différemment et dont les éléments verbaux diffèrent visuellement, phonétiquement et conceptuellement (si ce n'est au prix d'analogies sans évidence immédiate) - est insuffisant pour considérer que le public pertinent, auquel ne sera pas nécessairement proposé l'achat des produits précités, effectuera un rapprochement entre les signes en conflit ;
Que le jugement qui en a ainsi disposé mérite confirmation ;
Sur l'existence d'un lien entre les marques communautaires de renommée (verbale) « R. » n° 4 660 478 et (figurative ) n° 4 164 026 et les signes litigieux
Considérant que la première de ces marques (invoquée cumulativement avec la seconde dans l'examen des T-shirts « Cours de Français » et « Ricare ») est calligraphiée en lettres majuscules noires ;
Que la seconde représente dans un cartouche noir une bouteille de couleur orangée comportant une collerette argentée avec un liseré jaune à sa base, et, embossé sur le haut de la bouteille, un soleil outre une étiquette identique à la marque communautaire n°4 206 421 sus-décrite ;
Considérant que les intimés poursuivent l'infirmation du jugement dans son appréciation sur deux des six signes litigieux, les appelantes formant appel incident pour voir reconnaître l'existence d'un lien entre ces marques renommées et l'ensemble des six signes incriminés ;
* sur le verre à cocktail « Pastis » et sur le « T-shirt Pastis »
Considérant qu'apposé tant sur le verre que sur ce vêtement, le signe litigieux se présente de la même manière, à savoir : une bouteille, dotée d'une collerette argentée, épousant les contours d'un buste féminin vêtu d'un tablier dont le soutien-gorge est formé d'un cartouche bleu marine entouré de blanc sur lequel est écrit, en épaisses lettres blanches majuscules, le mot « Pastis » ; que le reste de ce vêtement se présente avec de fines rayures grises verticales sur un fond blanc entouré d'un liseré bleu marine ; qu'au dessous d'une banderole de couleur rouge supportant l'inscription « Les 2 font l'apéro » se trouve un feuillage argenté avec en son centre une pastille rouge incluant le nombre « 69 », en blanc puis, dans un encart, les termes « Apéritif Aniké » ; qu'enfin, à gauche de cette bouteille, sur quatre lignes, il est écrit en lettres de grand format « Je bois la vie en jaune » ;
Qu'au soutien de son appel incident, la société P.-R. affirme qu'il est indéniable que ce signe qui se place résolument, par les divers termes employés, dans l'univers du pastis conduira plus particulièrement le « public du pastis » à faire un rapprochement dès lors qu'il comporte une bouteille reprenant, outre la combinaison de couleurs associée à cette marque, la plupart de ses éléments caractéristiques : collerette, cartouche bleu marine, étiquette, feuillage, banderole ;
Que, ceci étant rappelé, s'il est vrai que les termes employés ne constituent pas des facteurs de rapprochement dès lors que la marque revendiquée n'en contient aucun, que la forme des bouteilles diffère, que la collerette sur laquelle l'intimée ne peut détenir un monopole n'est pas argentée mais blanche, que la couleur bleu marine est la seule caractéristique du cartouche reproduit, que le feuillage de ce signe n'est pas le même, il n'en reste pas moins qu'il convient de rechercher si le public concerné effectuera un rapprochement entre les signes alors même qu'il ne les confond pas et qu'un tel lien existe si le signe litigieux évoque la marque renommée dans son esprit ;
Que l'examen des signes en conflit conduit à dire que tel est le cas en l'espèce, compte tenu de la proximité étroite des produits, à savoir une bouteille représentée dans ces deux signes, quand bien même celle du signe litigieux prendrait une forme de fantaisie (laquelle pourrait d'ailleurs conduire le public à s'arrêter davantage sur ses détails), de la haute distinctivité de la marque dont sont repris la superposition de deux rectangles dans les mêmes proportions, le code couleur ou encore, fût-il déformé, la présence d'un feuillage entourant une pastille rouge ;
Que le public pertinent sera, par conséquent, conduit à établir un lien entre les signes si bien que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
* sur le « T-Shirt canard »
Considérant que les reproductions produites, de médiocre qualité, donnent à voir un signe susceptible d'évoquer, au niveau du bouchon et du corps légèrement bombé de la bouteille, le bec et le corps d'un canard, l'étiquette semblant figurer un rectangle entouré d'un large trait bleu au centre duquel apparaît un cercle rouge d'où partirait une banderole sur fond grisé ; qu'une inscription sur plusieurs lignes, peu lisible, est portée sur la gauche de cette bouteille ;
Qu'en dépit de la distinctivité de la marque et de la proximité de la nature des produits figurés, les éléments de reprise mis en exergue par les intimées (collerette argentée, cartouche, bord de l'étiquette, feuillage, banderole, code couleur) paraissent par trop imprécis et, en toute hypothèse, insuffisants pour permettre de considérer que le public pertinent fera le lien entre les signes opposés;
Que le tribunal qui a porté une appréciation dans ce sens doit donc être confirmé ;
* sur le T-shirt « Penard »
Considérant qu'à l'instar de la société P.R., il convient de se reporter à la description de l'étiquette des verres à cocktail « Pénard » en ajoutant que le signe représente une bouteille de couleur orangée figurant un corps humain étendu sur le dos, allongé sur un rectangle blanc strié de gris, jaune et orangé, deux figurations de bras se rejoignant à la hauteur d'une collerette argentée légèrement relevée, avec un soleil embossé sur ce qui pourrait être qualifié de thorax ; qu'en lettres majuscules blanches et jaunes disposées sur quatre lignes figure au dessous le message : « je préserve la couche d'eau jaune » ;
Que les appelantes renvoient, elles aussi, « à la marque Pénard » et ajoutent que n'est pas reproduite la forme de la bouteille, pas plus qu'un feuillage mais à sa place un postérieur féminin et que la « serviette » n'a aucune similarité avec la marque de la société Pernod R. ;
Mais attendu qu'en sus des éléments retenus ci-dessus pour conclure que le public fera un lien avec la marque renommée à la seule vision de l'étiquette, il apparaît que la figuration d'une bouteille, du fait de sa nature, est un facteur supplémentaire de rapprochement, de même que la couleur argentée de la collerette ;
Que le jugement doit donc être confirmé ;
* sur le signe du « T-shirt Cours de Français »
Considérant que ce signe présente, au dessous du titre en arc de cercle « Tout ce que j'ai appris en cours de Français », une bouteille orange à collerette argentée avec une étiquette identique à celle décrite précédemment, le tout selon une présentation floutée, et, sur sa partie gauche, la phrase « mais où et donc mon ri car » disposée sur sept lignes ;
Que les appelantes soutiennent que le tribunal a justement retenu l'absence de similarité des éléments figuratifs mais qu'à tort il a vu dans les termes « ri car » une reprise de la marque communautaire « R. » dans la mesure où sont figurés, comme écrits à la craie sur le mode enfantin, les conjonctions de coordination avec substitution du possessif « mon » à la conjonction « or » et mention finale de « ri » « car », laquelle, à leur sens, ne sera « en aucun cas associée par le consommateur aux marques de la société P.R. » ;
Que, ceci étant rappelé, il convient de considérer que, même en ne le percevant que sous son aspect flouté (de nature à suggérer, au demeurant, un état d'alcoolisation), le public concerné opérera un rapprochement entre l'élément figuratif du signe et la marque communautaire représentant une bouteille en raison de la distinctivité élevée de cette marque et de la reprise en ses éléments essentiels ;
Que ce lien sera d'autant plus évident, convient-il d'ajouter, que les dernières conjonctions de coordination reprennent, à une lettre finale près, le terme « R. » que le public associera à la bouteille précitée et qui constitue une autre marque renommée dont l'intimée est titulaire, ceci en raison de la quasi identité visuelle, de l'identité phonétique et du rapprochement sémantique induit ;
Que le raisonnement peut être inversé si l'on s'attache d'abord à l'élément verbal ;
Qu'un lien peut donc être retenu avec l'une et l'autre des deux marques communautaires en cause, de sorte que le jugement doit être réformé sur ce point ;
* sur les T-shirts « Ricare »
Considérant que ce signe se présente, lui aussi, sous un titre en arc de cercle de couleur blanche « Tout ce que j'ai appris en cours d'histoire » ; qu'il comporte des inscriptions en lettres gothiques blanche fortement représentées « Heureux qui comme Ricare » puis « A bu un bon breuvage » encadrant la bouteille à collerette et étiquette ci-dessus décrites dotée d'ailes grises simulant un envol, cette bouteille ailée ayant pour fond un globe de couleur bleu ciel ;
Que les appelantes critiquent le tribunal qui a retenu une similitude avec ces deux marques jouissant d'une renommée alors, selon elles, que la calligraphie utilisée a une identité propre, que son association avec le dessin des ailes donne au signe critiqué un caractère propre et que le code couleur est différent puisque peuvent être vues des touches de noir, de bleu ciel et d'orangé ;
Mais considérant que malgré la présence d'ailes et la calligraphie des éléments verbaux, la bouteille, centrée au milieu du signe et parfaitement identifiable, ne perd rien de sa distinctivité et que le terme « Ricare », placé juste au dessus, tend à renforcer le lien que le consommateur sera conduit à faire avec l'une et l'autre des deux marques communautaires renommées ici revendiquées ;
Qu'il n'y a donc pas lieu à infirmation du jugement sur ce point ;
Sur l'existence d'un lien entre les marques françaises semi-figuratives de renommée « Pastis 51 » n°1 709 390, « 51 » n° 3 307 353 et les signes litigieux
Considérant que la première de ces marques se présente en noir et blanc ; que sous un rectangle blanc supportant le terme « Pastis » figure en lettres épaisses le nombre « 51 » et qu'un demi-cercle, diamètre vers le haut, vient s'ajouter en arrière plan de ces deux éléments, mordant légèrement la surface de l'un et de l'autre ;
Que la seconde ne comprend pas l'élément verbal « Pastis » mais se présente de la même façon tout en adoptant la couleur bleu ciel pour le rectangle supérieur et le nombre « 51 », rouge barré d'une ligne blanche et grise pour le demi-cercle, et en ayant, de plus, pour fond un éparpillement de petites fleurs grises légèrement figurées ;
* sur le verre « mon compte est bon » et le « T-shirt mon compte est bon »
Considérant que le signe, sous le titre en arc de cercle de couleur noire « Tout ce que j'ai appris en maths » se présente comme une opération arithmétique dont la somme est « Mon compte est bon », additionnant, positionnés les uns au dessous des autres, les nombres « 1664 », « 33 », « 51 » et « 27 » ;
Qu'outre le fait que le nombre « 51 » est repris quasiment à l'identique de la marque précitée en couleur (à l'exception du rectangle supérieur et du semis floral ), la présence des marques de bière « 1664 » et « 33 » et de la boisson « Get 27 » dans leurs présentations graphiques particulières accompagnant ce signe ne peut que conduire le public pertinent à faire le lien avec la seconde et même la première (quasiment identique mais en noir et blanc) des deux marques de renommée dont il s'agit ;
Que le tribunal qui en a ainsi jugé doit être approuvé ;
* sur le « T-shirt iTrinque »
Considérant que le signe se compose de la juxtaposition de 16 logos (4x4) comptant un carré figurant un enchevêtrement de lignes de couleur claire avec un point rouge, tel un point de situation, et le signe « 51 » en blanc sur fond bleu au dessous d'une couche de rouge, avec pour mention au dessous de ce carré « Tournée des bars », ceci au dessus d'un autre carré figurant une machine à calculer affichant le nombre « 51 » au dessus de la mention « Mon compte est bon » ;
Que tant ces figurations explicites qui reprennent les couleurs des marques de renommée « 51 » que le message véhiculé qui ne laisse planer aucun doute sur la raison d'être de ce nombre conduiront le public pertinent à faire un lien avec la marque de distinctivité élevée « 51 » (dont il est précisé, sans contestation, que lui était consacré un budget publicitaire de plus de 7 millions d'euros en 2012 et qu'elle est régulièrement associée à des personnalités connues pour des séries limitées ou à des designers) ;
Qu'il n'y a donc pas lieu à infirmation sur ce point ;
Qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé sauf en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'un lien susceptible d'être fait par le public entre le « verre cocktail Pastis », d'une part, le « T-shirt Pastis », d'une deuxième part, et le « T-shirt Cours de Français », d'une troisième part, et les marques communautaires de renommée (verbale) « R. » n° 4 660 478 et (figurative ) n°4 164 026 ;
Sur la contrefaçon des marques communautaires renommées et l'atteinte aux marques françaises renommées
Considérant que l'existence d'un lien entre les signes ci-avant retenu ne suffit pas à caractériser la contrefaçon ou l'atteinte et qu'il convient de rechercher, selon une appréciation globale prenant en compte tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, si l'usage des signes litigieux est de nature à nuire au caractère distinctif des marques en cause, ou/et à leur renommée ou encore/et si le lien ainsi créé avec les marques renommées permet à l'utilisateur non autorisé du signe de tirer profit du pouvoir d'attraction de ces marques dans le cadre de la commercialisation des produits supportant les signes litigieux ;
Considérant qu'invitant la cour à « examiner avec attention les produits (par elles) commercialisés », les appelantes estiment qu'à tort le tribunal a cru pouvoir considérer qu'ils avaient davantage une connotation vulgaire et dénigrante qu' humoristique et que leur usage avait pour seule fin de tirer profit de la renommée des marques en cause ;
Qu'elles font valoir, en divers points de leurs conclusions, que la qualité ou l'intensité de l'effet comique échappent à l'appréciation du juge, qu'il est faux de prétendre que l'usage des signes litigieux sous la forme de parodie aurait des conséquences dénigrantes sur les marques invoquées, qu'il n'y a pas eu intention de dénigrer mais d'amuser au moyen de calembours et d'aphorismes, comme pour les autres produits figurant dans les catalogues saisis par l'huissier, et que le consommateur choisira ces produits pour leur caractère humoristique et leur dérision ;
Qu'en réplique, la société P.R. soutient que les agissements des appelantes présentent la particularité de cumuler l'ensemble des atteintes caractérisées par la CJUE, à savoir le préjudice porté au caractère distinctif et à la renommée de la marque ainsi que le profit indûment tiré de cette renommée ;
Considérant, ceci exposé, qu'il résulte également de la jurisprudence citée (CJCE, Intel, points 37 et suivants) qu'il appartient au titulaire de la marque de prouver que l'usage des signes litigieux porte atteinte à sa marque ; qu'il n'est toutefois pas tenu de démontrer l'existence d'une atteinte effective et actuelle mais seulement d'établir des éléments permettant de penser à un risque sérieux qu'une telle atteinte se produise dans le futur ;
Qu'il y a lieu de considérer en l'espèce que ces signes sont utilisés dans la vie des affaires et ne peuvent bénéficier de l'exception de parodie ou être tenus comme des éléments exclusivement décoratifs dans la perception qu'en a le public, comme il a été dit ;
Que le titulaire des marques renommées en cause, fondé à se prévaloir de leur distinctivité élevée, peut prétendre que l'usage qui en a été fait par les sociétés VDF France et Direct Line contribue à sa banalisation en en diminuant la force attractive pour le consommateur moyen des produits couverts par lesdites marques, susceptible de modifier son comportement économique en s'en détournant ;
Que les efforts déployés par leur titulaire pour véhiculer une image positive de sérieux et de qualité ne peuvent qu'être affectés par l'usage qui a été fait de ces marques par les intimées dès lors que celui-ci, connoté de grivoiserie et de trivialité, a pour effet de dégrader cette image, comme le souligne la société P.R. dans l'appréciation qu'elle porte sur chacun des signes successivement examinés dont il a été dit que les éléments, appréciés globalement, constituaient des facteurs de rapprochement avec les marques renommées ;
Que la société P.R. est enfin fondée à prétendre que les intimées ont fautivement tiré profit du caractère distinctif et de la renommée des marques dont elle est titulaire à son préjudice puisque l'usage de leur force attractive, quand bien même il serait réalisé sans intention de nuire, a pour effet de rallier la clientèle des produits que les appelantes exploitent, jeux ou dés « à boire », verrerie ou encore vêtements de loisirs ;
Que la société P.R. est par conséquent fondée en son action en contrefaçon de ses marques communautaires renommées et en celle tendant à voir sanctionner l'atteinte portée à ses marques françaises renommées ;
Sur la demande indemnitaire des sociétés P. SA et R. SA
Considérant que, sur appel incident, elles sollicitent la réformation du jugement qui, certes, les a déclarées recevables à agir mais, au motif qu'elles ne justifiaient pas de leur préjudice, les a déboutées de leurs demandes respectives en réparation du préjudice propre qu'elles ont subi résultant, précisent-elles, de l'atteinte aux trois marques communautaires de renommée (pour la société R.), aux deux marques françaises de renommée (pour la société P.) et à l'image des produits qu'elles forgent au prix d'investissements, notamment publicitaires ;
Qu'elles précisent, en réponse à la motivation du tribunal jugeant qu'il ne pouvait connaître d'une infraction pénale, que si elles invoquent la méconnaissance des dispositions de l'article L 3323-2 du code de la santé publique, c'est parce que les produits litigieux sont susceptibles d'être perçus comme des publicités pour leurs propres produits et qu'ils sont réalisés sur des supports enfreignant ces dispositions ; que cela justifie devant la juridiction civile, estiment-elles, la demande tendant à obtenir l'interdiction de la poursuite des agissements incriminés ;
Qu'en réplique, les appelantes reprennent leur contestation relative à la qualité pour agir de la société R. au motif qu'elle ne justifie ni d'un contrat de licence ni d'un contrat de distribution des pastis marqués R. ; qu'elles soutiennent, au fond, que les produits litigieux ne portent pas atteinte à la valeur attractive des marques du fait de leur caractère humoristique, estimant qu'avec audace et, en tout cas sans efficacité, ces sociétés spécialisées dans la fabrication et la vente d'alcool lui reprochent de véhiculer un message incitant à la consommation sans retenue d'alcool alors que la commercialisation de leurs propres produits, sur le mode humoristique, est moins incitative à une telle consommation que la leur ;
Considérant, ceci rappelé, que sont produits, comme en première instance, les contrats de licence exclusive liant la société P.R. et chacune des sociétés P. et R. qu'elles ont signés le 29 janvier 2009 (pièces et 39 et 47) si bien que la recevabilité à agir de ces sociétés, qui ne disposent pas d'un droit privatif sur ces marques, ne peut être contestée ;
Que, sur le fond, il y a lieu de considérer que la dilution et l'avilissement de la marque ci-avant retenus sans qu'il y ait lieu de s'attacher au droit à l'humour revendiqué, ont nécessairement causé un trouble commercial aux sociétés P. et R. qui l'exploitent pour vendre leurs produits ; que si les sociétés intimées ont tiré profit des marques de renommée en causant un préjudice au titulaire de droits privatifs sur ces marques, ces mêmes agissements sont constitutifs d'un préjudice propre aux licenciés ;
Que les appelantes sont ainsi fondées tant en leur demande indemnitaire qu'en leur demande d'interdiction ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que, tandis que les appelantes soutiennent que devrait être ramené à une somme symbolique le préjudice résultant de l'atteinte aux marques renommées et de la contrefaçon des marques communautaires au motif que l'évaluation des premiers juges ne repose sur aucun des éléments d'appréciation de l'article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle , la société P.R. poursuit la majoration de la somme allouée en première instance à la somme de 150.000 euros en faisant valoir :
que ces sociétés vendent leurs produits sur tout le territoire national et ont d'importants clients, telle l'enseigne « Foir'Fouille »,
qu'à s'en tenir aux produits objet de la retenue douanière, ont pu être dénombrés 1.800 jeux à boire P'titbar commandés (commercialisés au prix unitaire de 0,59 euros et vendus 1,95 euros, soit une marge bénéficiaire de 230 %), 3.600 jeux de dés P'titbar (au prix unitaire de 0,57 euros vendus 2,25 euros soit une marge bénéficiaire de 295 %), 600 verres Penard (au prix unitaire de 0,79 euros vendus 2,28 euros, soit une marge bénéficiaire de 201 %) et qu'il s'agit donc de quantités substantielles et d'activités lucratives,
que les appelantes se gardent de préciser les bénéfices qu'elles réalisent,
et que l'article L 716-14 précité prévoit une alternative permettant de demander une somme forfaitaire, comme elles le font ;
Qu'il y a lieu de considérer, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, que le fait que onze des treize signes incriminés dans le cadre de la présente procédure d'appel (en ce compris ceux qui ont été découverts dans les catalogues saisis) aient porté atteinte à cinq marques de renommée, que ces signes cumulent les causes de préjudice puisqu'ils portent atteinte aussi bien à leur caractère distinctif qu'à leur renommée acquise grâce à d'importants efforts humains et financiers de longue haleine, et que ces sociétés en tirent indûment profit en se créant, grâce à une utilisation non autorisée, des sources de revenus non négligeables, conduisent à considérer que la somme indemnitaire allouée par les premiers juges doit être majorée pour être portée à celle de 75.000 euros, en réparation du préjudice subi ;
Considérant, s'agissant du préjudice propre de chacune des sociétés licenciées, que pour réparer par équivalent le trouble commercial résultant des agissements incriminés, il sera alloué à chacune, en contemplation des éléments de la cause, une somme de 10.000 euros ;
Considérant, s'agissant des mesures de réparation en nature, qu'il convient de faire droit à la demande d'interdiction qui n'est pas fondée sur la méconnaissance du code de la santé publique mais aura pour effet d'empêcher la perpétuation du délit civil ; que, par mêmes motifs, doit être accueillie la demande tendant à voir retirer de la vente des produits supportant les signes ci-avant retenus comme conduisant le public concerné à faire le lien avec les marques renommées ;
Qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'ordonner une mesure de publication, comme en a jugé le tribunal ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que la demande indemnitaire des appelantes fondée sur l'entrave à leur exploitation du fait de la retenue des marchandises en cause ou du préjudice moral dont elles font état ne peut prospérer ;
Qu'il échet d'approuver le jugement qui en a ainsi jugé, omettant toutefois, à la faveur d'une erreur matérielle, de reprendre cette dispositions dans le dispositif du jugement ;
Que l'équité commande de condamner in solidum les appelantes à verser aux trois sociétés intimées une somme complémentaire globale de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutées de ce dernier chef de demande, elles supporteront les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux « T-shirt Pastis » et « T-shirt Cours de Français » ainsi qu'au verre à cocktail « Pastis », portant par ailleurs sur l'évaluation du préjudice subi par la société P.R. SA ainsi qu'en ses dispositions qui déboutent les sociétés P. SA et R. SA de leurs demandes indemnitaires et, statuant à nouveau en y ajoutant ;
Dit qu'en procédant à des exploitations portant sur les T-shirts dénommés « Pastis » et « Cours de Français » ainsi que sur le verre à cocktail dénommé « Pastis » sur lesquels sont apposés des signes portant atteinte aux marques de renommée n° 4 164 026 et n° 4 660 478 dont la société P.R. SA est titulaire, les sociétés VDF France SAS et Direct Line SAS ont contrevenu aux dispositions de l'article 9 § 1 sous c) du règlement communautaire n° 207/2009 ;
Condamne en conséquence in solidum les sociétés VDF France SAS et Direct Line SAS à verser à la société P.R. SA une somme de 75.000 euros en réparation de son entier préjudice ;
Dit que les sociétés VDF France SAS et Direct Line SAS ont engagé leur responsabilité civile en causant un trouble commercial aux sociétés P. SA et R. SA ;
Condamne, en conséquence, in solidum les sociétés VDF France SAS et Direct Line SAS à verser à la société P. SA, d'une part, à la société R. SA, d'autre part, la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice propre à chacune ;
Déboute les sociétés VDF France SAS et Direct Line SAS de leur demande indemnitaire ;
Condamne in solidum les sociétés VDF France SAS et Direct Line SAS à verser aux sociétés P.-R. SA, P. SA et R. SA la somme complémentaire globale de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.