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Décisions

Cass. com., 26 novembre 2003, n° 00-18.047

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Benabent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 31 mai 2000

31 mai 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Compagnie financière des produits Orangina, titulaire d'une marque semi-figurative "move", comportant la représentation d'un zeste d'orange inscrit dans la lettre O de ce mot, a formé opposition à la demande d'enregistrement de la marque "moove" au profit de la société Pinault Printemps Redoute pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement de sa marque ; que la cour d'appel a rejeté le recours formé contre la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), accueillant partiellement cette opposition et refusant l'enregistrement de la marque en ce qu'elle porte sur les produits de l'imprimerie, journaux, revues, périodiques, magazines, imprimés, livres, brochures, catalogues, articles pour reliures, caractères d'imprimerie, clichés, publicité, promotion d'entreprises, abonnement à des journaux et distribution de journaux ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Pinault Printemps Redoute fait grief à l'arrêt d'avoir statué en présence, en qualité de partie, du directeur général de l'INPI sur un recours formé contre une décision du dit directeur rendue dans le cadre d'une procédure d'opposition à l'enregistrement d'une marque, alors, selon le moyen, que la décision par laquelle le directeur de l'INPI statue sur un recours en opposition à l'enregistrement d'une marque revêt un caractère juridictionnel ; que dès lors la présence devant la cour d'appel, en qualité de partie, de l'autorité dont émane la décision juridictionnelle attaquée est de nature à fausser le débat en rompant l'égalité des armes et méconnaît plus largement l'exigence d'un procès équitable rendu par un juge indépendant et impartial posée par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la participation du directeur de l'INPI aux débat suivis devant la cour d'appel saisie d'un recours contre une décision qu'il a rendue, qui résulte des dispositions de l'article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, était connue des parties ; qu'il s'ensuit que la société Pinault Printemps Redoute n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de Cassation la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle avait la possibilité d'en faire état devant la cour d'appel et qu'elle s'en est abstenue ; que le moyen est irrecevable ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter le recours de la société Pinault Printemps Redoute, l'arrêt retient que dans la marque complexe "move", l'élément "move" est parfaitement détachable du reste de la marque, en ce compris la représentation figurative d'un zeste d'orange inscrit dans la lettre O, que cet élément est également parfaitement arbitraire pour désigner les produits énumérés, que, seul élément verbal de la marque, il est revêtu d'un pouvoir attractif important et qu'il est susceptible d'exercer à lui seul la fonction distinctive de la marque ; qu'il en déduit que la comparaison des signes doit s'effectuer entre la dénomination "move" de la marque première et la dénomination "moove" de la marque seconde, et que, dès lors que l'élément "move" se trouve reproduit quasiment à l'identique, il y a reproduction de la marque ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que le signe n'était pas identique à la marque, faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments la constituant, et sans rechercher si, considéré dans son ensemble, il recelait des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter le recours de la société Pinault Printemps Redoute, la cour d'appel retient encore que, s'agissant des produits similaires, l'identité, tant visuelle que phonétique et intellectuelle des signes, telle que précédemment analysée, comporte un risque certain de confusion dans l'esprit d'un public moyennement attentif qui ne dispose pas en même temps des deux signes sous les yeux ;

Attendu qu'en examinant ce risque de confusion au vu des seules similitudes qu'elle avait relevées entre les signes "move" et moove", et non au terme d'une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, dont ces éléments n'étaient que des facteurs parmi d'autres, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt (n° 244) rendu le 31 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la Compagnie financière des produits Orangina et la Compagnie Schweppes international limited aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Compagnie financière des produits Orangina ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille trois.