Cass. crim., 5 mars 2014, n° 13-81.015
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Lacan
Avocat :
SCP Boré et Salve de Bruneton
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 713-2, L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, des articles 38, 215, 215 bis, 215 ter, 392, 414, 419, 432, 437 et 438 du code des douanes, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a renvoyé M. Y... des fins de la poursuite du chef du délit réputé importation en contrebande de marchandises prohibées au titre des 21 344 piles de type AA et des 5 198 piles de type R14P ;
"aux motifs que le 22 décembre 2008, les agents de la DNRED intervenaient dans le cadre de l'article 63 ter du code des douanes au siège de la société Wes Import, 16 rue du Pilier à Aubervilliers (93), où ils procédaient au contrôle de ses locaux à usage professionnel ; qu'ils étaient reçus par son gérant, M. Y... ; qu'ils découvraient un lot de cartons contenant des piles, porteurs du logo «SQMY», susceptibles de contrefaire la marque Sony ; qu'ils notifiaient à M. Y..., dans l'incapacité de justifier de la détention régulière de la marchandise, le délit douanier réputé importation en contrebande de marchandises prohibées ; qu'ils procédaient, en évaluant leur valeur, à la saisie de ces marchandises comportant :
- 16 058 piles de type AAA estimées à 24 087 euros (soit 1,5 euro l'unité) ;
- 213 44 piles de type AA estimées à 16 008 euros (soit 0,75 euro l'unité) ;
- 5 198 piles de type R14P estimées à 10 396 euros (soit 2 euros l'unité) ;
Soit 42 600 piles évaluées à un montant global de 50 491 euros ;
que M. Y... déclarait qu'il avait acheté ces piles en Chine et qu'il comptait les revendre à des marchands ambulants ; qu'il achetait 11520 piles trois ou quatre fois par an ; qu'il revendait 15 centimes d'euros un lot de quatre piles ; qu'il contestait le caractère contrefaisant de la marchandise et refusait la transaction qui lui était proposée par les agents des douanes ; que la contrefaçon implique nécessairement un risque de confusion pour le consommateur moyen, qui doit s'apprécier globalement en considération de l'impression d'ensemble produite par la marque, compte tenu notamment du degré de similitude visuelle entre les signes, entre les produits et de la connaissance de la marque sur le marché ; que la marque Sony a été déposée sous numéro communautaire 005416243 auprès de l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) sis Avenida de Europa 4-E-03008 à Alicante ; que les piles de type AA et R14P, par le caractère très apparent du Q et du M du sigle SQMY ainsi que par leurs couleurs, se distinguent nettement des piles de la marque Sony ; que leur caractère contrefaisant n'est pas suffisamment établi ; que celles de type AAA, en revanche, par la petitesse du sigle SQMY qui estompe le Q et le M, leurs couleurs noires et les bandes bleues et vertes caractéristiques qui les composent, sont de nature à créer une confusion pour un consommateur moyen ; que la contrefaçon de marque, à leur égard, est caractérisée ; que M. Y..., compte tenu de la notoriété et de la très large diffusion de la marque Sony, ne pouvait ignorer ce caractère contrefaisant ; qu'aux termes de l'article 215 du code des douanes « ceux qui détiennent ou transportent des marchandises contrefaites doivent à première réquisition des agents des douanes, produire soit des quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées dans le territoire douanier de la communauté européenne, soit des factures d'achat, bordereaux de fabrication, ou toutes autres justifications d'origine émanant de personnes ou sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier de la communauté européenne » ; qu'en l'espèce, M. Y... n'a pas pu remettre aux agents des douanes de justificatif de détention régulière de la marchandise ; que le délit douanier de détention de marchandises prohibées réputées avoir été importées en contrebande, prévu et réprimé par les articles 38, 414 et 428 du code des douanes, est suffisamment établi ; qu'aux termes de l'article 414 précité, l'auteur de ce délit encourt la confiscation de l'objet de fraude et une amende comprise entre une et deux fois la valeur de cet objet ; qu'en application de l'article 369.d du code des douanes, le montant de l'amende fiscale peut être réduite jusqu'au tiers de son montant minimal lorsque les circonstances atténuantes sont retenues ; que le montant de l'amende douanière s'apprécie en considération de la valeur des produits contrefaits telle que résultant des tarifs pratiqués par le titulaire de la marque ; que l'administration des douanes a retenu une valeur de 24.087 euros ; qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce et M. Y... n'étant pas connu pour des faits similaires, de faire application à son égard des dispositions de l'article 369.d susvisé ; qu'il convient dès lors de prononcer à son encontre, outre la confiscation de la marchandise contrefaisante, assortie de l'exécution provisoire, une amende de 8029 euros » ;
"1°) alors que la contrefaçon de marque est caractérisée dès lors que l'impression d'ensemble produite par le signe constituant l'imitation de la marque protégée est de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur moyennement attentif ; que la cour d'appel a affirmé que le caractère contrefaisant des piles de type AA et R14P n'est pas suffisamment établi dès lors que le caractère très apparent du Q et du M du sigle SQMY, ainsi que par leurs couleurs, se distinguent nettement des piles de la marque Sony ; qu'en se prononçant ainsi sans rechercher si l'impression d'ensemble produite par le signe constituant l'imitation de la marque Sony n'était pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur moyennement attentif, ne disposant pas en même temps des deux signes sous les yeux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"2°) alors que l'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts et qu'ainsi un faible degré de similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement ; qu'en affirmant que le caractère contrefaisant des piles de type AA et R14P n'est pas suffisamment établi dès lors que le caractère très apparent du Q et du M du sigle SQMY ainsi que par leurs couleurs, se distinguent nettement des piles de la marque Sony sans rechercher si le faible degré de similitude des signes n'était pas compensé par l'identité des produits en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"3°) alors que la notoriété de la marque est un facteur pertinent de l'appréciation du risque de confusion en ce qu'elle confère à cette marque un caractère distinctif particulier et lui ouvre une protection étendue ; qu'en affirmant, après avoir relevé la notoriété et la très large diffusion de la marque Sony, que le caractère contrefaisant des piles de type AA et R14P n'est pas suffisamment établi dès lors que le caractère très apparent du Q et du M du sigle SQMY ainsi que par leurs couleurs, se distinguent nettement des piles de la marque Sony sans rechercher si la notoriété de la marque Sony n'engendrait pas un risque de confusion pour des produits identiques imitant la marque protégée renforçant la protection dont elle pouvait bénéficier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Y..., gérant de la société Wes Import, est poursuivi pour avoir détenu irrégulièrement des piles électriques de type AAA, AA et R14P contrefaisant la marque communautaire Sony ;
Attendu que, pour le relaxer du chef de détention des piles de types AA et R14P, l'arrêt énonce que ces piles, par le caractère très apparent des lettres Q et M figurant dans le sigle SQMY, ainsi que par leurs couleurs, se distinguent nettement de celles de la marque Sony ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation quant à l'impression d'ensemble produite par les piles dans l'esprit d'un consommateur moyennement attentif, la cour d'appel, qui a tenu compte de la notoriété de la marque imitée et de l'identité des produits en cause, a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.