Cass. com., 20 novembre 2012, n° 11-14.543
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Cloud's fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance partielle de cette marque pour les produits suivants : "chaussures de sport, chaussures de rugby, crampons de chaussures de rugby, chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), souliers de sport", alors, selon le moyen :
1°) que la production de factures comportant la description des
produits vendus permet d'établir la commercialisation des produits désignés sous la marque désignée ; qu'en affirmant de façon péremptoire que la mention 15/13 sur les factures ne prouvait pas la présence de la marque sur les tongs, cependant que la désignation des produits sur cette facture, qui n'était pas contestée, caractérisait un acte d'usage des produits qui y étaient décrits, de nature à faire obstacle à la déchéance, la cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) que l'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans ne fait pas obstacle à la déchéance s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande ; qu'en se contentant de relever que les pièces produites étaient datées de moins de trois mois avant la demande en déchéance sans vérifier, comme il lui était demandé, si la société Cloud's avait eu connaissance de l'éventualité de cette demande en déchéance lors de l'utilisation de la marque en janvier 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les seules pièces versées aux débats justifiant de l'usage d'une locution "Quinze Treize" étaient une facture d'achat ainsi que deux factures de vente de tongs sans qu'il soit possible de déterminer la marque apposée sur les produits achetés ou vendus par la société Cloud's, la cour d'appel, sans avoir à faire la recherche inopérante visée à la seconde branche, a pu en déduire que ces pièces ne pouvaient faire échec à la déchéance ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses quatre dernières branches :
Attendu que la société Cloud's fait grief à l'arrêt de rejeter ses prétentions fondées sur les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil alors, selon le moyen :
1°) que dans ses dernières conclusions d'appel, la société
Cloud's ne s'était pas contentée de relever que les chaussures de la société VGM étaient distribuées dans des grandes surfaces mais faisait valoir qu'elles l'étaient au sein de surfaces de vente dans lesquelles le magasin Chausséa, dédié à la vente de chaussures, était mitoyen d'un magasin «Défi Mode» consacré, quant à lui, à la vente de vêtements ; qu'en ne répondant pas à ce chef déterminant de conclusions, de nature à démontrer le caractère complémentaire des produits et l'existence d'une similitude, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) que le risque de confusion doit s'apprécier globalement en
considération de l'impression d'ensemble produite par les marques compte tenu, notamment, du degré de similitude visuelle ou conceptuelle entre les signes, du degré de similitude entre les produits et de la connaissance de la marque sur le marché ; qu'en examinant le risque de confusion au vu des seules similitudes qu'elle avait relevées entre les produits, et non au terme d'une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) que la société Cloud's faisait également valoir que la contrefaçon de marque était établie en ce qui concernait les portes monnaies et portefeuilles revêtus du signe «Quinze Treize» vendus par la société VGM, qui étaient des produits similaires aux sacs visés dans l'enregistrement de la marque n 96619194 ; qu'en ne répondant pas à ce chef décisif de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) que la société Cloud's avait soutenu qu'en tout état de cause, sa demande formée au titre de la concurrence déloyale était fondée au regard des faits établis, notamment concernant l'utilisation de la marque pour de nombreux articles de vêtements tels que T-shirts, maillots, pantalons ; qu'en se contentant de retenir, pour débouter la société Cloud's de son action en concurrence déloyale, qu'elle était mal fondée à invoquer la faute commise par la société VGM en commercialisant des chaussures et articles de maroquinerie sous la marque «15-13», sans vérifier si la vente d'articles de vêtements avait pu engendrer un risque de confusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que si les vêtements sont parfois distribués dans les mêmes grandes surfaces que les chaussures, l'une des caractéristiques des grandes surfaces est précisément de proposer à la vente des produits de toute nature et qu'il n'existe en l'espèce aucun risque d'attribuer aux produits vendus la même origine en raison des rapports existant entre eux, les chaussures et les vêtements ayant une destination différente, la cour d'appel a ainsi répondu en les écartant aux conclusions visées par la première branche ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient encore que les portes-monnaies, porte-cartes et portefeuilles commercialisés par la société Chausséa VGM, qui ne présentent aucune similitude que ce soit dans leur nature, leur destination ou leur utilisation avec les produits protégés, et n'en sont ni concurrents, ni complémentaires, ne sont pas susceptibles d'être considérés comme relevant d'une quelconque contrefaçon; que par ces constatations et appréciations rendant sans objet la recherche d'un risque de confusion, la cour d'appel a répondu aux conclusions dont fait état la troisième branche ;
Et attendu, enfin, qu'ayant relevé que la société Cloud's n'avait commercialisé aucun produit sous la marque litigieuse avant le mois de mars 2008, la cour d'appel a pu, sans avoir à faire la recherche inopérante visée par la quatrième branche, en déduire qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être imputé à la société Chausséa VGM ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur ce moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que la déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans pendant lequel le propriétaire n'a pas fait un usage sérieux de la marque pour les produits et services visés dans l'enregistrement ;
Attendu qu'après avoir retenu que la société Cloud's ne démontrait pas avoir commercialisé le moindre produit auquel les chaussures pouvaient être assimilées, l'arrêt prononce la déchéance des droits de cette société sur la marque litigieuse ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser la date d'effet de la déchéance prononcée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure d'appliquer la règle appropriée en fixant la date d'effet de la déchéance, selon les produits et services concernés, à l'expiration de la période quinquennale d'inexploitation constatée par les juges du fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il n'a pas fixé la date d'effet de la déchéance partielle des droits de la société Cloud's sur la marque "Quinze Treize" en ce qui concerne les produits suivants : "chaussures de sport, chaussures de rugby, crampons de chaussures de rugby, chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), souliers de sport", l'arrêt rendu le 4 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers.