Livv
Décisions

Cass. com., 6 novembre 2012, n° 11-24.730

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Monod et Colin

Nancy, du 1 juin 2011

1 juin 2011

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er juin 2011), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, économique et financière, 19 décembre 2006, pourvois n° 03-21.155 et 03-21.042), que Mme Marie-José X..., épouse Y..., M. Robert Y..., Mmes Elodie et Valérie Y... et M. X... (les consorts Y...) ainsi que la société Sodix, actionnaires de la société Sodimer, exploitant un hypermarché sous l'enseigne E. Leclerc, ont, le 3 mars 1994, conclu avec la société de distribution Camblizarde, exerçant sous l'enseigne Sodicamb (la société Sodicamb), actionnaire minoritaire, une convention prévoyant que tout projet de cession de tout ou partie de ses titres par un actionnaire à un tiers qui ne serait pas adhérent de l'association des centres distributeurs E. Leclerc (l'ACDLec) ou agréé par celle-ci, devrait faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires ; qu'à la suite de la démission, au mois d'avril 1996, de Mme Marie-José Y... de l'ACDLec et du retrait de la société Sodimer des sociétés coopératives d'achat du Mouvement Leclerc, la société ITM Nord, devenue ITM alimentaire Nord, appartenant au groupe Intermarché, et MM. Z..., A..., B..., C... et D..., ont acquis la totalité des actions qui appartenaient aux consorts Y... et à la société Sodix ; que la société Sodicamb, à laquelle ces actions n'avaient pas été proposées, a fait assigner les cédants et les cessionnaires afin de voir prononcer la nullité des cessions ; que ces derniers ont conclu à l'annulation du pacte de préférence pour indétermination du prix ;

Attendu que la société Sodicamb fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande et rejeté la sienne, alors, selon le moyen :

1°) que comme la cour d'appel l'a constaté, le pacte de préférence stipulait que "tout projet par un actionnaire de cession… des actions dont il est titulaire… devra faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires… le prix étant fixé, à défaut d'accord amiable, à dire d'expert" (v. acte intitulé "offre préalable et droit de préemption", p. 2) ; que c'est donc uniquement à défaut de fixation du prix de gré à gré, entre le cessionnaire des actions et le(s) bénéficiaire(s) du droit de préférence intéressé(s), qu'il était convenu de recourir à un tiers expert pour déterminer le prix de cession ; qu'en affirmant cependant que les parties ont entendu confier à un tiers expert la mission de fixer le prix de cession des actions "en dehors de toute contestation", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du pacte de préférence et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

2°) que la cour d'appel a elle-même constaté que, selon le pacte litigieux, le prix de cession serait fixé par un tiers expert "à défaut d'accord amiable" ; que, dès lors, en affirmant que les parties au pacte de préférence ont entendu confier à un tiers expert la mission de fixer le prix de cession des actions en dehors de toute contestation, pour en déduire qu'elles ont voulu se conformer à l'article 1592 du code civil et que l'article 1843-4 du code civil, qui concerne seulement les cas où survient une contestation que l'expert est alors chargé de trancher, n'était pas applicable en l'espèce, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1592, 1843-4 et 1134 du code civil ;

3°) que la prédétermination du prix de la vente envisagée, laquelle ne sera conclue que s'il advient que le promettant en décide ainsi, n'est pas une condition de validité du pacte de préférence, et que par suite, la nullité de la clause du pacte de préférence fixant le prix ou prévoyant la manière dont le prix sera déterminé n'affecte pas la validité du pacte de préférence en son entier ; qu'en retenant que le caractère indéterminable du prix n'a pas pour seul effet de rendre nulle la clause fixant la méthode d'évaluation que doit suivre le tiers expert, mais affecte aussi la validité du pacte de préférence en son entier, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1582, 1591 et 1592 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui a dû se livrer à une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes de l'acte du 3 octobre 1994, qui n'étaient ni clairs ni précis, a retenu qu'il en résultait que les parties avaient entendu confier à des tiers la mission de fixer le prix des actions, en dehors de toute contestation, par application des dispositions des articles 1591 et 1592 du code civil ; qu'ainsi, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations qu'elle s'est prononcée comme elle a fait ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, d'un côté, que le pacte de préférence conférait à ses bénéficiaires le droit d'acquérir les titres objets de l'offre de vente à un prix laissé à l'arbitrage de tiers, ce dont il résultait que le cédant avait perdu, par l'effet de ce contrat, la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession, et, de l'autre, que les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n'étaient pas déterminés, de sorte que le prix n'était pas déterminable, la cour d'appel en a exactement déduit que la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.