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Décisions

Cass. com., 27 juin 2018, n° 17-13.390

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Monod, Colin et Stoclet

Paris, du 22 nov. 2016

22 novembre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur le fondement d'une marque verbale « BE », la société RMP a fait opposition à l'enregistrement en tant que marque, à la demande de la société Planet'Mod'Exploitation, du signe verbal « Beshopping.fr », pour désigner des produits, en partie, identiques ou similaires ; que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a partiellement reçu cette opposition ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler cette décision, l'arrêt retient que, visuellement, si les deux signes ont en commun le terme « Be », ils se distinguent nettement par leur présentation, ce terme de deux lettres étant présenté seul, en majuscules, dans la marque antérieure, tandis qu'il est associé, sans espace, aux termes « shopping.fr » dans la marque contestée, seule sa première lettre étant en majuscules, que, phonétiquement, les signes n'ont en commun que leur sonorité d'attaque « bi », selon la prononciation usuelle à l'anglaise, qui constitue la sonorité, rythmée sur un temps, de la marque antérieure, tandis que la marque contestée, rythmée sur huit temps, présente une sonorité finale très différente, que, conceptuellement, le terme « Be » constitue l'impératif du verbe « to be », « être » en anglais, qu'isolé, dans la marque antérieure, il ne sera pas nécessairement traduit et s'il l'est, sera compris comme une pure injonction existentielle, sans autre évocation, tandis qu'accompagnée de façon inhabituelle du verbe « shopping » dans la marque contestée, l'expression sera perçue comme une invitation au shopping, à la manière d'une attitude à adopter, les termes « be » et « shopping » étant d'égale importance et tirant leur pouvoir distinctif de leur association ; qu'il ajoute que la définition du terme « shopping » dans le dictionnaire, Le Petit Larousse, auquel se réfère le directeur général de l'INPI, ne se limite pas à « faire des achats » et comprend l'« action d'aller dans les magasins pour regarder les étalages et faire des achats », qu'ainsi, pris isolément, il n'est pas dépourvu de tout arbitraire à l'égard des produits et services visés à l'enregistrement, et, enfin, que la terminaison par l'extension de nom de domaine « .fr » renvoie implicitement à un service en ligne ; qu'il en déduit que l'impression d'ensemble diffère sur tous les plans, de sorte que le signe contesté ne saurait constituer l'imitation de la marque antérieure ni laisser penser au consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, même pour des produits et services identiques ou similaires, qu'il pourrait en être une déclinaison ou que les produits et services pourraient avoir une origine commune ou provenir d'entreprises économiquement liées ;

Qu'en se déterminant ainsi, au vu des seules différences relevées entre les signes, sans rechercher si les ressemblances existantes n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous les yeux les deux marques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Planet'Mod'Exploitation aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société RMP la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.