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Décisions

Cass. com., 6 mai 2014, n° 11-22.108

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 20 mai 2011

20 mai 2011

Sur le premier moyen, après délibéré de la première chambre civile :

Attendu que la société H&M fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'elle avait commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Louis Vuitton Malletier en reproduisant sans autorisation le modèle de soulier Emily dans le cadre d'une campagne publicitaire, alors, selon le moyen :

1°) qu'en décidant que les deux photographies critiquées engageaient la responsabilité de la société H&M Hennes et Mauritz sans constater que la première des deux photographies, représentant un mannequin vu de face, comportait la reproduction des caractéristiques où la cour d'appel a situé le siège de l'originalité du modèle de chaussure revendiqué, la société H&M ayant contesté l'utilisation de ce modèle de chaussure et fait valoir que les caractéristiques de ce modèle n'étaient pas visibles sur la photographie en cause, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que lorsqu'elle est accessoire au sujet traité, la représentation d'une oeuvre ne réalise pas la communication de cette oeuvre au public et ne constitue pas une contrefaçon ; que pour décider que la représentation du modèle de chaussure revendiqué ne présentait pas un caractère accessoire, la cour d'appel, sans s'arrêter au sujet traité dans les deux photographies, soit une légère robe revêtant une jeune femme ingénue, s'est fondée sur le seul fait que la représentation de la chaussure se détachait visiblement des autres éléments composant la photographie ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui, tout en constatant que la robe occupait une place centrale dans les deux photographies, n'a pas recherché si, quelle que soit son importance visuelle, la chaussure n'avait pas un caractère accessoire par rapport au sujet traité a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-2, L. 122-3 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté par motifs propres que les chaussures en cause reproduites sur les photographies litigieuses, loin d'être accessoires, se détachaient d'autant plus aisément que le mannequin qui les portait, vêtu d'une robe courte, était photographié de face et présenté seul sur fond blanc et par motifs adoptés que ces souliers étaient destinés à mettre en valeur la robe puisqu'ils étaient parfaitement assortis à ladite robe et mis en évidence par le port de jambières et les différentes positions adoptées par le mannequin qui met ainsi en avant les chaussures qu'il porte, lesquelles sont parfaitement identifiables et surtout qu'ils participent indéniablement à une mise en scène destinée à mettre en valeur les vêtements commercialisés par la société défenderesse ;

Que le moyen, qui ne tend en réalité qu'à remettre en discussion ces constatations des juges du fond qui sont souveraines, manque en fait ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 711-1 et L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter la demande en nullité de la marque, l'arrêt relève que la preuve n'est pas rapportée qu'à la date du dépôt de la marque il existait un fermoir adoptant la même combinaison de lignes arbitraires voire s'en rapprochant ; qu'il en déduit que les consommateurs sont enclins à reconnaître à cette combinaison un caractère distinctif au demeurant faible en raison de la fonction utilitaire du signe ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en l'absence de tout élément verbal, le consommateur de référence percevrait le signe comme une identification d'origine des produits ou simplement comme un élément fonctionnel et décoratif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans et qu'est assimilé à un tel usage, l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;

Attendu que pour rejeter la demande en déchéance des droits de la société LVM sur sa marque en ce qu'elle désigne les sacs à main, trousses de voyage et portefeuilles, l'arrêt relève que les publicités diffusées dans les magazines Elle des 5 mars et 2 avril 2007 et L'Officiel du mois d'avril 2007 témoignent de la diffusion dans la presse à grand tirage de visuels qui mettent en valeur ce qui constitue l'aspect distinctif de la marque ; qu'il relève encore que le signe exploité présente un aspect gaufré et non pas lisse et brillant mais que cette différence d'aspect de la matière n'altère pas le caractère distinctif de la marque ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, eu égard au secteur économique concerné et à la nature des produits, un tel usage pouvait être qualifié de sérieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2010 ayant rejeté la demande en nullité de la marque n° 04 3 279 135 en ce qu'elle désigne les sacs, trousses de voyage et portefeuilles et en ce que, l'infirmant, il a rejeté la demande en déchéance des droits de la société Louis Vuitton Malletier sur cette marque, l'arrêt rendu le 20 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.