Cass. 1re civ., 14 novembre 2012, n° 11-16.439
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
M. Gallet
Avocat général :
M. Pagès
Avocats :
SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Potier de la Varde et Buk-Lament
Donne acte à M. X du désistement de son pourvoi envers la SCP Régis Y et Michel Z, Mme Françoise A veuve Y et Mme Inès Y;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 janvier 2011), que M. Z, qui exerçait avec M. X, son activité professionnelle au sein de la SCP notariale Michel Z et Yves X, a cédé à son associé les parts qu'il détenait dans la société, l'acte de cession prévoyant une interdiction de réinstallation sur le territoire de certaines communes et le reversement des sommes reçues par le cédant au titre d'actes établis ou de dossiers traités pour le compte de clients de la SCP au sein d'un autre office notarial ; que, M. Z s'étant réinstallé avec un autre confrère, au sein d'une autre société civile professionnelle, sur le territoire d'une commune autre que celles qui lui étaient interdites, M. X, qui lui reprochait de n'avoir pas reversé les rémunérations perçues de plusieurs clients en violation des stipulations contractuelles, l'a assigné en réparation de son préjudice ; que l'arrêt le déboute de ses demandes ;
Attendu que M. X fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de ses demandes tendant à voir juger que M. Z était responsable de l'inexécution de la clause de reversement souscrite le 23 juillet 1998, condamner M. Z à réparer le préjudice subi et, avant dire droit sur le quantum, ordonner une expertise, alors selon le moyen :
1°) que l'acte du 23 juillet 1998 est clair et précis en ce qu'il a pour objet la cession par M. Z à M. X des parts sociales que le premier détenait dans la société civile professionnelle dont ils étaient associés ; qu'en retenant, pour débouter le cessionnaire de sa demande tendant à voir juger que le cédant avait violé la clause de non-concurrence stipulée à l'acte, que cette dernière emportait cession de clientèle, la cour d'appel a dénaturé l'acte de cession de parts sociales et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
2°) que M. X faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'obligation de reversement de la rémunération était limitée à dix ans ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, de nature à établir que la clause litigieuse ne pouvait pas être analysée en une cession de clientèle prohibée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) que la cession de clientèle d'un office notarial est licite ; que la cour d'appel qui, pour dire que la clause de reversement de la rémunération prévue à l'acte du 23 juillet 1998 était nulle, a jugé que cette clause emportait cession de clientèle, laquelle serait nulle dans les cessions notariales, a violé l'article 1128 du code civil ;
4°) que toute personne a le libre choix de son notaire, lequel est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est légalement requis ; qu'en se bornant à relever, pour débouter M. X de sa demande de condamnation de son ancien associé, que la clause de reversement de la rémunération soumettait M. Z à une pression de nature à le tenter de convaincre le client de faire le choix d'un autre notaire, sans constater que le client ne demeurait pas libre de le choisir comme notaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 25 ventôse an XI ;
5°) que les obligations respectivement nées de la loi et du contrat ne sont incompatibles que si elles sont insusceptibles de recevoir simultanément exécution ; qu'en jugeant que l'obligation légale d'instrumenter de M. Z et celle, prévue par la convention de cession du 23 juillet 1998, de reverser la rémunération reçue étaient antinomiques, la cour d'appel a violé les articles 3 de la loi du 25 ventôse an XI et 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu, selon une interprétation, exclusive de toute dénaturation, que commandait la portée ambiguë de la clause stipulant le reversement au cessionnaire des sommes perçues de la part des anciens clients de la SCP Z et X, que cette clause, en interdisant à M. Z de percevoir, pour une durée de dix ans, la rémunération de son activité pour le compte des clients qui avaient fait le choix de le suivre en son nouvel office, emportait cession de la clientèle lui ayant appartenu en partie, la cour d'appel, qui a relevé que la clause litigieuse, par la sanction de la privation de toute rémunération du travail accompli, soumettait le cédant à une pression sévère de nature, sinon à refuser de prêter son ministère, du moins à tenter de convaincre le client de choisir un autre notaire, et qui a ainsi constaté que la liberté de choix de cette clientèle n'était pas respectée, en a exactement déduit que ladite clause était nulle ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et quatrième branches, n'est pas fondé en ses trois autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.