Cass. com., 6 septembre 2016, n° 14-25.692
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Château Beychevelle, qui exploite le domaine viticole du même nom, est titulaire des marques semi-figuratives « Château Beychevelle » française n° 97 708 266, déposée le 10 décembre 1997 et renouvelée le 24 octobre 2007, et communautaire n° 717 728, déposée le 7 janvier 1998 avec revendication de la priorité de la marque française, désignant toutes deux des « vins d'appellation d'origine contrôlée provenant de l'exploitation exactement dénommée Château Beychevelle » ; que, reprochant à la société CGM vins de commercialiser un vin d'appellation Bordeaux supérieur avec une étiquette comportant un élément figuratif similaire, elle a, après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon, assigné cette société en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour écarter l'existence d'un risque de confusion entre les signes en présence et rejeter les demandes en contrefaçon des marques semi-figuratives « Château Beychevelle » n° 97 708 266 et 717 728, l'arrêt retient que le consommateur pertinent est un connaisseur des grands crus ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le risque de confusion doit s'apprécier en se fondant sur la perception du consommateur moyen de la catégorie des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt qui, pour rejeter les demandes de la société Château Beychevelle au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, se fonde sur les motifs par lesquels il a retenu, pour écarter la contrefaçon, qu'il n'existait pas de risque de confusion entre les produits en cause identifiés par des dénominations différentes ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour faire droit à la demande reconventionnelle de publication aux frais de la société Château Beychevelle, formée par la société CGM vins pour procédure abusive, l'arrêt retient qu'il y a lieu, eu égard aux circonstances du litige, de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la publication par insertions de la décision et d'y ajouter le fait que celle-ci est confirmée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, cette société ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits résultant de ses titres de propriété, la procédure engagée n'avait aucun caractère abusif et que l'exécution de la mesure de saisie-contrefaçon pratiquée, dûment autorisée, n'avait pas dégénéré en abus, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas retenu de faute à l'encontre de la société Château Beychevelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et la demande de publication judiciaire sur la page du site internet de la société Château Beychevelle formées par la société CGM vins, l'arrêt rendu le 27 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société CGM vins aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Château Beychevelle la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille seize.