Cass. com., 7 octobre 1986, n° 85-12.387
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Le Tallec
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
Me Choucroy et la société civile professionnelle Nicolas, Masse-Dessen et Georges
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société SIEP fait grief à la Cour d'appel d'avoir rejeté la demande en nullité de la marque Publi-Tarn alors que, selon le pourvoi, d'une part, si un nom géographique pris isolément ou incorporé à un autre vocable peut constituer une marque valable, c'est à la condition, rappelée aux conclusions, que le nom désignant le lieu en question ne soit pas monopolisé par le prétendant à la marque et que les autres entreprises exerçant leur activité dans ce territoire puissent avoir un droit égal à utiliser ce signe ; d'où il suit que l'arrêt devait rechercher si l'adjonction au mot générique Publi du nom de lieu " Tarn " n'était pas de nature à priver la marque Publi-Tarn de toute validité eu égard à l'utilisation légitime du même vocable par une entreprise exerçant son activité de publication et de publicité dans la région du Tarn ; que l'arrêt est donc entâché d'un défaut de base légale pour violation des articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1964 et alors que, d'autre part, le contrôle judiciaire de la validité d'une marque ne dépend pas de l'avis préalable de l'Institut National de la Propriété Industrielle ; que l'arrêt a donc violé les articles 1er, 3 et 8 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, les juges du fond ont souverainement apprécié le caractère distinctif de la marque en cause ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société SIEP fait également grief à la Cour d'appel de l'avoir déboutée de sa demande en déchéance des droits de la société La Dépêche du Midi sur la marque Publi-Tarn au motif que la preuve de l'exploitation est suffisamment rapportée alors que, selon le pourvoi, cette preuve par simples présomptions ne porte que sur la diffusion supposée du seul numéro 0 du périodique Publi-Tarn en date du 6 janvier 1981, réalisée in extremis quelques jours avant la date de l'expiration du délai de déchéance d'une marque jamais exploitée depuis son dépôt remontant à plus de douze ans ; que cette situation de fait imposait donc aux juges de rechercher concrètement en quoi et pourquoi l'existence prétendue de ce seul fait d'usage de la marque était de nature à établir l'exploitation publique et non équivoque exigée tant en droit qu'en fait de la part du titulaire de la marque, tenu de surcroît à en rapporter la preuve certaine ; d'où il suit que
l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale par violation de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Mais attendu que la Cour d'appel a souverainement apprécié l'existence d'une exploitation publique et non équivoque de cette marque pendant les cinq années précédant la demande en déchéance ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société SIEP fait grief à la Cour d'appel de l'avoir déclarée irrecevable à demander la déchéance des droits de la société La Dépêche du Midi sur les marques autres que Publi-Tarn alors que, selon le pourvoi, l'arrêt a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile en ne s'expliquant pas sur l'intérêt exprimé dans les conclusions et tiré de ce que le maintien en validité de ces marques non exploitées faisait atteinte au principe de la libre concurrence en conférant à la Dépêche du Midi un monopole de publication dans les départements limitrophes du Tarn et en interdisant ainsi à la société SIEP d'étendre ses activités à un département autre que celui de son siège social ;
Mais attendu que la Cour d'appel a souverainement apprécié l'intérêt qu'avait la société La Dépêche du Midi à exercer une action en justice ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société SIEP fait enfin grief à la Cour d'appel de l'avoir déclarée coupable de contrefaçon de la marque Publi-Tarn alors que, selon le pourvoi, si la protection de la marque régulièrement déposée est absolue et confère à celui qui en est investi une action contre tous ceux qui y portent atteinte, cette règle a pour limite l'abus de droit du titulaire de la marque qui en use exclusivement dans le but d'entraîner la perte d'une entreprise concurrente, et que cette volonté de nuire résulte du comportement de la société Dépêche du Midi tel que constaté par l'arrêt depuis le lancement en 1974 du périodique Publi-Tarn de la société SIEP, la grande firme toulousaine ayant en toute connaissance de cause toléré cette publication pour la laisser prospérer afin de recueillir les fruits de son travail par une procédure tardive en contrefaçon d'une marque qu'elle n'avait pas encore exploitée ; que l'arrêt a donc violé les articles 4 de la loi du 31 décembre 1964 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la Cour d'appel, qui a retenu que la société La Dépêche du Midi n'avait pas renoncé à ses droits sur la marque Publi-Tarn et que la société SIEP publiait un périodique sous le même titre, a pu conclure à une contrefaçon de cette marque sans encourir le grief du moyen ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.