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Décisions

Cass. com., 16 février 2016, n° 14-15.144

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 17 janv. 2014

17 janvier 2014

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches et en sa huitième branche, et sur le second moyen, réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci ;

Attendu que pour prononcer la déchéance des droits de la société Le Fournil sur la marque française semi-figurative « La Fuette » n° 99 785 578, en ce qu'elle désigne le pain et les services de boulangerie, et, par conséquent, déclarer les sociétés Le Fournil et Délices franciliens irrecevables en leurs demandes au titre de cette marque, l'arrêt relève que les tickets de caisse émis entre 2008 et 2011, les extraits publicitaires du magazine Faculté d'agir de novembre 2010 et février 2011 et la facture du 16 juin 2011 de la société Mondia-sac accompagnée d'un modèle de sac à pain « La Fuette » ne désignent pas spécifiquement les pains mais le magasin ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, la marque ne pouvant être apposée sur les pains fabriqués en boulangerie, son exploitation ne pouvait être démontrée par la production des supports commerciaux et publicitaires accompagnant la commercialisation des produits, la cour d'appel, qui n'a pas eu égard à la nature de ces derniers et aux caractéristiques du marché considéré, a privé sa décision de base légale ;

Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que le rapport de contrôle de la Direction nationale de la concurrence et de la consommation désigne par le terme « La Fuette » le nom commercial ou l'enseigne des sociétés Le Fournil et Délices franciliens ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ce rapport du contrôle, réalisé le 14 novembre 2008 dans l'un des établissements exploités par ces sociétés, constatait que « sur les écriteaux de prix, le professionnel indiquait des dénominations de fantaisie, du type, « Yvette », « La Fuette », « Lodève», « Tolé », « Gourmandine », etc. Or, les désignations de fantaisie ou les marques, même déposées, aussi connues soient-elles, ne peuvent pas être utilisées en lieu et place de la dénomination de vente réglementaire », ce dont il ressortait que le terme « La Fuette » était utilisé pour désigner un pain particulier dont il garantissait l'origine, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa septième branche, qui est recevable :

Vu l'article L. 714-5, alinéa 2, b) du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève encore que les documents comptables, les tickets de caisse et les sacs à pain reproduisent, soit le terme « Fuette » sans l'élément figuratif, soit le terme «La Fuette » associé à d'autres termes, tels que « croustillante de plaisir », « gourmande », « céréale », « rustique », soit encore le signe dans son ensemble, mais assorti de l'expression « croustillante de plaisir », et retient que l'exploitation du terme « La Fuette » sans son élément figuratif a pour effet d'altérer son pouvoir distinctif en tant que marque ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dans la marque, l'élément verbal « La Fuette » n'était pas l'élément distinctif dominant, de sorte que son exploitation, même sans l'élément figuratif, constituait un usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la déchéance des droits de la société Le Fournil sur la marque française semi-figurative « La Fuette » n° 99 785 578, en ce qu'elle désigne le pain et les services de boulangerie, et, par conséquent, déclare les sociétés Le Fournil et Délices franciliens irrecevables en leurs demandes formées au titre de cette marque et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 janvier 2014 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.