Cass. 3e civ., 1 décembre 2016, n° 15-20.365
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
Me Blondel, SCP Bénabent et Jéhannin
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en fixation du loyer à une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°) Que la modification conventionnelle du loyer intervenue au cours du bail expiré, dans des conditions étrangères tant à la loi qu'au bail initial, rend techniquement et rationnellement impossible la mise en oeuvre de la règle du plafonnement, laquelle implique que le loyer plafonné soit calculé sur la base du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail expiré ; qu'elle ne peut dès lors s'analyser, sauf circonstance tout à fait particulière qu'il appartient alors aux juges de caractériser, qu'en une modification notable des obligations des parties justifiant à elle seule et de façon péremptoire le déplafonnement du loyer ; qu'à cet égard déjà, la cour ne pouvait se contenter de relever que la modification des caractéristiques du local par l'augmentation de la surface louée induite par l'avenant des 6 et 19 février 2004 n'était pas de nature à justifier le déplafonnement du loyer, sans s'expliquer, comme elle y était spécialement invitée, sur l'augmentation corrélative du loyer opérée par ce même avenant, sauf à priver sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, 3° et L. 145-34 du code de commerce ;
2°) Qu'en tout état de cause, la modification conventionnelle du loyer opérée au cours du bail expiré constitue, soit à titre isolé, soit jointe aux autres motifs de déplafonnement invoqués par le bailleur, une modification des obligations respectives des parties qu'il appartient aux juges de prendre en considération pour apprécier s'il y a matière à déplafonnement ; qu'il s'ensuit que la cour ne pouvait en aucun cas se dispenser de s'expliquer, comme elle y était expressément invitée, sur l'augmentation de 10 % du prix du loyer intervenue au cours du bail expiré par l'effet de l'avenant conclu en février 2004 ; qu'en ne se prononçant que sur l'accroissement de la surface donnée à bail résultant de cet avenant, sans prendre en considération à aucun moment dans son raisonnement, l'augmentation de loyer à laquelle la société locataire avait corrélativement consenti, la cour prive derechef son arrêt de base légale au regard des articles L. 145-33, 3° et L. 145-34 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le duplex à usage d'habitation, annexé à la surface commerciale louée, initialement utilisé comme local du personnel, au moins jusqu'en 2006, avait ensuite cessé de l'être, en raison de ses insuffisances au regard des normes d'habitabilité, de salubrité et de sécurité, qu'il n'était pas envisageable que cet appartement en fond de cour soit à nouveau accessible et exploitable sans danger dans les mois et années à venir et qu'il soit susceptible de présenter un intérêt pour l'exploitant des lieux, ce qui ne permettait pas de retenir, au 30 juin 2008, l'existence d'une modification notable résultant de l'adjonction d'une surface commercialement exploitable, dans l'intérêt du fonds de commerce, la cour d'appel, appréciant souverainement le caractère notable de la modification au regard de l'intérêt pour le commerce considéré, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la modification n'impliquait pas que le loyer du bail renouvelé soit fixé à la valeur locative ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 145-33, 3°, L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce ;
Attendu que, pour rejeter la demande en fixation, selon la valeur locative, du loyer du bail renouvelé, l'arrêt retient que le loyer a été fixé par le bail du 13 octobre 1988 à un montant supérieur au montant estimé normal et raisonnable et que, ce loyer n'ayant pas été minoré, la cause de déplafonnement invoquée par la bailleresse n'est pas caractérisée ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé en 1998, maintenant le loyer initial, s'analysaient en une minoration, justifiant le déplafonnement lors du second renouvellement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.