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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 14 avril 2015, n° 14/22333

PARIS

PARTIES

Demandeur :

SCI Stamping

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mme Hebert Pageot, M. Boyer

Avocats :

Me Etevenard, Me Petreschi, Me Gallet, Me Diesbecq

T. com Paris, du 3 nov. 2014, n° 2014044…

3 novembre 2014

Dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de la société Sonas Automotive ayant pour activité la conception et la réalisation de pièces métalliques embouties, de processus d’M et de traitement de métaux sur différents sites opérationnels, dont celui de La Souterraine, le tribunal de grande instance de Guéret, statuant en matière commerciale a, par jugement du 16 juin 2009, ordonné la cession de ladite société et arrêté un plan de cession au profit de la Sa L M avec faculté de substitution, le tout selon les modalités de l’offre rappelées dans les motifs de sa décision, le périmètre de la reprise incluant, sauf exceptions particulières, l’ensemble des actifs immobiliers, mobiliers et circulants de la société cédée, pour un prix total de 750.000 euros, s’appliquant aux actifs immobiliers pour 650.000 euros, l’offre stipulant que cette reprise s’effectuera au travers de plusieurs sociétés distinctes à créer : des Sas pour chacun des sites opérationnels et une Sci assurant la reprise de l’ensemble des actifs immobiliers dans lesquels s’exerce l’activité de production.

Une procédure d’insolvabilité ayant été ouverte en Allemagne à l’encontre de sociétés du groupe L peu après l’adoption du plan, des dispositions ont été prises au travers d’une cession de titres pour rendre autonome le pôle français du groupe L et lui éviter le risque d’une extension. C’est dans ce contexte que le tribunal de commerce de Guéret, saisi d’une requête en modification du plan, a rendu le 18 juillet 2009 un jugement modificatif confirmant 'la qualité de cessionnaire de la société L M et Mécanismes [actuellement dénommée Y Stamping] des actifs de la société Sonas Automotive Sas conformément aux termes de son offre initiale, en ce qui concerne la faculté de substitution, à savoir par une société à constituer contrôlée directement ou indirectement par L M SA ou par ses actionnaires.

La Sas Y La Souterraine, détenue à 100% par Y Stamping et dirigée par cette dernière, a été constituée pour l’exploitation du site industriel de La Souterraine.

La Sci Stamping, dont le capital social était détenu initialement par les sociétés Y Stamping et Y I, ayant pour gérante Mme Z, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 2 décembre 2009 et, suivant acte du 12 février 2010 est devenue propriétaire des différents biens immobiliers dans lesquels les sociétés d’exploitation de la division Stamping exerçaient leurs activités, notamment des biens du site de La Souterraine. A la suite d’une cession intervenue le 10 avril 2014, Y I ayant pour actionnaires MM. Durand et Adolf ainsi que Mme Z, est devenue l’unique détenteur du capital de la Sci.

Le groupe Y ayant décidé de se séparer de la division Stamping, notamment de la société opérationnelle Y La Souterraine, Y Industry, qui avait acquis en 2011 le contrôle d’Y Stamping, a cédé, le 11 avril 2014, ses parts dans Y Stamping à la société R S T pour le prix de un euro. La société cédée, Y Stamping, n’ayant plus de représentant légal à la suite de la démission quasi immédiate de son président issu de la cession, un administrateur provisoire, en la personne de Maître E, lui a été désigné le 24 avril 2014 pour une période de trois mois.

Y Stamping étant le dirigeant d’Y La Souterraine, Maître E, ès qualité, a déposé une déclaration de cessation des paiements au nom d’Y La Souterraine, le 28 avril 2014.

Par jugement du 28 avril 2014, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard d’Y La Souterraine et a désigné la Scp A en la personne de Maître B en qualité de mandataire judiciaire et la F G en la personne de Maître X, en qualité d’administrateur judiciaire avec une mission d’assistance, Maître X ayant depuis le 16 juin 2014, reçu mission s’assurer seul l’administration d’Y La Souterraine.

Le tribunal de commerce de Paris a également ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard des sociétés Y Beaucourt, Y Bessines et Y Stamping Developpement ( sociétés de la division Stamping ) par jugements du 28 avril 2014, puis à l’égard des sociétés Y Pirey, Y Meaux et Y Stamping par jugements du 19 mai 2014.

Sur assignation de Maître B et de Maître X, ès qualités, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 3 novembre 2014, étendu à la Sci Stamping la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de la Sas Y La Souterrain, a fixé la date de cessation des paiements au 28 octobre 2012 pour la Sci Stamping, maintenu la F G en la personne de Maître X en qualité d’administrateur judiciaire dans sa mission actuelle et la Scp A, prise en la personne de Maître B, en qualité de mandataire judiciaire.

Maître E était partie à cette procédure en qualité de mandataire ad hoc d’Y La Souterraine, fonction à laquelle il a été désigné le 22 décembre 2014 pour permettre à la société de faire valoir ses droits propres.

La Sci Stamping a relevé appel de cette décision le 7 novembre 2014.

Par jugement du 24 novembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a, par nouvelle décision du 15 décembre 2014, précisé que cette liquidation judiciaire s’appliquait également à la Sci Stamping, ces jugements étant également frappés d’appel.

Un plan de cession d’Y La Souterraine a été arrêté le 1er décembre 2014 au bénéfice de la société GM&S Industry Limited.

Par conclusions signifiées le 5 mars 2015, la Sci Stamping demande à la cour de juger qu’il n’existe ni confusion de patrimoine, ni flux financiers anormaux entre elle et Y la Souterraine, que cette dernière est irrecevable à contester la détention du capital de la Sci Stamping, d’infirmer le jugement du 3 novembre 2014 en toutes ses dispositions, de débouter la Scp A, la F G et Maître E, ès qualités,de toutes leurs demandes à son encontre, de lui donner acte de ce qu’elle se réserve de demander la main levée des inscriptions provisoires d’hypothèques judiciaires prises sur les biens lui appartenant à Beaucourt, à Bessines et à La Souterraine, de condamner solidairement la Scp A, en la personne de Maître B, ès qualités de liquidateur et la F G ,en la personne de Maître X, ès qualités d’administrateur judiciaire, à lui payer 50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu’au paiement de 30.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

La Scp A agissant en qualité de liquidateur judiciaire d’Y La Souterraine et de la Sci Stamping, la F G prise en la personne de Maître X agissant en qualité d’administrateur judiciaire d’Y La Souterraine et de la Sci Stamping sollicitent dans leurs conclusions signifiées le 6 février 2015, la mise hors de cause de la F G en la personne de Maître X dont les fonctions ont cessé le 15 janvier 2015, le rejet de toutes les demandes de la Sci Stamping, la confirmation du jugement entrepris, de voir déclarer irrecevable l’intervention de la BNP Paribas, la condamnation de cette dernière à verser à la Scp A, ès qualités, 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la Sci Stamping aux dépens de première instance et d’appel.

Dans ses écritures signifiées le 4 mars 2015, Maître E, ès qualités de mandataire ad hoc d’Y La Souterraine conclut à la confirmation du jugement et à l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par conclusions du 6 mars 2014, la BNP Paribas, intervenante volontaire, demande à la cour de la recevoir en son intervention, de la déclarer bien fondée, de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte sur le mérite des appels formés par la Sci Stamping, de juger que l’extension de la liquidation à la Sci Stamping lui cause grief en sa qualité de créancier de ladite société, d’infirmer ou de rétracter le jugement d’extension du redressement judiciaire et en tant que de besoin le jugement de liquidation judiciaire.

MM. O et W, assignés par actes du 1er décembre 2014, n’ont pas constitué avocat.

Vu l’avis écrit de l’avocat général concluant à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, soulignant que les loyers très minorés fixés par la bailleresse caractérisaient l’existence de flux financiers anormaux.

SUR CE

— Sur l’intervention volontaire de la BNP Paribas

Appel du jugement prononçant l’extension ayant été interjeté par la Sci Stamping, la BNP Paribas s’est désistée de la tierce-opposition qu’elle avait formée en sa qualité de créancier de la Sci Stamping à l’encontre du jugement du 3 novembre 2014 et a régularisé une intervention volontaire dans l’instance d’appel.

La Scp A soulève vainement l’irrecevabilité de cette intervention tirée du défaut d’intérêt propre, dès lors que le jugement d’extension cause nécessairement grief à la BNP Paribas en ce qu’il l’expose à des difficultés sérieuses pour recouvrer sa créance contre la Sci et à la nullité des actes passés durant la période suspecte compte tenu de la fixation de la date de cessation des paiements au 28 octobre 2012 et de l’octroi d’un crédit-relais de trésorerie à la Sci le 30 juillet 2013.

La BNP Paribas sera en conséquence déclarée recevable en son intervention volontaire.

— Sur la mise hors de cause de la F G

La F G, en la personne de Maître X, sera mise hors de cause ainsi qu’elle le sollicite, ses fonctions d’administrateur judiciaire ayant pris fin avec le plan de cession d’Y La Souterraine arrêté le 1er décembre 2014.

— Sur l’extension du redressement judiciaire à la Sci Stamping

L’article 621-2 alinéa 2 du code du commerce en sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 dispose qu’à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d’office, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

La confusion de patrimoines résulte d’une imbrication inextricable des comptes ou de relations financières anormales.

Pour faire application de ces dispositions à la Sci Stamping, les premiers juges ont retenu, d’une part, l’existence entre les sites de production et leurs biens immobiliers respectifs d’un intérêt indissociable constitutif d’une unité d’entreprise réelle, la cession des biens immobiliers à la Sci ne détruisant pas cette relation, d’autre part, des relations financières anormales entre les deux sociétés traduisant un manque d’autonomie de la Sci, en ce que les loyers mis à la charge d’Y La Souterraine ont été minorés et en ce qu’à l’occasion de la cession du capital qu’elle détenait dans la société Y Stamping, Y Industry a pris l’engagement d’accorder une franchise de loyer de 18 mois à l’acquéreur sans consulter la société bailleresse.

La Scp A soutient que la reprise des actifs immobiliers de Sonas Automotive par la Sci Stamping est intervenue en violation de la lettre et de l’esprit des jugements arrêtant et modifiant le plan de cession, privant ainsi Y La Souterraine des immeubles industriels dans lesquels s’exerçait l’activité, au profit de la holding Y I, les actifs cédés étant indivisibles et le jugement rectificatif du 18 juillet 2009 ayant étendu la faculté de substitution au profit de toute société contrôlée directement ou indirectement par la société L M et Mécanismes ou ses associés ne concernant pas les actifs immobiliers, lesquels sont restés soumis aux conditions fixées dans l’offre selon lesquelles la Sci à constituer devait être une filiale à 100% du repreneur ou de la société qu’il se substituerait, de sorte que la Sci aurait dû être une filiale de la société opérationnelle Y La Souterraine, que tel n’est pourtant pas le cas, les parts de la Sci après avoir été détenues majoritairement par Y Stamping ayant été cédées à Y I à hauteur de 99% du capital de la Sci puis de 100% à compter de 2014.

Le mandataire ad hoc d’Y La Souterraine invoque également une violation des engagements pris dans le cadre du plan de cession, les actifs immobiliers n’étant pas détenus à 100 % par une filiale d’Y Stamping.

Tandis que la société appelante soutient que la reprise réalisée est parfaitement conforme aux jugements, le plan prévoyant bien la constitution de sociétés distinctes et nullement que l’immobilier demeurerait rattaché à l’activité industrielle, la signature d’un bail laissant au demeurant intact le rattachement nécessaire à l’activité opérationnelle. Elle ajoute que le jugement du 18 juillet 2009, qui ne fait aucune distinction selon la nature des actifs cédés, permettait au repreneur de se substituer une structure contrôlée par ses actionnaires de sorte que la Sci n’avait pas l’obligation aux termes du plan de cession de rester une filiale d’Y Stamping, précisant qu’à aucun moment il n’a été prévu que la Sci soit une filiale d’Y La Souterraine et que l’administrateur provisoire de Sonas Automotive n’a d’ailleurs pas contesté la conformité de la substitution lors de la cession des biens immobiliers devant le notaire.

La BNP Paribas considère à la suite de l’appelante que le schéma sociétal selon lequel la Sci Stamping était détenue par Y Stamping ( 1%) et par Y I ( 99%) et désormais à 100% par Y I est conforme aux dispositions du plan de cession, ce dont a d’ailleurs été convaincu l’administrateur judiciaire de Sonas Automotive lors de la cession des actifs immobiliers à la Sci.

La Scp A soutient vainement que les actifs industriels et les actifs immobiliers dans lesquels s’exercent l’activité, appartenant antérieurement à une société unique, étaient indissociables lors de la cession, dès lors qu’il ressort expressément des termes de l’offre présentée par L M Sa, dont les modalités ont été retenues par le jugement du 16 juin 2009, que le repreneur disposait d’une faculté de substitution et devait opérer la reprise des différents actifs au travers de sociétés distinctes à créer : des Sas pour chacun des sites opérationnels et une Sci assurant le rachat des actifs immobiliers de trois des sites de production. Ces dispositions, connues et acceptées par le tribunal en 2009 n’ont pas été remises en cause par le jugement modificatif et ont acquis l’autorité de la chose jugée, de sorte que la dissociation des actifs, qui correspond au demeurant à un montage classique, n’est pas en elle-même contraire au plan de cession.

La question de la conformité au plan de cession ne se pose en réalité qu’au regard des liens capitalistiques de la société substituée avec le repreneur.

Il ressort des pièces au débat que la Sci a été constituée en 2009 entre Y Stamping (nouvelle appellation du repreneur, précédemment L M et Mécanismes) et la holding Y I. Dans les statuts initiaux Y Stamping détenait 99% du capital et Y I 1%, cette composition ayant été inversée par avenant quatre jours plus tard, avant l’immatriculation de la Sci, l’unique part restant détenue par Y Stamping ayant été cédée le 18 mars 2014 à la holding, de sorte qu’Y I, actionnaire du repreneur, contrôle entièrement la Sci Stamping.

Il n’est pas établi que la Sci Stamping devait être une filiale de la future société Y La Souterraine, dès lors que les termes de l’offre, auxquels renvoie le jugement du 16 juin 2009, selon lesquels le repreneur créera pour les besoins de son organisation une Sci filiale à 100% du repreneur ou de la société qu’il se substituera, se rapportent manifestement au repreneur retenu par la tribunal et non à la société opérationnelle à créer dans un second temps et ce d’autant que la Sci devait acquérir les biens immobiliers des différents sites opérationnels relevant de sociétés d’exploitation distinctes. Aucune disposition de l’offre n’a en effet a prévu de régime particulier pour la future société Y La Souterraine justifiant que celle-ci détienne par l’intermédiaire d’une filiale l’ensemble du patrimoine immobilier cédé.

Sur requête de la société L M et Mécanismes Sa et de la société Halbert I Sa tendant à voir modifier le plan à la suite des dispositions prises pour autonomiser la structure française du groupe, le tribunal de commerce de Guéret a, par jugement du 18 juillet 2009, confirmé que 'la société L M et Mécanismes [actuellement dénommée Y Stamping ] a la qualité de cessionnaire des actifs de Sonas Automotive conformément aux termes de son offre initiale, en ce qui concerne la faculté de substitution, à savoir par une société à constituer contrôlée directement ou indirectement par L M SA ou par ses actionnaires.

S’il n’y a pas lieu pour l’application de cette disposition de distinguer entre actifs industriels et actifs immobiliers, la portée de cette modification pouvait en revanche faire débat quant à la possibilité pour les sociétés à créer en vue d’acquérir les actifs cédés, d’être contrôlées par les actionnaires du repreneur.

Force est cependant de constater que, le 12 février 2010, lors de la signature la cession des actifs immobiliers, le notaire s’est attaché à vérifier la conformité de la substitution de la Sci Stamping dans les droits du repreneur, l’acte précisant que la Sci Stamping est conformément aux termes du jugement rendu par le tribunal de commerce de Guéret le 18 juillet 2009, contrôlée directement ou indirectement par la société Halbert M et Mécanismes, désormais dénommée Y Stamping, ou par ses actionnaires.

Maître Martinez, administrateur judiciaire de Sonas Automotive, ayant émis un avis circonstancié sur la requête en modification en juillet 2009 et représentant la société cédée le 12 février 2010 a déclaré au notaire ' à ce jour l’ensemble des conditions fixées dans les jugements en date des 16 juin et 18 juillet 2009, susmentionnés, ont été respectées à l’égard du cessionnaire', et a accepté cette substitution après avoir pu vérifier l’identité du substitué, étant observé qu’à cette date la Sci était déjà contrôlée par la holding Y I, actionnaire et non filiale de Y Stamping, selon avenant du 30 novembre 2009 visé lors de la publication des statuts.

En cet état, le liquidateur et le mandataire ad hoc n’établissent pas suffisamment que les relations entre la Sci Stamping et Y La Souterraine, qu’ils qualifient par ailleurs d’anormales sur le plan financier, s’inscrivent dans un contexte de violation du plan de cession, étant observé qu’une telle violation, à la supposer avérée, ne trouverait pas nécessairement sa sanction dans une procédure d’extension.

La Sci Stamping conteste toutes relations financières anormales avec Y La Souterraine, dans les faits suivants que lui opposent le liquidateur et le mandataire ad hoc:

— une minoration du loyer de 30% par rapport à la valeur locative estimée par expert,

— la mise à disposition de locaux sans réelle contrepartie,

— une absence de réaction véritable pour faire face aux impayés de loyers s’élevant au titre des années 2013 et 2014 à 452.698,71 euros, alors que la bailleresse se trouvait en difficulté pour régler ses propres créanciers dont le Trésor Public,

— l’engagement pris en son nom par Y Industry de consentir une franchise de 18 mois de loyers et une décote sur le prix de cession des biens immobiliers au profit de R S T.

— l’identité des dirigeants de la Sci et de Y La Souterraine par personnes interposées jusqu’en avril 2014, de sièges sociaux,

— la répartition artificielle des actifs à la suite du plan de cession, les deux actifs étant indissociables,

— la violation de l’engagement de Y Stamping de détenir 100% du capital de la Sci,

— la cession de parts à la veille de l’ouverture des procédures collectives afin de sortir le capital de la Sci Stamping de la division Stamping et du périmètre de la procédure collective.

Il est constant que la Sci Stamping a consenti à Y La Souterraine notamment deux baux commerciaux en date des 2 septembre 2010 et 5 décembre 2013.

Selon le premier contrat, il est donné à bail les bâtiments industriels du site de La Souterraine moyennant un loyer trimestriel de 118.422 euros soit 473.688 euros par an. L’écart entre le montant de ce loyer et l’estimation de la valeur locative réalisée quelques mois auparavant par la BNP Real Estate à 680 000 euros ne suffit pas à établir une minoration anormale du loyer contractuel, dans la mesure où cette évaluation résulte d’un rapport non contradictoire établi à la demande d’Y I, laissant par voie de conséquence toute sa place aux négociations entre les parties en tenant compte notamment des autres conditions du contrat. Le bail fait en effet supporter au preneur diverses charges, en particulier les grosses réparations, sachant qu’il s’agit de locaux déjà anciens, dont la partie bureaux est en état moyen, tous éléments de nature à limiter le montant du loyer. La pertinence de l’estimation proposée en 2010 par la BNP Real Estate apparaît d’ailleurs pouvoir être mise en cause au vu d’une estimation à 242.000 euros de la valeur locative de ces mêmes bâtiments établie par l’expert missionné par l’administrateur dans le cadre du projet de cession des actifs d’Y La Souterraine, le rapport insistant non seulement sur les travaux de rénovation à prévoir mais aussi sur l’importance des charges pesant sur le locataire. Le délai de quatre ans et la crise économique déjà présente en 2010 ne suffisent pas à expliquer un écart de cette importance entre les deux estimations, sachant qu’il a été reproché dans d’autres circonstances au bailleur d’avoir fixé un prix de bail excessif.

Il s’ensuit que les intimés n’établissent pas que le montant du loyer contractuel est, au regard de l’ensemble des clauses du bail avec lesquelles il forme un tout, très inférieur au prix du marché, étant observé qu’il n’est pas contesté que le paiement des loyers se retrouvent bien dans les écritures comptables respectives des deux sociétés.

S’agissant du bail conclu le 5 décembre 2013, il est inopérant de soutenir que le loyer d’un euro traduit une mise à disposition sans réelle contrepartie financière, la Sci établissant que les lots 34 et 84 objet de ce bail, précédemment mis à disposition par la commune en vertu d’un crédit-bail dont elle a levé l’option d’achat moyennant le paiement de 0,18 euros pour chacun des lots, avaient en pratique déjà été intégrés dans le loyer global de sorte qu’il n’y avait pas lieu de prévoir une redevance autre que symbolique à l’occasion de la formalisation de ce bail complémentaire.

En ce qui concerne l’abandon de loyers allégué par les intimés, il sera tout d’abord relevé qu’il ne vise que la période 2013-2014, le paiement effectif des loyers jusqu’en 2012 inclus n’étant pas contesté, de sorte que les relations entre la Sci Stamping et Y La Souterraine s’inscrivent bien les deux premières années dans des relations bailleur- preneur tout à fait habituelles. Les défauts de paiement intervenus par la suite, ayant conduit, au vu de la déclaration de créance effectuée par la Sci au passif du redressement judiciaire d’Y La Souterraine, à un arriéré locatif de 452.698,71 euros, ne caractérisent pas en eux-mêmes une relation anormale, tout bailleur pouvant être exposé à la défaillance de son locataire. L’existence de relations financières anormales suppose à cet égard d’établir un abandon volontaire, réitéré et sans motif contractuel des loyers dus. Or, il ressort des pièces au débat que les factures de loyers ont été régulièrement envoyées, qu’Y Management, société du groupe en charge de la gestion des loyers auprès des divers locataires, faisait régulièrement le point sur les règlements attendus et a effectué diverses relances tout au long de l’année 2013, le responsable de la division Stamping ayant même indiqué le 2 juillet 2013 que les loyers ne pouvaient faire l’objet d’un arbitrage et qu’il fallait donc se mettre à jour des sommes dues.

L’abandon volontaire des loyers ne saurait non plus être déduit de ce que la Sci s’est abstenue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire figurant dans les baux, dès lors, d’une part, qu’entre sociétés d’un même groupe une attitude bienveillante dans un premier temps n’a rien d’inhabituel et ce d’autant que la défaillance a été progressive, d’autre part, que les impayés sont manifestement dûs à l’impécuniosité d’Y La Souterraine dont l’état de cessation des paiements, fixé rétroactivement au 28 octobre 2012, a conduit à l’ouverture d’une procédure collective, de telles difficultés rendant assez vaines des mesures d’exécution forcée et qu’en tout état de cause la société bailleresse a procédé à une déclaration de créance au titre des loyers impayés.

La volonté délibérée d’abandonner les loyers n’ayant pas été caractérisée, aucune déduction utile ne peut être tirée des difficultés de trésorerie que ces impayés ont pu occasionner à la Sci.

S’agissant de la franchise de loyers alléguée, il ressort du projet de cession des parts d’Y Stamping conclu entre Y Industry, détentrice du capital social d’Y Stamping depuis un traité d’apport partiel d’actifs en mai 2011, et R S T, que la société cédante s’est engagée à obtenir de la part de sa filiale la Sci Stamping, avant la date de 'closing', une période de 18 mois de franchise de loyers sur les immeubles loués par les sociétés du groupe et à obtenir après cette période une option d’achat au profit du cessionnaire sur lesdits immeubles à un prix devant être accepté par les parties, prenant en compte des prêts intragroupes restant à cette date entre les sociétés du groupe et Y Industry, une décote de 30% devant être appliquée au prix du marché des immeubles loués en raison de l’occupation par les sociétés du groupe.

Cependant, l’appelante, fait justement valoir que l’engagement ainsi pris par Y Industry ne peut lui être imputé en dépit des liens existant entre les mandataires sociaux des différentes sociétés du groupe, ces personnes morales étant juridiquement autonomes, dès lors que la Sci Stamping n’était pas partie à ces négociations et qu’il n’est pas établi qu’elle a donné un pouvoir en ce sens, étant rappelé que la Sci est contrôlée depuis 2009 par Y I et non par Y Industry.

En outre, le bénéfice allégué devait profiter à Trasantlantic, société tierce, sans lien capitalistique avec la Sci, non visée par l’extension.

En tout état de cause, il n’est pas acquis au débat que la cession intervenue entre Y Industry et R se soit en définitive concrétisée sur les bases ci-dessus, la Sci Stamping soutenant que cet accord n’a pas eu de suite et le dirigeant d’Y Stamping issu de cette cession ayant quelques jours après la transaction démissionné de son poste.

Enfin, l’identité de dirigeants, qui n’est pas à elle seule un élément suffisant pour justifier une confusion de patrimoines, l’est d’autant moins en l’espèce que les mouvements financiers sont bien identifiés dans les comptabilités respectives et que ces deux sociétés ont une activité très différente, l’objet de la Sci étant l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier, alors qu’Y La Souterraine exerçait une activité industrielle d’équipementier automobile.

Il n’y a pas lieu de revenir sur les autres moyens déjà évoqués à l’occasion des explications sur l’exécution du plan de cession.

Au vu de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu’il a prononcé à l’égard de la Sci Stamping l’extension de la procédure du redressement judiciaire ouverte à l’égard d’Y La Souterraine et statuant à nouvea, la demande d’extension sera rejetée.

— Sur la demande de dommages et intérêts de la Sci

Il ne résulte pas des éléments au débat que la Scp A et le F G, ès qualités, ont fait un usage abusif du droit qu’ils tiennent de l’article 621-2 alinéa 2 du code du commerce, de solliciter l’extension de la procédure collective, les effets juridiques durant quelques mois de l’extension prononcée tenant au caractère exécutoire du jugement déféré.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la Sci Stamping de sa demande de dommages et intérêts .

— Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d’équité ne commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

Déclare la BNP Paribas recevable en son intervention volontaire en cause d’appel,

Met hors de cause la F G, prise en la personne de Maître X, en sa qualité d’administrateur judiciaire,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la Sci Stamping et toutes les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Déboute la Scp A, prise en la personne de Maître B, ès qualités et Maître E, ès qualités, de leur demande d’extension à l’égard de la Sci Stamping de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de la société Y La Souterraine,

Y ajoutant,

Déboute toutes les parties de leurs plus amples demandes,

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective et qu’ils pourront être recouvrés par les avocats qui en font la demande selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.