Cass. com., 17 février 2015, n° 13-17.076
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Texier
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
Me Le Prado, SCP Rousseau et Tapie
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 14 mars 2013) et les productions, que la société Fructicomi, devenue la société Natixis Lease immo (le crédit-bailleur), a conclu avec la société Bernelec un contrat de crédit-bail immobilier ; que la société Etablissements Jaunet, venant aux droits de la société Jaunet développement, s'est s'engagée à devenir cessionnaire de ce contrat si la société Bernelec devait manquer à son obligation de paiement de l'une des échéances et ne pas satisfaire à un commandement de payer dans un délai de trente jours, la réalisation de ces conditions suspensives devant être constatée par acte notarié ; que la société Bernelec a été mise en liquidation judiciaire le 28 janvier 2010 ; que le 2 avril 2010, le crédit-bailleur a fait délivrer au liquidateur un commandement de payer au titre des loyers et charges dus après le jugement d'ouverture et l'a dénoncé à la société Etablissements Jaunet ; que par acte notarié du 21 juin 2010 a été constaté le caractère parfait de la cession du contrat à celle-ci ; qu'à la demande de cette dernière, le juge-commissaire, par ordonnance du 24 janvier 2011, a constaté la résiliation de plein droit du contrat à effet du 3 mai 2010 ; que le crédit-bailleur a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que la société Etablissements Jaunet fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle constatait la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail immobilier alors, selon le moyen :
1°) qu'aux termes de l'article L. 641-11-1, III, 1° du code de commerce, le contrat en cours est résilié de plein droit, après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse ; que la loi ne soumet pas cette mise en demeure à une forme particulière ; que la sommation équivaut à une mise en demeure ; que, dans ses écritures d'appel, la société Etablissements Jaunet a exposé que par, sommation en date du 2 avril 2010, le crédit-bailleur a mis en demeure le liquidateur d'avoir à lui payer les redevances postérieures au jugement d'ouverture et lui a rappelé qu'à défaut de déférer, le contrat de crédit-bail cesserait de bénéficier à la société Bernelec et serait cessible à la société Etablissements Jaunet ; qu'elle faisait valoir que cette sommation, valant mise en demeure, faisait référence au paiement de sommes postérieures au jugement d'ouverture et donc payables à leur échéance normale et indiquait bien qu'à défaut de paiement, le contrat serait transféré au « profit » de la société Etablissements Jaunet et cesserait donc de s'appliquer entre le crédit-bailleur et la société Bernelec ; qu'elle en concluait qu'on ne saurait concevoir interpellation plus explicite quant à la continuation ou non du contrat, en fonction de la réponse ou de l'attitude du liquidateur s'agissant du paiement sollicité ; qu'en retenant que l'examen du commandement de payer susvisé montre que le crédit-bailleur n'a nullement mis en demeure le liquidateur de prendre parti sur la poursuite du contrat, mais lui a seulement fait commandement de payer l'arriéré locatif de 6 662, 03 euros en l'avertissant ainsi que la société Etablissements Jaunet qu'elle entendait se prévaloir de la clause de cession du contrat de crédit-bail sous conditions suspensives prévues au contrat, sans se prononcer sur la circonstance que la cession du contrat de crédit-bail à la société Etablissements Jaunet y mettait fin en ce qui concerne la société Bernelec, placée en liquidation judiciaire, de sorte que les termes de la sommation litigieuse emportaient nécessairement mise en demeure du liquidateur de prendre parti sur sa poursuite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2°) qu'aux termes de l'article L. 641-11-1, III, 2° du code de commerce, le contrat en cours est résilié de plein droit, à défaut, lorsque la prestation porte sur une somme d'argent, de paiement au comptant et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ; que, dans ses écritures d'appel, la société Etablissements Jaunet a fait valoir que la sommation de payer portait sur deux mensualités échues, postérieures au jugement d'ouverture, et que le liquidateur n'a pas procédé à quelque paiement que ce soit, de sorte que le contrat s'est trouvé résilié de plein droit ; qu'en retenant que la condition prévue par la disposition susvisée ne peut être davantage remplie puisque le crédit-bailleur a clairement manifesté son intention de poursuivre la relation contractuelle avec la société cessionnaire du contrat de crédit-bail par l'acte de dénonciation sous condition suspensive et par la sommation à comparaître chez le notaire, déduisant ainsi un motif inopérant tiré de la poursuite du contrat avec un tiers et non pas avec le débiteur, et sans se prononcer sur l'absence de paiement au compte des sommes dues au crédit-bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
3°) qu'aux termes de l'article L. 641-11-1, III, 3° du code de commerce, le contrat en cours est résilié de plein droit, lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat ; que, dans ses écritures d'appel, la société Etablissements Jaunet a invoqué la renonciation tacite du liquidateur à poursuivre le contrat, déduite de son refus de paiement des loyers échus après la sommation du 2 avril 2010 ; qu'en retenant que la condition posée à la disposition susvisée n'est pas remplie dès lors que le liquidateur n'a pas informé le crédit-bailleur de sa décision de ne pas poursuivre le contrat, sans rechercher, comme elle y était invitée si le liquidateur n'avait pas tacitement renoncé à la poursuite du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le crédit-bailleur avait, le 2 avril 2010, seulement fait commandement au liquidateur de payer l'arriéré locatif en l'avertissant, ainsi que la société Etablissements Jaunet, qu'il entendait se prévaloir de la clause de cession du contrat de crédit-bail, dont il leur a rappelé les conditions de mise en oeuvre, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que, par ce commandement, le crédit-bailleur n'avait pas mis le liquidateur en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat ;
Attendu, d'autre part, que seul un contrat en cours pouvant être cédé, l'intention du cocontractant de poursuivre la relation contractuelle avec le cessionnaire implique celle de maintenir cette relation avec le cédant jusqu'à la cession ; qu'ayant retenu que le crédit-bailleur avait clairement manifesté son intention de poursuivre le contrat avec la société cessionnaire du contrat par l'acte de dénonciation sous condition suspensive et la sommation à comparaître devant le notaire, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche sur l'absence de règlement des causes du commandement de payer, que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la condition de la résiliation de plein droit prévue par l'article L. 641-11-1 III 2°, du code de commerce n'était pas remplie ;
Attendu, enfin, que la résiliation de plein droit du contrat en cours prévue par l'article L. 641-11-1, III-3°, du code de commerce, qui intervient au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat, suppose une manifestation expresse de volonté de la part de ce dernier, de sorte que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche, inopérante, invoquée par la troisième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.