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Décisions

Cass. com., 21 octobre 2020, n° 19-16.185

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché, SCP de Nervo et Poupet

Dijon, du 7 févr. 2019

7 février 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 février 2019), la société Financo (la banque) a consenti à la société [...] un crédit pour le financement d'un stock de véhicules, d'un montant de 200 000 euros en principal. M. G..., gérant de la société débitrice (la caution), s'est rendu caution solidaire du remboursement de ce crédit à concurrence de 240 000 euros.

2. La société [...] a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 14 septembre 2012, un plan étant arrêté le 14 mars 2014.

3. La banque, après avoir déclaré sa créance, a obtenu d'un juge de l'exécution l'inscription d'une hypothèque provisoire sur les droits détenus par la caution sur un immeuble pour un montant correspondant à la dette de la société [...] . L'inscription a été dénoncée le 17 janvier 2013 à la caution.

4. Le 5 février suivant, la banque a assigné la caution aux fins de voir constater qu'elle était créancière de celle-ci et que son action en paiement était suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan. Par un jugement, devenu irrévocable, du 10 janvier 2014, le tribunal a fait droit à ces demandes, sursis à statuer dans l'attente de la décision relative à la fin de la période d'observation, et dit que l'affaire serait rappelée à l'initiative de la partie la plus diligente.

5. Après le jugement arrêtant le plan, la banque a repris l'instance et demandé la condamnation de la caution, avec cette précision que la condamnation obtenue ne s'exécuterait pas tant que le plan serait respecté. La caution, qui avait saisi le juge de l'exécution en mainlevée de l'inscription provisoire, a conclu au sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur cette demande de mainlevée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de condamnation à paiement qu'elle avait formée contre la caution, alors « qu'en application des articles L. 622-28 et R. 622-26 du code de commerce, le créancier est fondé à inscrire sur les biens du garant du débiteur principal soumis à une procédure de sauvegarde une mesure conservatoire et, pour valider celle-ci, est tenu d'assigner le garant en vue d'obtenir contre lui un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues ; que l'exécution forcée de ce titre ne peut cependant pas être mise en oeuvre à l'encontre du garant personne physique tant que le plan de sauvegarde est respecté, ce que rappelait la société Financo dans ses conclusions d'appel ; qu'en déboutant néanmoins la SA Financo de sa demande de condamnation à paiement formée contre la caution aux motifs totalement inopérants que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; qu'il est établi que des versements sont intervenus dans le cadre de l'exécution du plan de sauvegarde de la débitrice principale et que l'intimé a soulevé cet argument dans le cadre de ses conclusions notifiées le 18 novembre 2016, la cour d'appel, qui a perdu de vue que pour valider la mesure conservatoire prise, le créancier était tenu à peine de caducité d'assigner le garant en vue d'obtenir contre lui un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues l'exécution forcée du titre exécutoire et que l'exécution forcée du titre ne pourrait être mise en oeuvre tant que le plan de sauvegarde était respecté, le créancier étant en droit de faire exécuter son titre contre la caution pour la partie de sa créance devenue exigible, dès qu'une échéance du plan ne serait pas respectée, a violé par fausse application l'article 2290 du code civil et par refus d'application les articles L. 622-28 et L. 626-11 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, L. 622-28, R. 622-26 et L. 626-11 du code de commerce :

7. Le créancier qui est fondé, en application des articles L. 622-28 et R. 622-26 du code de commerce, à inscrire sur les biens de la personne physique, caution du débiteur principal soumis à une procédure de sauvegarde, une hypothèque judiciaire provisoire, est tenu, pour valider cette sûreté, en application du premier des textes visés, d'assigner la caution en vue d'obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues. L'obtention de ce titre n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution, dès lors qu'il ne pourra être exécuté tant que le plan de sauvegarde sera respecté.

8. Pour rejeter la demande de condamnation de la banque, l'arrêt énonce exactement qu'en application de l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier autorisé à pratiquer une mesure conservatoire contre une caution personnelle personne physique doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire et qu'en application de l'article R. 622-26 du code de commerce, les instances et procédures civiles d'exécution suspendues en application de l'article L. 622-28 sont poursuivies à l'initiative des créanciers bénéficiaires de sûretés personnelles, sur justification du jugement arrêtant le plan, selon les dispositions applicables à l'opposabilité de celui-ci à l'égard des garants. Après en avoir exactement déduit qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'un impayé de la débitrice principale comme le demande l'intimé, l'arrêt rejette cependant la demande en application de l'article 2290 du code civil, en l'absence de pièces permettant de liquider la dette actuelle de la caution envers la banque.

9. En statuant ainsi, alors que la banque demandait la condamnation de M. G... en vue de l'obtention d'un titre couvrant la totalité des sommes dues sans préjuger du montant qu'elle pourrait lui réclamer en cas de défaillance, non encore constatée, de la société débitrice dans le paiement des dividendes du plan, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon.