Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 15 mai 2018, n° 17/07124

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kesslord Paris (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseiller :

Mme Douillet

Conseiller :

M. Thomas

CA Paris n° 17/07124

14 mai 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

La société KESSLORD PARIS (ci-après, la société KESSLORD), spécialisée dans la création de sacs et chaussures, met, depuis 2012, à la disposition de sa clientèle un logiciel doté d'une application dite « sur mesure » lui permettant de choisir, à partir d'une palette chromatique et de textures variées, la couleur et la matière des sacs, souliers et accessoires créés puis fabriqués sur commande de façon personnalisée.

M. Christian L. est un créateur de mode et d'accessoires, notamment de chaussures de luxe sur la semelle desquelles il appose systématiquement, depuis 1992, une couleur rouge. Il est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque figurative française n° 3869370 déposée et enregistrée le 25 octobre 2011 pour désigner, en classe 25, des chaussures à talons hauts (à l'exception des chaussures orthopédiques) :

La société CHRISTIAN L. commercialise en France et à l'étranger les produits créés par M. L. qui, par contrat du 30 juin 2006 inscrit au registre national des marques le 30 avril 2012, lui a consenti une licence exclusive sur cette marque pour une durée initiale de 15 ans.

Expliquant avoir découvert, à la fin de l'année 2013, que la société KESSLORD proposait à ses clients une offre de personnalisation de produits permettant la confection et l'achat de chaussures reproduisant sa marque, M. L., par courrier de son conseil du 8 janvier 2014, l'a mise en demeure de cesser toute personnalisation permettant à ses clients de se faire confectionner des chaussures qui reproduiraient sa 'marque semelle rouge'. La société KESSLORD a alors, par courrier du 22 janvier 2014, contesté la distinctivité de la marque opposée et les faits de contrefaçon qui lui étaient reprochés.

Imputant à la société KESSLORD la vente, dans la partie prêt-à-porter de sa boutique du 4ème arrondissement de Paris, d'une paire de souliers aux semelles rouges en marge de l'activité de personnalisation reproduisant les caractéristiques de sa « marque semelle rouge », M. L. a fait dresser, par huissier, un procès-verbal de constat d'achat le 21 janvier 2015, puis a mis à nouveau en demeure la société KESSLORD de cesser ses agissements, par courrier du 3 février 2015 adressé par son conseil.

Par courrier du 5 mars 2015, 1a société KESSLORD a contesté les faits reprochés et indiqué avoir retiré à titre conservatoire la couleur rouge de son offre de personnalisation pour l'ensemble de ses chaussures.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier en date du 3 juillet 2015, la société KESSLORD a assigné M. L. et la société CHRISTIAN L. devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de l'enregistrement de la marque figurative française n° 3869370.

Par un jugement rendu le 16 mars 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

• rejeté la demande principale en annulation totale de la marque figurative française n° 3869370 de M. L. présentée par la société KESSLORD,

• déclaré irrecevable pour défaut de droit d'agir de la société KESSLORD la demande subsidiaire d'annulation partielle de la marque,

• rejeté la demande indemnitaire présentée par la société KESSLORD,

• déclaré irrecevable pour défaut de droit d'agir la demande additionnelle de la société KESSLORD au titre de la marque française n° 3067674,

• rejeté la demande reconventionnelle de M. L. et de la société CHRISTIAN L. au titre de la procédure abusive,

• condamné la société KESSLORD aux dépens et au paiement à M. L. et à la société CHRISTIAN L. de la somme de 5 000 € à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 3 avril 2017, la société KESSLORD a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 2, transmises le 29 janvier 2018, la société KESSLORD demande à la cour :

• d'infirmer le jugement en ce qu'il :

• a rejeté sa demande d'annulation de la marque figurative française n° 3869370,

• a rejeté sa demande indemnitaire à l'encontre de M. L. et la société CHRISTIAN L.,

• l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité à M. L. et à la société CHRISTIAN L. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, à titre principal :

• de déclarer nulle la marque figurative française n° 3869370 sur le fondement de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle,

• de dire que la décision déclarant nulle la marque précitée sera transmise à l'INPI sur sa requête,

à titre subsidiaire :

• de la dire recevable et fondée à solliciter la nullité de la marque n° 3869370 sur le fondement de l'article L.711-2 c) du code de la propriété intellectuelle,

•             de déclarer nulle la marque figurative française enregistrée sous le n° 3869370,

•             de dire que la décision déclarant nulle la marque précitée sera transmise à l'INPI sur sa requête,

en tout état de cause :

• de constater que l'usage du signe litigieux est impuissant à purger la nullité de la marque n° 3869370 et qu'en tout état de cause l'usage du signe est fluctuant et ambigu,

• en conséquence, de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,

• de les condamner in solidum à lui payer :

• la somme de 50 000 € en réparation du préjudice qu'elle subit du fait de l'interdiction générale et indue qui lui est faite de commercialiser une semelle rouge sur tout support, sur le fondement de la marque figurative française enregistrée sous le n°3869370,

• la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 2, transmises le 22 décembre 2017, M. L. et la société CHRISTIAN L. demandent à la cour :

à titre principal :

• de prendre acte de ce que la société KESSLORD a renoncé à sa demande subsidiaire d'annulation partielle de la marque française n°3 869 370 de M. L., ainsi qu'à sa demande additionnelle consistant dans la demande d'injonction à CHRISTIAN L. qu'il soit procédé aux formalités nécessaires à la publication à l'INPI de la décision du 22 juin 2011 de la cour d'appel de Paris au titre de la marque française n° 3 067 674,

• de confirmer le jugement notamment en ce qu'il a débouté la société KESSLORD de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société CHRISTIAN L. et de M. L.,

• de juger que la société KESSLORD est irrecevable en sa demande en nullité fondée sur l'article L.711-2 c) code de la propriété intellectuelle en ce que cette demande n'a pas été soulevée en première instance,

• en tout état de cause et à titre subsidiaire, de juger que la société KESSLORD ne démontre pas que la marque française n° 3 869 370 est constituée exclusivement par la forme conférant au produit sur lequel elle est destinée à être apposée sa valeur substantielle,

• en conséquence, de débouter la société KESSLORD de ses demandes en nullité de la marque française n°3 869 370,

• de rejeter toutes les demandes de la société KESSLORD et notamment sa demande indemnitaire,

à titre reconventionnel :

• d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau, de condamner la société KESSLORD à leur verser la somme de 10 000 € à chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de sa procédure manifestement infondée et abusive,

• de condamner la société KESSLORD à leur verser la somme supplémentaire de 25 000 € à chacun au titre de l'article 700 code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2018.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur les chefs du jugement non critiqués

Considérant que la société KESSLORD ne critique pas le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables sa demande subsidiaire d'annulation partielle de la marque figurative française n°3 869 370 de M. L. et sa demande additionnelle tendant à ce qu'il soit fait injonction à la société CHRISTIAN L. et à M. L. de procéder aux formalités nécessaires à la publication à l'INPI d'une décision rendue le 22 juin 2011 par la cour d'appel de Paris au titre de la marque française n° 3 067 674 ;

Que dès lors, en l'absence de toute critique, le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs par adoption de ses motifs pertinents et exacts tant en fait qu'en droit ;

Sur les demandes de la société KESSLORD en nullité de la marque figurative française n° 3869370 de M. Christian L.

Considérant que l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est déclaré nul l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 ;

Sur la demande de nullité fondée sur l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle

Considérant que l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale et que peuvent notamment constituer un tel signe 'c) Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs' ;

Que ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de l'article 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques

qui dispose que peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises ;

Que la représentation graphique s'entend d'une représentation au moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective (CJCE 12 décembre 2002, Siekman) ; que les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu'à la condition qu'ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement comme provenant d'une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises (CJCE 18 juin 2002, Philips) ; que le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l'origine commerciale du produit ;

Considérant que pour soutenir que la marque de M. L. ne répond pas aux exigences posées par l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, en vertu desquelles la marque doit consister en une représentation graphique claire, objective, complète et constante, notamment au regard des produits désignés, et ce, afin de pouvoir garantir leur origine, la société KESSLORD fait valoir notamment qu'il existe un écart manifeste entre le dessin et la description du dépôt (qui évoquent une protection pour une semelle en particulier) et la désignation très large des produits (qui vise des chaussures à talons hauts à l'exception des chaussures orthopédiques), de sorte que le public n'est pas renseigné sur la chaussure susceptible de correspondre à ce type de semelle alors même que le signe se confond avec l'aspect du produit désigné ; que la société appelante argue que la difficulté est accrue par le fait qu'il n'existe aucune définition de ce qu'est un 'talon haut' ; que selon elle, cette imprécision révèle que le déposant a tenté de représenter l'idée d'une semelle rouge pour toutes les chaussures à talons hauts alors qu'il existe autant de types de semelles que de types de chaussures à talons hauts (bout pointu/rond, semelle large/étroite, cambrure extrême/moyenne/faible...) et que la représentation graphique d'une marque ne peut être un exemple ou une déclinaison du signe ; qu'elle ajoute que la marque litigieuse n'est pas une marque de position dès lors que les caractéristiques particulières du produit (la chaussure) affectent directement et nécessairement la forme représentée graphiquement (la semelle) et qu'on ne peut donc pas déterminer avec certitude et de manière exhaustive quel type de chaussure à talons hauts va être compatible ou incompatible avec le dessin représenté ;

Que les intimés répondent, pour l'essentiel, i) que la marque n° 3869370 constitue un signe qui contient une représentation graphique et une description précise permet d'identifier la couleur spécifique revendiquée et l'emplacement de ladite couleur sur la semelle extérieure d'un soulier à talon, de sorte que le signe est facilement identifié et reconnu par le public et que la marque n'est pas une marque purement conceptuelle mais une marque de position, apte à constituer le signe requis par les dispositions de l'article L. 711-1, ii) que l'appelante fait le procès des marques de position, feignant de ne pas comprendre que ce qui est revendiqué, c'est la combinaison d'une couleur précise et de son emplacement sur un produit donné, tous deux objectivement identifiés, peu important que la forme du produit sur lequel le signe est destiné à être apposé soit susceptible de variation ; que les intimés ajoutent que le caractère distinctif de la marque n'est pas discuté, les souliers CHRISTIAN L. étant connus et reconnus par tous comme comportant des semelles extérieures sur lesquelles est apposé le fameux rouge, signature de son créateur depuis plus de vingt-cinq ans ;

Considérant que comme le tribunal l'a rappelé, la validité de la marque doit être appréciée au jour du dépôt de la marque, indépendamment de ses conditions d'exploitation ;

Considérant que l'enregistrement de la marque n° 3869370 qui désigne, en classe 25, des chaussures à talons hauts (à l'exception des chaussures orthopédiques) comprend la représentation graphique reproduite supra ainsi que la description suivante : ' La marque consiste en la couleur rouge (code Pantone n° 18.1663TP) appliqué sur la semelle d'une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait donc pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l'emplacement de la marque) ;

Que l'enregistrement de la marque, appréhendé au regard de ses éléments graphique et littéraire, comprend donc la représentation d'une semelle extérieure de couleur rouge - cette couleur rouge correspondant à un code Pantone précis - d'une chaussure à talon haut ; que la marque litigieuse remplit ainsi la condition relative au signe que l'article L. 711-1 précité définit comme pouvant notamment être constitué d'une disposition de couleurs ;

Que par ailleurs, au regard de ces éléments graphique et littéraire, le signe est clairement et précisément défini par la combinaison d'une couleur spécifique et de l'emplacement tout aussi spécifique de cette couleur sur la semelle extérieure d'une chaussure à talon haut ; que l'emplacement de la couleur rouge Pantone n° 18.1663TP est clairement délimité grâce aux pointillés figurant sur l'enregistrement, recouvrant seulement la partie extérieure de la semelle de la chaussure, à l'exception du talon dont la face avant n'est d'ailleurs pas visible ;

Que l'argumentation de la société appelante selon laquelle la grande variété des produits désignés (chaussures à talons hauts à l'exception des chaussures orthopédiques) prive la représentation graphique des qualités de clarté, de précision, de certitude, d'objectivité et de durabilité, dès lors que les caractéristiques du produit (la chaussure) affectent ici directement et nécessairement la forme représentée graphiquement (la semelle), est en réalité inopérante, relevant, comme le tribunal l'a observé, du débat susceptible de naître à l'occasion d'une action en contrefaçon sur l'identité ou la similarité des produits en présence au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, et n'étant pas de mise lorsqu'il s'agit seulement, comme dans la présente instance, d'apprécier la validité de la marque au regard de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle ; que la variété des chaussures à talons hauts à l'exception des chaussures orthopédiques désignées dans l'enregistrement, comme les hauteur, largeur ou forme possibles de telles chaussures, ne peut donc altérer la clarté, la précision, l'intelligibilité, l'objectivité ou la stabilité de la représentation graphique considérée qui répond à toutes ces exigences, la société KESSLORD ne pouvant être suivie quand elle affirme que la marque litigieuse revêt le caractère d'une idée ou d'un simple exemple ;

Qu'enfin, il n'est pas sérieusement discuté que le signe qui vient d'être examiné - lequel, s'agissant de l'application d'une couleur rouge sur la semelle extérieure d'une chaussure à talon haut, présente un caractère fantaisiste et donc arbitraire dans le secteur d'activité concerné - soit apte à distinguer les chaussures revêtues de ce signe comme provenant de la Maison L. et à les distinguer de celles d'autres entreprises ; que la capacité du signe examiné à identifier la provenance des chaussures visées par l'enregistrement est au demeurant justifiée par les pièces fournies par les intimés (notamment articles de presse - pièce 2) ;

Qu'en conséquence, la marque figurative française n° 3869370 de M. Christian L. répond aux conditions précitées de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 2 de la directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de ladite marque au motif qu'elle ne répondrait pas aux exigences de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Sur la demande subsidiaire de nullité fondée sur l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle

Sur la recevabilité de la demande

Considérant que la société CHRISTIAN L. et de M. L. concluent à l'irrecevabilité de la demande formée à titre subsidiaire par la société KESSLORD sur le fondement de l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle, expliquant que cette demande est nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;

Que la société appelante répond que sa demande n'est pas nouvelle au regard des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile et dès lors qu'elle poursuivait déjà en première instance la nullité de la marque n° 3869370 en raison de son défaut de distinctivité ;

Considérant qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n 'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l 'intervention d'un tiers, ou de la survenance on de la révélation d'un fait' ; que l'article 565 du même code dispose que : 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent' ;

Considérant que la société appelante affirme à juste raison qu'en première instance, au visa des articles L. 711-1 'et suivants', elle a poursuivi la nullité de la marque n° 3869370 en soutenant que celle-ci était dépourvue de distinctivité, peu important que les premiers juges aient 'rectifié' cette qualification, estimant que la distinctivité intrinsèque de la marque n'était en réalité pas contestée et que seule était en débat la capacité du signe à satisfaire à l'exigence de représentation graphique ;

Qu'en outre, la demande fondée sur l'article L. 711-2 c) tend aux mêmes fins d'annulation de la marque que celle soumise au premier juge sur le fondement de l'article L. 711-1, au sens de l'article 565 du code de procédure civile ;

Que la demande n'est donc pas nouvelle ;

Que la fin de non-recevoir de la société CHRISTIAN L. et de M. L. sera par conséquent écartée ;

Sur le bien fondé de la demande

Considérant que l'article L. 711-2 dispose que sont dépourvus de caractère distinctif, lequel s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés (...) :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c), être acquis par l'usage. ;

Considérant que la société KESSLORD soutient que la marque de M. L. encourt la nullité dès lors, d'une part, que le signe déposé consiste en une forme (la semelle) dont la caractéristique est de recevoir la fonctionnalité rouge ou, dit autrement, que la couleur rouge n'est que l'une des caractéristiques de la forme qu'est la semelle et, d'autre part, que la couleur rouge de la semelle donne au produit sa valeur substantielle ;

Que les intimées objectent que la société KESSLORD n'établit pas qu'au jour du dépôt de la demande d'enregistrement de la marque, la marque était exclusivement constituée de la forme des produits pour laquelle l'enregistrement était requis, à savoir les chaussures à hauts talons, ni que la marque ainsi constituée donnait aux chaussures à hauts talons une valeur substantielle ;

Considérant que comme il a été dit supra, la marque en cause est définie dans l'enregistrement par la combinaison d'une couleur rouge spécifique et de l'apposition de cette couleur sur la semelle extérieure d'une chaussure à talon haut ;

Que cette combinaison indissociable constituant la marque ne résulte aucunement de la forme imposée par la nature ou la fonction du produit (chaussure à talon haut) ; que les choix opérés par le déposant de la marque sont en effet arbitraires, rien n'obligeant à appliquer la couleur rouge Pantone considérée sur la semelle extérieure de la chaussure, d'autres choix étant tout aussi possibles, comme par exemple d'appliquer le rouge Pantone n° 18.1663TP sur une partie seulement de la semelle extérieure ou d'appliquer une couleur bleue sur le seul talon de la chaussure ou encore d'apposer une couleur verte sur la semelle intérieure ;

Que par ailleurs, si la semelle rouge des chaussures à talons hauts L. est emblématique, en raison notamment de la communication promotionnelle assurée par M. L. et sa société, qui met volontiers en avant les circonstances dans lesquelles l'idée de cette semelle rouge est venue à l'esprit du créateur, il n'est pas démontré par la société appelante que les éléments composant la marque (couleur rouge Pantone n° 18.1663TP apposée sur la semelle extérieure de la chaussure à talon haut) confèrent aux produits concernés leur 'valeur substantielle' et que cette valeur ne résulte pas de la qualité intrinsèque des chaussures, matérielle ou esthétique, ou de leur succès auprès d'une clientèle célèbre ;

Qu'en conséquence, la société KESSLORD verra rejeter sa demande en nullité de la marque n° 3869370 de M. Christian L. présentée sur le fondement de l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle ;

Sur la demande indemnitaire de la société KESSLORD

Considérant que le rejet des demandes en nullité de la marque figurative française n° 3869370 entraîne le rejet de la demande indemnitaire formée par la société KESSLORD ;

Sur la demande de la société CHRISTIAN L. et de M. L. pour procédure abusive

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté la demande formée par la société CHRISTIAN L. et de M. L. au titre de la procédure abusive qu'aurait engagée la société KESSLORD ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Que le rejet des prétentions de la société KESSLORD en appel ne permet pas plus de caractériser sa faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits ; que, par ailleurs, les intimés ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la demande sera rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles non compris dans les dépens

Succombant en son recours, la société KESSLORD sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que les sommes qui doivent être mises à la charge de la société KESSLORD au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société CHRISTIAN L. et par M. L. peut être équitablement fixée à 7 500 € pour chacun, ces sommes complétant celles allouées en première instance ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir de la société CHRISTIAN L. et de M. L. quant à la demande de la société KESSLORD en nullité de la marque figurative française n° 3869370 fondée sur l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle et dit cette demande recevable,

Déboute la société KESSLORD de sa demande en nullité de la marque figurative française n° 3869370 fondée sur l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle,

Déboute la société KESSLORD de sa demande indemnitaire,

Déboute la société CHRISTIAN L. et de M. L. de leur demande indemnitaire pour procédure abusive,

Condamne la société KESSLORD aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement à la société CHRISTIAN L. et à M. Christian L. de la somme de 7 500 € à chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile.